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Xavier Breuil - Le Progrès du Jeudi 14 septembre 2006

 

Thierry Ehrmann condamné mais pas KO

 

 

Menacé de remise en état en première instance, la Demeure du chaos à Saint Romain au mont d'or a été sauvée en appel : Thierry Ehrmann a été reconnu coupable d'avoir bafoué certaines règles d'urbanisme, mais condamné qu'à une grosse amende.

 

« C'est le pot de terre contre le pot de fer. Sauf que dans le pot de fer, il y a beaucoup d'argent. ». Dans la salle des pas perdus du vieux palais de justice, cet habitant de Saint Romain au Mont d'Or rumine sa colère. Un peu plus loin, une autre âme du village crie devant de nombreux journalistes : « Depuis leur parc, les gamins du Prado vont pouvoir continuer à admirer le portrait de Ben Laden ! ». Et dire que cela fait dix minutes que le jugement a été prononcé... La Demeure du Chaos a donc été sauvée en appel. Sauvée parce que les magistrats de cette cour, contrairement au jugement en première instance, n'ont pas ordonné la remise en état de la propriété. Ils ont pourtant reconnu Thierry Ehrmann coupable de n'avoir pas respecté les règles d'urbanisme dans ce village classé, et de s'être affranchi d'une déclaration de travaux pour transformer son relais postal en paysage apocalyptique. Mais au final, l'homme d'affaire s'en tire avec une amende certes multipliée par 20, de 10 000 à 200 000 euros, mais qui ne devrait toutefois pas l'empêcher de dormir. Le maire Pierre Dumont, lui, est abattu. D'autres membres de son conseil municipal refusent de s'exprimer mais on sent leur sang bouillir. La commune ira-t-elle en cassation ? « Nous déciderons cela lors d'une réunion en conseil municipal », précise le premier magistrat qui a manifestement pris un gros coup sur la tête. En se levant ce matin, Pierre Dumont va plus que jamais se demander comment il va désormais exiger une déclaration de travaux dans un village où l'on ne repeint pas ses volets comme on veut. Un paradoxe que l'avocat de la commune ne manque pas de souligner : « le droit cède devant la puissance financière. En temps normal, lorsqu'une personne qui a défié les règles d'urbanisme est reconnue coupable, il n'y a guère d'ambiguïté sur la sanction. Attendons de voir si le ministère public se contente de ce verdict. » Il n'est en effet pas exclu que le parquet ne reprenne l'initiative. Lors de l'audience du 9 juin devant la cour d'appel, le procureur de la République avait requis la restitution des lieux et avait largement pris fait et cause pour l'attachement du maire à faire respecter la loi. Rappelons toutefois que la cour de cassation ne juge pas sur le fond. Reste à savoir comment le village va accueillir la nouvelle. Et surtout se préparer à son nouvel avenir.
 

 

Suite de l'affaire

Dans un communiqué daté du 16 septembre, Thierry Ehrmann et le collectif des artistes de la Demeure du Chaos « prennent acte que la commune de St Romain au Mont d'or et le Parquet Général ont décidé de se pourvoir contre l'arrêt ayant préservé la Demeure du Chaos. Ce choix ranime la polémique et détruit l'apaisement que l'arrêt apportait. Le pourvoi fait par la mairie est regrettable par son obscurantisme face à l'Art. Pour autant, Thierry Ehrmann et le Collectif se félicitent que le Ministère public dans sa déclaration à l'AFP, selon les propres mots du Procureur Général Viout n'ait " rien contre la Demeure du Chaos ". Ils observent avec intérêt que le pourvoi est uniquement justifié par une question de nature philosophique : le juge peut-il et doit-il dire ce qu'est une œuvre d'art ? Ce qui est en soi une reconnaissance historique pour la Demeure du Chaos. »

 

A suivre, Vent de colère sur Courchevel
 

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