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Rangez vos boules, sortez les fleurs !
A peine le citoyen ordinaire a-t-il eu le temps
de se rendre compte qu’il était sorti une fois
de plus presque indemne des réjouissances de fin
d’année qu’un nouveaux champ de mines, plus
pervers celui là, s’empresse de se mettre en
travers de son paisible chemin.
Entendons nous bien. Loin de nous l’idée de
jeter l’opprobre sur ces fêtes hivernales qui
mettent des paillettes aux yeux des enfants et
font le bonheur des détaillants de soucoupes
volantes plastiques made in China ou de
figurines de magiciens cinématographiques. S’ils
n’étaient pas immanquablement accompagnés des
attroupement dînatoires familiaux de
circonstances, on serait presque amener à en
redemander. Mais voilà, autour du sapin, à
l’affût, les proches sont là. Et pour le
célibataire, la tablée a des allures d’arène où
très vite les balles fusent : « Alors mon
grand comment ça va depuis l’an dernier ? »
- « Les amours ? » - « Toujours
célibataire ? » - « Faudrait quand même y
penser ! A ton âge ! » - « Et quand
est-ce que tu nous fais un petit ? »… Le
guide de survie en famille préconise de
répondre, dans l’ordre : Bien – Rien à signaler
– Oui – Quoi mon âge !? – Mais mamie heu !!
Jamais, voilà !
Ouf, cette année encore, on en réchappe. Juste
assez lucide pour remarquer à la lecture du
premier calendrier venu l’arrivée imminente du
prochain obstacle, le 14 février. Et c’est à ce
moment précis que le célibataire se met à honnir
en bloque des confréries aussi diverses et
variées que celles des pompiers, des éboueurs et
autres club sportifs qui immanquablement lui
auront fourni l’instrument du compte à rebours.
La Saint Valentin ! Merveilleux moment où toute
la ville est envahie de mièvrerie lamartinesque
et de petit cœurs en cartons rouge agrémentés de
paillettes qui viennent s’écraser aux devantures
des magasins. Et tout à coup, d’honnêtes
citoyens prennent les traits d’ennemis
implacables : le fleuriste qui fourbit ses
bouquets, le restaurateur qui réaménage sa
flotte de tables pour deux, la copine
semi-hystérique qui exulte au téléphone parce
que son Paulo attitré vient de lui annoncer
qu’il l’enlevait sept jours en escapade aux
Maldives (en plus c’est très surfait les
Maldives…), le bijoutier qui étale ses cascade
de pierres, le boucher qui a le malheur
d’exposer en sa vitrine deux têtes de veaux côte
à côte… Même le magasin de lingerie, devant
lequel on aimait à s’attarder parfois parce que,
quand même, c’est pas parce que l’on est seul
que l’on en est moins homme… Et pire que tout.
Horreur de toutes les horreurs. Trahison de
toutes les trahisons. Le petit bistrot. Notre
petit bistrot, d’habitude si fidèle et
compréhensif, celui où l’on bat en retraite
lorsque les choses tournent au vinaigre, cette
tanière, se met à l’heure des cœurs. On s’y
réfugie et l’on trouve le patron, celui la même
qui nous a si souvent entendu lui expliquer le
pourquoi du comment de notre dernière rupture,
debout sur une table, en train de suer sang et
eau pour tenter d’accrocher une guirlande
d’angelots ventripotents et béats !
Face à cette débauche d’effets, le célibataire a
le choix entre des techniques variées. Il peut
adopter le repli stratégique. Filer au
supermarché le plus proche pour amasser les
vivres et retourner se cloisonner au foyer
jusqu’au 15 février en coupant radio, télé et en
fermant les volets. Il peut aussi tenter de
soigner le mal par le mal et pillant son vidéo
club préféré et repartir avec le top ten de ce
qui se fait de mieux dans le sirupeux. Ah, re
visionner dans ces moments là « Quatre mariages
et un enterrement », « La belle et la bête »,
« Le journal de Bridget Jones »,
« Casablanca »… se mettre à haïr férocement
Hugh Grant (sans aucun doute l’ennemi public
numéro un dans ces conditions), se poser
l’inévitable question (« mais qu’est ce qu’il
a de plus que moi ce mec ? ») et s’effondrer
devant Ingrid Bergman et son « Play it again Sam ».
Et puis il y a l’approche pathétique qui le
pousse à ressortir son vieil agenda et à écluser
un à un les numéros de téléphone d’anciennes
conquêtes, exercice louable car prouvant qu’il
fait face, qu’il fait l’effort, mais qui prend
généralement fin lorsqu’il tombe pour la énième
fois sur une voix qui ressemble étrangement à
celle d’un être du même sexe que le sien ou sur
un répondeur qui lui annonce fièrement que « Gisèle
et Roland ne sont pas là pour le moment »
mais qu’il peut leur laisser un message…
Mais ce n’est là que divagation aigrie. Comme le
disait Pierre Desproges : « Il en est du
romantisme comme de la moule pas fraîche : quand
on en abuse, ça fait mal au cœur ». Tout
n’est qu’une question de qualité. Alors oui, que
les amoureux se fêtent puisqu’il n’y a pas de
honte à être heureux, surtout par les temps qui
courent. Laissons les profiter d’orgies de
fleurs et de tête à têtes en espérant qu’il ne
les limitent pas à ce jour institué du
romantisme car ce serait bien ça le plus triste.
Quant à moi, je serai sous la couette à me
regarder « Liaison fatale » en mangeant, peut
être, des moules… Je vous laisse, il faut que je
remette la main sur mon ancien agenda.
Stéphane Menoret, le 10 février 2003
A
suivre, La médiocrité est contagieuse…
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