Sous votre présidence, les laboratoires Boiron réalisent un Chiffre
d'Affaires dépassant le milliard de francs. Si l'entreprise avait été
managée différemment, seriez-vous arrivé à ce résultat ?
Ma vision managériale de l'entreprise a
permis à Boiron de surnager, de survivre. Malgré le contexte économique
terrible de l'homéopathie qui fait que tous les laboratoires
homéopathiques sont morts les uns après les autres en France. Et nous nous
ne sommes pas encore morts. On s'est organisé pour associer chaque employé
aux résultats de l'entreprise et ces résultats ont été la clé de la
pertinence de la rémanence de l'entreprise. Sur le plan de l'homéopathie
elle-même je pense aussi - je ne veux pas faire de fausse modestie - que
j'ai eu un apport important dans l'idée « homéopathie intégrée au sein de
la médecine ». Progressivement j'ai contribué à sortir l'homéopathie de
son ghetto.
Et à la faire rentrer dans le giron
de la médecine...
A la faire rentrer à nouveau dans la
médecine dont elle était issue. L'homéopathie c'est de la médecine, c'est
une thérapeutique comme les autres.
Mais elle n'y est pas restée
longtemps puisque l'homéopathie suscite toujours autant de polémiques. En
décidant de faire baisser le taux de remboursement des médicaments
homéopathiques de 65 à 35 %, Jean-François Mattei vous a fait sortir du
bois. Donc finalement c'est un semi échec...
Je ne suis pas contre l'idée de semi
échec, je pense surtout que c'est une étape qui me reste à franchir.
C'est-à-dire que l'essentiel consistait à amener progressivement les
médecins homéopathes eux-mêmes et les milieux de l'homéopathie à
considérer leur avenir au sein de la médecine. Nous n'avons pu encore
informer les milieux institutionnels de la médecine, de cette volonté. Ces
derniers sont restés avec l'idée d'il y a 30 ans. Que l'homéopathie
voulait être une médecine à part. Tout le travail que nous avons fait pour
faire évoluer le petit monde de l'homéopathie leur est passé complètement
au-dessus de la tête.
Quelles sont vos actions en leur
direction ?
Il y a eu tout un travail à faire pour
faire évoluer le concept. J'ai créé l'institut Boiron en 1985, on a créé
le centre de formation, l'école médicale internationale, première école
médicale mondiale d'homéopathie qui est maintenant indépendante qui
s'appelle le CEDH. Tout ça pour transformer l'enseignement de
l'homéopathie, l'insertion de l'homéopathie au sein de la médecine.
Apparemment ça n'a pas convaincu
l'académie de médecine...
Mais ils n'en sont pas informés, parce
que nous ne sommes pas allés les voir, parce qu'il faut des hommes pour
cela. Quand je vous disais, l'homéopathie n'est pas un business juteux,
c'est que nous n'avons même pas les moyens, nous avons au total 57
visiteurs médicaux. Regardez un petit peu les laboratoires pharmaceutiques
qui ont notre taille, ils ont en moyenne 500 à 1000 visiteurs médicaux.
Nous en avons 57 pour visiter 200 000 médecins.
D'où vient cet acharnement de leur
part ?
Alors premièrement je ne peux pas parler
pour eux, je n'ai pas envie de faire de la parano. Certes nous n'avons pas
que des amis à l'académie de médecine. L'académie de médecine, comme le
disait le ministre Douste-Blazy, c'est une société savante parmi d'autres
sociétés savantes. Ce sont des médecins qui se réunissent pour discuter.
Ce ne sont pas forcément des gens extrêmement modernes. On n'a pas le
droit de s'y inscrire avant d'être à la retraite. Ce sont des gens qui ont
pour eux d'avoir une longue expérience et contre eux de ne pas être
forcément au top du top de l'actualité. Et en matière d'homéopathie, ils
ont trente ans de retard.
Suite de l'interview
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