Marie à tout prix !
De notre correspondant Emmanuel Heidsieck
Son sourire vous séduit ? Méfiez-vous, la
directrice du Festival de Pérouges, derrière
ses cheveux blonds et ses grands yeux bleus,
cache une âme de chef d'entreprise
intransigeant. Attention, ça passe ou ça
casse !
Qui a peur de Marie Rigaud ? Si vous
posez la question aux responsables de la
communication des grandes entreprises de la
région, ou aux services culturels de nos
institutions, vous risquez fort d'être
surpris. Ce petit bout de femme, tout juste
trentenaire alors qu'on donne encore vingt ans
(il n'y a pas si longtemps, on lui demandait
encore sa carte d'identité pour rentrer en
boîte), semble pourtant douce et inoffensive.
En réalité, Marie est tout autre. Certes, il y
a dix ans, quand elle faisait ses études de
musicologie à Grenoble, elle ne pensait pas
qu'un jour elle dirigerait un important
festival de musique.
Non, son truc à elle, à l'époque, c'était le
chant, la scène, les enregistrements.
Passionnée par le spectacle, dotée d'une très
belle voix de soprano léger, Marie se
destinait à une carrière dans le milieu
lyrique. Avec son propre trio, en soliste
devant une chorale ou un orchestre, elle
chantait la musique romantique du 19ème,
Mendelssohn, Fauré, Berlioz.
Avec son lointain cousin Guy Touvron,
elle enregistrait sans trop y croire des
disques de musique baroque. Mais ni le
Conservatoire ni l'Opéra ne voulant d'elle,
Marie a vite décidé de faire son chemin
ailleurs. Et de prendre en main son destin.
C'est en août 96, alors qu'elle se promène
avec des amis dans les rues du Pérouges
médiéval, que lui vient l'idée d'insuffler à
ces vieilles pierres une âme musicale. Il faut
dire qu'avec son nouveau travail à Radio
Classique (Marie assure à ce moment la
programmation de tranches musicales produites
et diffusées en région), elle passe ses étés à
parcourir la France de festival en festival,
profitant de l'accueil réservé aux
professionnels et sympathisant avec les
organisateurs de la Chaise-Dieu, du festival
de Beaune, des Chorégies d'Orange ou
des Nuits musicales d'Uzès.
C'est ainsi que Marie, partie de rien à
Pérouges avec une première programmation de
copains en mai 97, se retrouve cinq ans après
à la tête d'un festival de près de 200 000
euros de budget et d'une quinzaine de soirées
organisées sur le thème éternel de la voix.
Musique ancienne, classique, romantique, le
festival a déjà exploré de nombreuses époques
pour s'arrêter plus précisément sur la
création artistique contemporaine dans son
acception la plus large, incluant les arts
plastiques, la danse, la musique et toutes les
utilisations de la voix dans les performances
et les concerts.
Bref, aujourd'hui le Festival de Pérouges est
sans doute l'un des plus innovants de la
région, il prend des risques artistiques, il
suit des lignes fortes et ne craint pas de
surprendre son public. Même à Paris, où
pourtant on a souvent tendance à dénigrer la
province, on murmure que le Festival de
Pérouges possède et entretient un dynamisme
artistique rare et prometteur. Le responsable
de production de l'ensemble Accentus,
primé aux récentes Victoires de la Musique
Classique, considère même le festival
comme susceptible d'atteindre une réputation
et une aura nationale et européenne dans les
prochaines années, si son développement reste
constant.
Pourquoi donc aurait-on peur de Marie ? Il est
facile d'imaginer qu'on ne parvient pas à
construire une telle entreprise sans s'attirer
quelques ennemis. Les méthodes de cette jeune
femme sont à l'image de son sourire :
éclatantes et sans limites. Il faut la voir
promener sa Smart noire dans les rues de la
presqu'île ou sur les petites routes de la
Plaine de l'Ain. En effet, au-delà de la
programmation artistique, qu'elle assure lors
de nombreux déplacements en France et en
Europe, Marie se livre à la chasse aux
capitaux. Les entreprises, les institutions,
les fondations, les collectivités locales,
tout le monde a droit à sa visite, ou plutôt à
ses visites puisque Marie ne lâche jamais le
morceau. Et avec son entourage, c'est la même
chose : elle met tout le monde à contribution,
sa famille, ses amis, ses stagiaires, ses
employés, ses artistes, ses bénévoles,
impossible d'y échapper, chacun accomplit sa
tâche sans trop pouvoir dire quoi que ce soit.
Marie a les défauts de ses qualités, elle
possède un dynamisme à toute épreuve, elle
renverse tout sur son passage et c'est pour ça
qu'elle est à la fois crainte et appréciée.
Marie possède aussi un réseau : à Lyon, si
elle se fait rare au sein des soirées
mondaines, elle entretient pourtant des
relations suivies avec de nombreux acteurs de
la société lyonnaise.
Très proche d'Anne-Marie
Comparini depuis qu'elle a réussi à
intéresser la région Rhône-Alpes, Marie peut
aussi compter sur le soutien du directeur de
l'Opéra Alain Durel, de
Jocelyn
Garabédian (MacBen
Music), du journaliste Stéphane
Cayrol de TLM (ci-dessus), du
producteur Daniel Charrier (CLC),
de Jean-Olivier Arfeuillère (Lyon
Capitale). Elle fréquente aussi plusieurs
artistes, dont le musicien Éric Montbel,
le photographe Frédéric Jean, la
soprano Natalie Dessay. À Paris, la
jeune femme est comme chez elle à Radio
Classique, à Télérama, au Monde.
De quoi sera fait l'avenir de Marie Rigaud ?
On peut penser que son festival,
effectivement, pourrait augmenter encore sa
taille et son aura. On peut prédire aussi que
Marie, un jour, sera appelée à de plus hautes
fonctions, son expérience grandissante et son
talent de meneuse d'hommes lui donnant
progressivement toutes les armes pour diriger
une structure importante, un centre culturel,
un théâtre, ou mieux encore, un opéra. Dans
une telle maison, elle pourrait peut-être
assouvir un de ses nombreux rêves, de ceux qui
la font avancer : programmer son amie Natalie
Dessay, la plus grande soprano française et
européenne, à laquelle elle ressemble tant.
Le Festival de Pérouges - du 10 mai au 8 juin
04 74 34 74 35
www.festival-perouges.com
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