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lyonnais
Raphaël Ruffier - Lyon Capitale du 2 avril 2003
Une Foire de Lyon un peu foirée...
Économie. Le public ne s'est pas pressé à l'événement phare d'Eurexpo : la
Foire de Lyon. Les commerciaux tirent la gueule et la sonnette d'alarme.
Dimanche, 14H. Plus personne ne fait la queue à l'entrée de la Foire de
Lyon. À l'intérieur, les gardes du corps de Madame De Fontenay
n'ont aucun mal à lui frayer un chemin. Dans le hall cuisine, une
batterie de commerciaux désuvrés attend désespérément les clients. Plus
loin, un marchand de tapis lâche : Avant, on faisait des affaires. Là,
j'ai les boules, j'ai rien vendu. Au stand canapé, la même morosité
se lit sur le visage des vendeurs : Toute la belle clientèle n'est pas
venue, la mauvaise non plus d'ailleurs...
Seule oasis de fraîcheur, le hall piscine. Sur le stand géant d'une PME
locale, le patron ne regrette pas ses 40.000 euros d'investissement en
déco et en emplacement. On fait une foire extraordinaire, on a déjà
vendu 111 piscines ! Il y a moins de monde que l'année dernière, c'est
sûr, mais on vend mieux. J'ai briefé mon équipe en début de semaine pour
leur dire : on sait que les voyants économiques sont tous dans le rouge,
mais la maladie la plus contagieuse, c'est l'enthousiasme.
Mais il faut croire qu'il n'y a que dans les piscines que le liquide a
coulé à flot. Un premier bilan fait état d'une baisse de fréquentation de
11 %, passant de 450.000 visiteurs sur la semaine en 2002 à 400.800
visiteurs cette année. Mais dans les allées, chacun est persuadé que la
baisse est bien plus conséquente. -30 %, -40 % ou -50 %, chacun a son
estimation, qui traduit un état d'esprit des plus défaitistes. Et il faut
croire que les ventes ont chuté encore plus. Alors, si la Foire n'est pas
envahie par le brouhaha des badauds, elle bruit de toute part de rumeurs
en tout genre, virant parfois à la paranoïa : C'est la faute du
préfet, il a dit d'éviter les lieux publics. Comme, en plus, il y a eu une
alerte à la bombe en début de semaine, les gens ne sont pas venus,
s'emporte un marchand de meuble. D'autres vont jusqu'à soupçonner des
trafics dans l'organisation de l'espace, pour favoriser certains secteurs
au détriment des autres.
Des pétitions ont même circulé à l'encontre de la direction. Ils
n'écoutent pas ce qu'on leur dit. Par exemple, on leur avait demandé des
espaces de détente, pour s'asseoir. Nos clients sont épuisés de marcher
tout le temps, ça les dissuade de revenir, explique une commerçante
habituée des foires. Plutôt censée, elle estime que le mal est beaucoup
plus profond : Maintenant, il y a plein de centres commerciaux dans
les grandes villes, les gens n'attendent plus la foire pour refaire leur
déco. Surtout qu'il y a des salons thématiques toute l'année. Il faudrait
prendre un virage, que la Foire redevienne une fête. À Niort, ils ont bien
mieux compris. Ici, ça manque d'animations. Josiane, une cliente
habituée, confirme, au point qu'elle n'est pas sûre qu'on l'y reprendra :
Ce n'est plus du tout convivial. Les vendeurs sont devenus agressifs.
L'année dernière, on se serait cru dans un souk touristique en Afrique du
Nord.
La direction ne cache pas le problème, mais ne se remet pas profondément
en cause : Ce n'est pas une année d'euphorie pour la Foire. Mais elle
s'est faite malgré tout, et ça reste le plus gros événement commercial de
la région, dans un contexte extrêmement difficile : début du conflit en
Irak, vague de suppressions d'emploi, consommation pas extraordinaire et
une météo quasi-estivale, explique un cadre, qui poursuit : Les secteurs
qui correspondent à des achats d'impulsion n'ont pas fonctionné, mais ceux
des biens d'équipement, oui. Et finalement, 400.000 personnes qui
acceptent le principe de payer pour entrer dans un centre commercial,
somme toute assez banal, c'est déjà un exploit en soi.
A
suivre, Daniel Buren débouté
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