Vous affirmez que les attentats du 11 septembre 2001 ont changé votre
vision du monde. Depuis vous avez décidé de transformer votre demeure de
Saint Romain en chaos...
Pour moi, le XXIème siècle a commencé le
11 septembre 2001. C'est incontestablement l'événement le plus important
de la modernité. Mais la grille de lecture est sulfureuse. Nous sommes en
présence d'un vrai choc entre : l'Amérique de Clausewitz où la guerre
permanente et globale n'est rien d'autre que la continuité de son économie
et de sa politique face à la première puissance économique mondiale : la
grande Europe qui se bâtit dans l'idéal Kantien de paix perpétuelle. Il
faut relire avec ferveur l'Esprit du Terrorisme de Baudrillard in Le Monde
du 03/11/2001. En réponse à cette iconographie permanente de la guerre
globale menée par des mondes antagonistes, l'art devient pour moi en tant
qu'Auteur le champ de tous les possibles. Et c'est ainsi que la Demeure du
Chaos est née dans mon esprit puis dans ma chair puis enfin incarnée dans
mon Domaine à Saint Romain au Mont D'Or.
Quel est le véritable sens de cette destruction si ce n'est le moyen de
refaire parler de vous ? Il faut bien admettre que vous aviez disparu de
la circulation médiatique avant de vous lancer dans le BTP ?
Ce n'est pas une destruction mais une
déconstruction. Il faut relire Derrida. Défaire de l'intérieur le système
de pensée dominant les valeurs traditionnelles. Voilà ce qui est un de mes
moteurs. Concernant le silence médiatique, je vous recommanderais de lire
mes interventions dans la presse Européenne. Il est important de respecter
des silences et de bâtir un ailleurs qui est l'Europe.
Vous adorez être sous les feux de la rampe quitte à passer pour le facteur
Cheval de Saint Romain ! Vous en avez d'ailleurs la queue...
Lorsque vous parlez du Palais du Facteur
Cheval, c'est le Temple mondial de l'art brut. Bâtisseur autodidacte et
sculpteur visionnaire, le Facteur Cheval disait que " marcher
perpétuellement dans le même décor mène à la destruction, à moins que l'on
ne songe ". Il a ainsi incarné son rêve en palais féerique.
Vous avez passé des années à parcourir l'Europe entière pour chiner des
meubles d'époque médiévale pour embellir votre maison. Aujourd'hui, vous
cassez leur écrin comme on casse ses jouets. Tel un enfant gâté ?
Je parcours toujours l'Europe pour ma collection privée de haute époque et
pour la collection d'art contemporain du Musée L'Organe que j'ai crée en
2001. Effectivement, certains meubles de haute époque viennent s'incarner
dans une installation monumentale. Est-ce la fin du meuble au sens
pécunier ? Ou l'incarnation d'une uvre contemporaine où ce mobilier
médiéval prend un sens nouveau ...
Vous êtes en effet déterminé à couler dans le béton certaines des pièces
de collection inestimables (tableau, mobilier) que vous possédez... Ce geste
ne sera-t-il pas le geste de trop pour tous les amoureux de l'art ?
Tout dépend du
rapport que l'on entretient avec le mobilier d'art. Si le mobilier d'art
se matérialise d'abord par sa valeur financière, alors j'assume avoir
détruit en connaissance de cause cette économie bourgeoise. Pour moi,
immoler une pièce médiévale par le feu et le béton pour l'installation
d'une uvre monumentale lui redonne au contraire un nouveau statut dans la
post modernité (ou le « festin nu» pour d'autres...)
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