Les
humeurs de Toussaint Pothin
Le
bloc-net satirique du lundi 17 décembre 2001
Y'a
du rififi dans les médias lyonnais !
Jusqu'à
présent, chaque journaliste disait du mal de ses confrères ou des médias
concurrents, dans des conversations plus ou moins confidentielles. Chez
ces gens-là, on ne s'aime pas. Un peu comme ces Bourguignons qui débinent
les autres viticulteurs. Étonnez-vous après ça que les Vins de
Bourgogne et la presse lyonnaise aient aussi mauvaise réputation. Eux-mêmes
creusent leur tombe tout en sciant la branche sur laquelle ils se couchent
(il fallait l'oser, celle-là !).
Aujourd'hui,
les couteaux sont sortis. M Lyon fait un procès à Lyon Mag ;
Lyon Capitale reprend l'info, histoire d'enfoncer le mensuel
lyonnais ; celui-ci envoie des droits de réponse à l'hebdomadaire du
mercredi ; Le Progrès attaque Dimanche à Lyon, réalisé
par Lyon Poche. Bigre, c'est pire que les Afghans entre eux !
J'ai
une explication qui en vaut une autre (elle m'a été soufflée par un
publicitaire spécialiste en "études-médias") et qui mérite
qu'on s'y attarde : bien sûr, les egos surdimensionnés de ces
journalistes minuscules qui se la jouent, se prennent au sérieux, croient
faire l'opinion et, pour certains, les maires, ont pris ces derniers mois
des proportions "abracadabrantesques". Mais il y a d'autres
raisons. Outre cette outrecuidance égocentrique de nos dieux de
papier, il faut bien de temps en temps tenir compte des réalités
terrestres et, même, terre à terre. Or, la pub va mal. Les budgets se rétrécissent.
Et nos journaux locaux constatent que leur business se réduit comme peau
de chagrin. Le gâteau devient de plus en plus rabougri et ils sont de
plus en plus nombreux à vouloir de grosses parts. Chaque arrivée de
concurrent supplémentaire les met en transes. Dimanche à Lyon et Lyonpeople.com,
les derniers venus, piquent un peu de chiffre d'affaires et rendent
fragiles les médias en place. Les ennuis de Lyon Figaro prouvent
bien que la presse lyonnaise connaît de graves difficultés.
En
effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser la pléthore de
titres, notre presse écrite locale ne va pas bien du tout. Sans doute
parce que TLM, FR3 et M6 Lyon suffisent au bonheur du
plus grand nombre. Sans doute parce que les sites Internet (y compris ceux
de la presse citée plus haut) marchent de mieux en mieux. Sans doute
parce que cette presse n'a pas su faire sa révolution. On peut imaginer
que lorsqu'on prendra conscience que ce tiroir (caisse) aux alouettes n'a
pas autant de lecteurs qu'on l'imaginait, les cochons d'annonceurs
(publics ou privés) cesseront d'alimenter ce tonneau d'Adélaïde.
La
pub étant, pour chacun, primordiale pour la survie de leur canard (à
part pour Le Clairon qui, au moins, a le courage d'aller jusqu'au
bout de ses idées), on se fait la guerre entre journaux ; il convient de
continuer d'engraisser la vache à lait.
A
cela, il faut ajouter que les ventes au numéro de nos Afghans de la
presse lyonnaise, ne sont pas aussi mirobolantes que celles annoncées par
leurs courtiers ou par les journaux professionnels qui ne vérifient
jamais les infos-intox qui leur sont fournies.
La
plupart des journaux et magazines lyonnais refusent d'être soumis au
contrôle OJD, garantissant l'information sur les ventes, et presque tous
"bidonnent" plus ou moins leurs chiffres. Histoire de faire
croire à leur audience et à leur influence. Histoire de ne pas perdre la
confiance de clients qui subventionnent des titres sans lecteurs.
Ainsi,
Le Progrès souffre non seulement du manque de pub et d'un marché
des petites annonces atone, mais de ventes au numéro en kiosques qui, sur
Lyon-Villeurbanne, n'atteignent pas les 30.000 exemplaires. Les bébés Progrès
ne vont pas fort non plus. On a vu pour Lyon Figaro, TLM ne va
pas bien, malgré sa bonne audience, et perdrait 10 millions de francs par
an ; à ce qui se dit, Lyon Capitale vendrait difficilement
plus de 2.500 exemplaires en kiosques, semaine après semaine (c'est pas
beaucoup). Quand on sait que ces deux médias sont portés à bout de bras
par le Groupe Progrès, on comprend que certains se sentent obligés
de gonfler leurs chiffres pour faire illusion.
Si
Lyon Poche, avec ses 8.000 exemplaires hebdomadaires,
justifie encore la confiance des publicitaires, seul Lyon Mag tire
son épingle du jeu en vendant plus de 20.000 exemplaires par numéro.
Mais le mensuel de Brunet-Lecomte espère bien franchir la barre
des 30.000, avant son introduction en Bourse envisagée en janvier. Ce ne
sera pas facile. Les autres journaux ou magazines prennent de grosses
libertés sur leurs chiffres de ventes (certains sont multipliés par 10)
et font en réalité semblant d'exister.
Si
tous ces chiffres de ventes en kiosques qui circulent sous le manteau chez
les initiés, sont vrais, cela explique sans doute la surenchère de
"Unes" aux titres volontairement racoleurs, inventeurs de
"scandales" et soit-disant "vendeurs", ou encore les
chinoiseries médiatiques de certains. Ça fait vendre ça, coco. Pas si
sûr ! Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ça discrédite un peu plus
une profession dont l'image se détériore de jour en jour.
A
noter que les journaux professionnels comme les publicitaires locaux qui
doivent y trouver leur compte, n'ont jamais cru bon de dénoncer ces
chiffres "gonflés". On est dans le registre "Je te
tiens, tu me tiens par la barbichette". Personne ne veut se fâcher
avec personne, les uns vivant sur le dos des autres, en échange d'un
silence de connivence. Il faudra bien que ces choses-là soient dites un
jour.
Et
quand on sait que l'euro va entraîner une baisse mécanique de la vente
des journaux, on peut penser qu'il va y avoir des morts.
Puisqu'on
parle de communication, si vous voulez "faire plaisir" à un
copain qui travaille dans la pub, achetez-lui pour Noël "Le livre
noir de la pub", de Florence Amadou, journaliste au Monde.
Elle dresse un constat abominable sur la publicité et les publicitaires.
Le livre a mis en rage les patrons d'agences qui ne supportent pas qu'on
leur tende le miroir qui leur renvoie le reflet d'eux-mêmes qu'ils
refusent. A croire que chez ces gens-là, même les miroirs n'ont pas le
droit de réfléchir.
A
suivre, Le
bloc-net satirique du lundi 10 décembre 2001
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