Le courrier de Justin
Calixte
22 juillet 2002
J'ai reçu de nombreux courriers depuis que j'ai repris cette chronique
abandonnée par Toussaint Pothin. Il m'est arrivé de répondre directement à
certains. Pour les questions redondantes, j'ai préféré attendre les
vacances pour faire un bloc. Bien calé dans ma chaise longue, mon portable
sur les genoux, les cigales en fond sonore et le sirop d'orgeat-café glacé
à portée de main, je me lance :
1ère
question récurrente :
Vous critiquez
les Guignols, l'esprit Canal+ et certains esprits libres lyonnais parce
qu'ils pratiquent la dérision, mais vous-même ne faites pas autre chose.
"Derrière toute
dérision se lit un projet rebelle : les quatre vérités, sinon rien. On
sera donc voltairien face à la bêtise cléricale, rocker dressé contre
l'académisme stalinien, pornographe sous Franco, pacifiste à Bagdad,
chrétien à Gdansk en 1980, démocrate à Pékin, libertin sous George W.
Bush, etc. L'humour est toujours l'oxygène des sociétés asphyxiées. C'est
un gros mot proféré dans les cérémonies, un pied de nez au milieu des
uniformes, une guitare - ou une fleur - devant les fusils.
Le plus
difficile, ce n'est pas la dérision en soi mais sa nécessaire réinvention.
Viser juste, certes, mais d'abord repérer de vraies cibles. Autrement dit,
réfléchir davantage aux nouvelles tyrannies de l'époque, toujours aussi
nombreuses mais bien moins évidentes qu'hier. Faute de cela, la rigolade
se condamne à n'être, jour après jour, qu'une réplication vaguement
swinguée et passablement rasoir du conformisme ambiant."
Ce texte de
Jean-Claude Guillebaud (Le Nouvel Observateur) exprime
parfaitement ma façon de penser. J'essaie de choisir des cibles (les
médias, les Guignols, les Verts, les homos, les gourous culturels, les
tenants du prêt-à-penser...) devenues en France des vaches sacrées ; ces
"intouchables" ont transformé la dérision en pensée unique, la
transgression en rabâchage, la provocation en lieu commun, leurs
adversaires en ambulances sur lesquelles ils tirent sans vergogne ni
danger.
Quant à moi, je
préfère prendre le risque de critiquer et de railler les nouvelles idoles
du conformisme bien-pensant. Je n'ai rien contre la dérision, bien au
contraire. Je la conteste quand elle devient "pompier", quand elle devient
dérision officielle et patentée.
Il y a des époques
où s'attaquer au Pape, aux vrais fascistes, aux militaires ou aux
communistes, ou défendre les homosexuels, les franc-maçons, les Juifs, la
Culture underground... était courageux et nécessaire. Aujourd'hui,
s'attaquer à un Pape moribond, à des fascistes de pacotille ou aux
Jacquet, Lemerre, Hue, Barre ou Francis Lalanne, prendre le train des
homos et vaticiner sur l'Art Contemporain, inspire davantage le dégoût que
le respect.
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