Vos uvres sont loin de faire l'unanimité dans le microcosme culturel
lyonnais. L'ancien adjoint à la culture André Mure, d'ordinaire plutôt
soft, trouve vos réalisations « ringardes »...
Oui, mais c'est son droit. Je crois que
la liberté de création s'accompagne automatiquement d'une liberté de
critique. Et je crois, que nous ne pouvons pas être dans l'espace public
et ne pas entendre ce type de critique.
Etes-vous d'accord
avec le milloniste Amaury Nardone, quand il affirme que vos uvres
« relèvent de l'urbanisme et non de la culture »... (silence)
Il faudra que je reparle avec lui pour détailler ce qu'il
veut dire là derrière... Ce n'est pas assez développé, j'ai peur de trahir
sa pensée, de partir de travers par rapport à ce qu'il dit... C'est à dire
qui appartient plus dans le sens de l'organisation d'une ville que la
culture au sens... Je sèche (rires). Le problème c'est que nous
sommes ni urbanistes ni artistes. Nous sommes muralistes. Ce n'est pas
artistique car nous ne sommes que des témoins. Ce sont des témoignages de
l'existence. Lyon est la capitale des murs peints : la journée elle
s'habille de fresques, de coloration de façades et la nuit elle se revêt
de lumière, de bijoux...
Le critique d'art
Alain Vollerin n'est pas tendre lui non plus. « Toute son entreprise est
un mensonge culturel et populacier ! C'est un voyou qui devrait être
poursuivi pour vandalisme !» nous a-t-il déclaré...
Oui mais je pense qu'ici nous sommes au
Kgb et que lui est un ex de la Stasi ! Je pense qu'entre les deux il y a
toujours eu cette forme de rivalité absolutiste !
Être frescur de Lyon, c'est avoir un
il dans le passé et l'autre dans le futur... On peut donc paraître louche !
Les fresques Cité de la Création ne sont pas des uvres d'art. Elles sont
de simples témoignages, des traces, des moments de ville. Elles révèlent,
traduisent, affichent des lieux, des milieux, des mémoires... Ce n'est pas
la fresque qui importe, mais ce qu'il y a derrière, et devant, avant et
après... Les murs, c'est la peau des habitants.
Que répondez-vous
quand il vous accuse d'avoir « déshonoré l'uvre de Tony Garnier en
peignant sur ses bâtiments dans le 7ème arrdt. »
Je répondrai qu'il nous a supplié d'en
faire un film sur Tony Garnier et les murs peints du musée Tony Garnier,
il y a quelques années, et qu'on lui a refusé parce que le droit avait été
cédé à quelqu'un d'autre. Depuis, je pense que ce refus l'a touché,
certainement financièrement, et l'a d'un seul coup fait basculer dans une
sorte d'aigreur et de bile qui n'est pas à la hauteur, à mon avis, de ce
qu'il devrait être parce que par ailleurs il a une connaissance
intéressante.
Et sur le fond, quelle est votre
réponse ?
Primo, ces fresques c'était le souhait de Tony Garnier,
lui-même, qui répondait aux critiques de l'époque sur ces grandes façades
aveugles, en disant : « D'autres, en d'autres temps, apporteront des
ornements sur ces murs pignons». Deuzio, connaissez-vous beaucoup de cités
HLM qui reçoivent plus de 30 000 visiteurs par an ?... Et ce, pour la plus
grande fierté et le plus grand bonheur de 4 000 habitants eux-mêmes
réhabilités dans leur dignité autant que leurs bâtiments dans leur confort
!
« La Cité de la
création, c'est la Star Academy de la culture ! » a-t-il conclu.
Allons-nous vous retrouver sur la saison V au château de Dammarie-lès-Lys
pour des cours de graph et de peinture ?
Pour ce qui est de l'école des graphs,
nous travaillons avec des grapheurs, nous essayons de les former et de les
amener à travailler techniquement dans de bonnes conditions notamment ce
que nous avons fait avec eux le long de la raffinerie de Feyzin.
Si Gérard Louvin
vous appelait pour donner des cours de graph pour la Star Academy,
répondriez-vous par la positive ?
On répondrait que l'on n'a pas le temps,
parce que nous sommes polis !
D'autres critiques -
plus gestionnaires - se plaignent de la qualité de votre travail qui
s'abîmerait à la vitesse du TGV, nécessitant une intervention tarifée de
vos équipes pour les remettre en état. En fait, c'est une véritable rente
votre affaire ?
C'est vrai que pour les peintures murales, les plus
vieilles ont 33 000 ans (celles de la grotte Chauvet en Ardèche, les plus
jeunes ont 18 000 ans !) Pour nous , les plus vieilles ont 26 ans ! Je
crois qu'il y a une confusion avec le fait qu'il suffit de les nettoyer
avec de l'eau mais il y a un mur que l'on refait tous les 10 ans puisque
l'on raconte une autre histoire, qui est le mur des Canuts. Donc on
efface, on recommence, on fait autre chose pour montrer justement que ce
n'est pas une uvre d'art. Si c'était une uvre d'art, évidemment on ne la
retoucherait pas. Dans la mesure où cela appartient à l'espace et bien on
refait pour montrer que ce n'est pas ostentatoire, que cela peut
s'effacer.
Votre dernier gros
chantier lyonnais concerne la raffinerie de Feyzin. A combien s'est montée
la facture pour la déco des citernes ?
Sincèrement, je ne sais pas. Le chiffre
est tellement important que je ne m'en rappelle plus !
Ou que vous avez
honte d'en parler ?
Non je n'ai pas de honte mais
objectivement je ne m'en rappelle plus. De vous à moi, très objectivement,
ce n'est pas moi qui ai géré le chantier donc j'ai peur de vous dire une
bêtise. Je peux par contre vous téléphoner demain.
Suite de l'interview
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