Mère Brazier : la fin d'une époque
De notre correspondant :
Alexandre Mathieu
Après de longues années de bons et loyaux
services, Jacotte Brazier a décidé de
prendre une retraite bien méritée et de passer
le flambeau. Après des mois de tergiversation et
une reprise avortée par le propriétaire du
restaurant « Un petit tour en Camargue », cette
antre de la gastronomie lyonnaise va bientôt
passer dans de nouvelles mains...
Rompant la tradition des Mères lyonnaises, ce
sont deux garçons, Philippe Bertrand et
Bob Tosh
(photo) qui auront la charge de faire revivre ce
lieu chargé d'histoire, dont les alcôves gardent
encore bien des secrets ! La tâche ne sera pas
facile pour les deux repreneurs, même si
l'actuelle maîtresse des lieux les secondera
pendant une période de transition. Mais comme le
dit si bien Jacotte : « il faut bien
s'arrêter un jour.... Et profiter de la vie ».
Cette transition marque la fin d'une dynastie
familiale qui a marqué la ville au point que la
rue Marceau où se trouve l'établissement avait
été rebaptisée en novembre 2000 rue Eugénie
Brazier, du nom de la grand mère de Jacotte.
Car l'histoire commence avec elle, Eugénie, née
à Bourg-en-Bresse en 1895. Très jeune, elle se
fait embaucher comme nourrice chez les
Milliat, une famille lyonnaise qui tire sa
fortune de la fabrication de pâtes. Mais Eugénie
devra attendre que leur cuisinière tombe malade
pour la remplacer et révéler ses talents de
cuisinière. Forte de cette première expérience,
elle entre au service la mère Fillioux,
dont le restaurant est un des plus côtés en
ville. Mais la collaboration n'est pas facile
entre ces les femmes au caractère bien trempé.
Ce n'est que le 10 avril 1921 qu'Eugénie Brazier
va acquérir une petite épicerie sur la rue
Royale avec ses maigres économies..
En 1946, elle entreprend des travaux dans sa
maison du Col de la Luère pour s'y installer
définitivement pendant que son fils Gaston
et sa femme Carmen font l'acquisition
du restaurant de la rue Royale à Lyon. Cette
même année, un jeune apprenti en quête de
travail, monte la voir dans sa maison au Col de
la Luère. «Petit, si tu es monté jusqu'ici en
vélo, c'est que tu es courageux. Je t'embauche!».
Le « petit » en question s'appelle Paul
Bocuse et s'en souviendra toute sa vie...
Eugénie Brazier ne prendra sa retraite qu'en
1974, à l'âge de 79 ans. Elle aura été la seule
femme à avoir reçu trois étoiles Michelin.
Après un séjour à l'Ecole hôtelière de Lausanne,
c'est la petite fille d'Eugénie, Jacqueline
qui prendra la succession de La Mère Brazier.
Celle que sa sur surnommait Jacotte
alternera coups durs (la perte de ses étoiles)
et instants de gloire. Peu après la vente du 21
par le mythique John, la gastronomie
lyonnaises voit une autre de ses figures
emblématiques « raccrocher »...
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