Personnalités
Lyonnaises
Michèle
Cohen-Chabaud - La Tribune du lundi 6 mai 2002
Antoine Riboud,
anticonformiste du meilleur goût
Le patron qui vient
de disparaître était attaché à l'innovation sociale. Il a fait de
Danone une marque mondiale. La mèche en bataille, le grand front
bossué, le nez fort, l'oeil pétillant : le caractère du personnage décédé
à 83 ans dans la nuit de samedi à dimanche imaginatif et réaliste,
humoriste et passionné, se lisait sur son visage.
« Antoine
Riboud aimait citer deux phrases, rappelle Christian Laubie,
directeur financier de Danone : l'une, du poète René Char :
"Agir en primitif et prévoir en stratège" ; et une autre : "Le
chef de guerre doit avoir trois qualités, instinct, imagination et
courage." » Antoine Riboud qui avait intitulé ses mémoires "le Dernier
de la classe", rappelant des années scolaires laborieuses en partie parce
qu'il était, enfant, de santé fragile n'avait rien d'un conformiste.
Pourtant, ce Lyonnais était né dans la bourgeoisie des affaires, avec un
père banquier, et une famille depuis très longtemps présente dans
l'industrie du verre. Grand capitaine d'industrie qui a su édifier
Danone de toutes pièces, il
est aussi et peut-être surtout humaniste, patron social, non dénué de
sympathies à gauche (il aura longtemps l'oreille de François Mitterrand),
peu aligné sur le grand patronat. (...)
Antoine Riboud a toujours aimé les combats. Vient-il d'échouer d'un point
à la sortie de l'Ecole supérieure de commerce de Paris ? Il va voir le
directeur et lui explique qu'il ne peut pas briser ainsi sa carrière. Le
directeur, désarmé, lui délivre son diplôme. En 1966, Antoine Riboud,
devenu président de l'entreprise familiale de verre creux, les
Verreries Souchon-Neuvesel, a réussi à créer
Boussois-Souchon-Neuvesel (BSN), en rachetant Boussois,
importante entreprise de verre plat.(...)
Le PDG, qui réfléchit à l'évolution des marchés, voit arriver la
concurrence des plastiques et autres emballages perdus qui vont mettre fin
à la suprématie du verre. En 1970, il prend le contrôle de Kronenbourg
et de la Société Européenne de Brasseries, d'Evian et de ses
filiales de diététique infantile. C'est en 1973 que BSN fusionne
avec Gervais-Danone.
Dès le départ il aura une ambition internationale pour
Danone, ambition réalisée
aujourd'hui avec son fils Franck qui lui a succédé en 1996. Antoine
Riboud ne cherche pas la globalisation à outrance mais cherche à créer un
produit de valeur diététique et gustative ; il y met une passion quasi
mystique ; les efforts pour renouveler perpétuellement l'attrait du
produit n'ont jamais cessé. En 1994, le nom du fameux yaourt est devenu la
raison sociale du groupe. (...)
L'épaisseur du
personnage, qui ne se réduit pas à l'entreprise, se lit dans la diversité
des amitiés qu'il a entretenues, de Raymond Barre à Edmond Maire
et à Jacques Chérèque, de Rostropovitch avec qui il fonda le
festival d'Evian à Giovanni Agnelli, qui fut parfois son
adversaire, souvent son allié et toujours son ami, comme le soulignait
hier le patron italien, pour construire un pôle agroalimentaire en Europe.
A
suivre, Le professeur quitte la classe...
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