Après avoir fait la connaissance d'Arlette La Belette, vous achetez une
petite ferme dans la Drôme pour faire votre retour à la terre ?
C'est pas tout à fait ça. J'ai rencontré
cette jeune femme alors que pour la première fois le lycée Jean Moulin
devenait mixte : il y avait une seule fille pour l'ensemble du lycée et la
malheureuse... était Arlette. Et il y avait 1500 garçons à l'époque !
Et l'épisode de la ferme, racontez nous un petit peu... c'était un peu « La
ferme Célébrités » avant l'heure ?
Oui c'était un peu ça !
Et Arlette c'était Elodie Gossuin ?
Oui (rires) En fait j'ai appris à
faire le pain pour vous dire la vérité ! Parce que je pensais que c'était
un élément de base pour l'avenir et puis en même temps un élément qui
ramenait à un certain nombre de valeurs. Et puis, pour plein de raisons,
je l'ai laissée à la personne qui l'avait faite avec nous. Pour des
raisons un peu plus personnelles...
Vous ne voulez pas vous étendre là-dessus ?
C'est difficile... Cela fait appel à des
choses...
Combien de temps dure cette expérience de retour à la terre dans la Drôme
?
C'est pas un retour à la terre, je suis
incapable de cultiver et puis je n'ai pas les capacités. Nous étions dans
la Drôme. Il y avait un four à pain, il y avait des gens qui étaient
capables de nous donner des cours, il y avait une atmosphère autour de
l'apprentissage de ça. Ca c'est résumé à ça.
Arlette faisait partie du voyage ?
Elle était tout le temps là. Elle a
toujours été ma meilleure amie et elle l'est toujours.
Est-ce là-bas, entre deux meules de foin que votre fille Barbara a été
conçue ?
Cela ne s'est pas fait de manières aussi
simples ! Cela s'est fait après un voyage d'un an à travers le monde. Pour
se connaître, nous sommes partis et c'est seulement au retour que nous
l'avons conçue.
En 1978, vous avez 27 ans quand vous créez avec 4 associés la SCOP
« Cité de la Création ». Pourquoi avoir choisi le statut de
coopérative ouvrière ? Il y avait une statue de Mao à l'entrée de
l'atelier ?
Non, parce que je n'ai jamais été dans
aucun parti politique mais en revanche, c'était une coopérative car nous
ne voulions pas travailler pour un patron, mais nous ne voulions pas
travailler pour des ouvriers non plus. Et le statut coopératif fait que
vous n'êtes ni ouvrier ni patron mais patron pour les ouvriers. C'est une
particularité qui nous allait bien.
Et qui perdure ?
Et qui perdure 26 ans après malgré toutes
les mauvaises ondes que l'on nous a envoyées !
Votre entreprise
réalise un CA de plus d'1 million d'euros avec 12 salariés et se trouve en
position quasi-monopolistique après la disparition de Mur'art...
Non, nous ne l'avons jamais considéré
comme un concurrent, on a simplement regretté qu'ils arrêtent parce qu'il
y a aujourd'hui plus de possibilités d'offres de marchés que de
possibilités de répondre. C'est donc dommage.
Le petit fermier de
la Drôme qui apprenait à faire le pain est devenu capitaliste ?
Je suis plus à l'aise avec le mot boulanger que fermier !
Et par contre, ça restait une coopérative ! Donc le capital n'est pas
partageable ! C'est ce qui fait sa particularité.
Parmi vos
réalisations lyonnaises, les fameuses fresques qui ornent le restaurant de
Paul Bocuse à Collonges. Comment le chantier s'est-il déroulé ?
Gastro pratiquement tous les jours ! Avec surtout la
découverte d'un nouveau milieu qui était très créatif et des gens qui
étaient toujours dans l'optimum de la qualité. Nous étions fascinés par
ça. Un film a été tourné : quand on nous voit tourner les peintures pour
les préparer, on voit tourner les sauces de Bocuse et de ses chefs. Quand
on nous voit préparer les détails d'un mur, on le voit préparer son
assiette et le dessin. C'est un très beau film qui a été réalisé par
Marie-Martine Chambat de France 3 et qui était vraiment révélateur d'un
parallèle qui pouvait exister entre son travail et le notre. Et nous, nous
sommes très à l'aise avec ça, nous sommes plus des artisans que des
artistes.
Comment s'est comporté Paul à votre égard ?
D'abord, nous mangions dans sa petite
cuisine perso, et il a été extraordinaire parce qu'il nous a appris. Nous
peignons et en même temps, il nous a appris ce monde que nous ne
connaissions pas. Je n'avais jamais mangé de foie gras de ma vie par
exemple ! C'était une découverte phénoménale. Nous sommes tous de milieux
qui ne savaient pas que ce monde là existait. Nous n'avons pas été comme
des papillons, nous ne nous sommes pas brûlés les ailes mais nous avons
découvert un autre monde. Nous l'avons respecté au même titre que les
autres.
Suite de l'interview
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