Une
production paranoïaque
De
notre correspondant Felipe de la Fouinasse
Dès
6 heures du mat', les premiers candidats
arrivent, prêts à faire étalage de leur
potentiel artistique surdimensionné (mais
malheureusement pas encore exploité) de futur
star des médias, et par voie de conséquence
d'icône populaire.
Déjà
les premières belles têtes de vainqueurs
fleurissent sur les quais de Saône. Entassés
derrière des barrières de sécurité, ils
attendront jusqu'à 9 heures pour avoir
l'extrême privilège de passer l'entrée.
Une entrée surveillée de près par un service
de sécurité sur les dents.
Le bâtiment arbore
des allures de base militaire : pour peu on
se croirait à Cuba, les intégristes du petit
écran se substituant aux membres du réseau
Al-Qaïda.
Le
mot d'ordre de M6 est d'ailleurs
clair : interdiction formelle à tout
intrus (surtout s'il est médiatique) de
pénétrer dans le bâtiment. Les rares
éclaireurs volontaires se faisant
donc reconduire manu militari par les
cerbères de la production. Bref, de ce côté
là aussi, la couleur est annoncée : on est pas
là pour rigoler ! (Pour notre part, on a
tout de même réussi à introduire une caméra
et un appareil photo. Et à nous procurer le
dossier de candidature).
L'Embarcadère
a pris des allures de camps retranché. Mais que
se passe-t-il derrière les portes ?
Première étape : vérification des
inscriptions. Ensuite, les candidats se
soumettent aux questions embarrassantes et
autres regards inquisiteurs de la production par
vagues de cinquante.
Une fois le questionnaire
rempli, ils sont dirigés dans des cabines
individuelles (genre peep show) pour un
entretien filmé avec un casteur. L'opération
a d'ailleurs plus des airs d'abattage en
gros que de sélection rigoureuse. Il faut dire
qu'avec 1000 personnes à "caster" par
jour, 4000 au total sur la semaine, il faut que
ça usine !
Du
coup, inévitablement c'est la déception à
la sortie. « Ca va trop vite. On n'a
pas le temps de développer. Je ne vois pas
comment on peut être jugé » nous
confie amèrement un candidat. Il est vrai
qu'après 3 heures de queue, on ne s'attend
pas à être expédié de la sorte ! Trois
minutes en tout et pour tout pour
convaincre : tous les moyens sont donc bons
pour faire un maximum d'effet en un minimum de
temps. D'après nos contacts infiltrés sur
place, certains n'hésiteront pas à pousser
la chansonnette, à jouer une scène... ou même
à entamer un strip-tease intégral !
Heureusement
que le ridicule ne tue pas : on a échappé
de peu à une belle hécatombe !
Reste
que certains prennent tout de même la chose
avec philosophie, comme ce responsable
d'agence de location de véhicules Mingat
à Bourgoin. « Si ça passe, ce sera
super, sinon ce sera toujours un sujet de
conversation » nous assure-t-il. Fausse désinvolture ou réel recul sur le sujet ? Allez
savoir...
Pour
tout ce petit monde, résultat des courses dans
une quinzaine de jours. Entre-temps, M6
aura auditionné plus de 50 000 candidats à
travers la France. Pour n'en garder que 500
(1% patronal) au deuxième tour... et 12
pour le reality-show !
En
tout cas, si chacun aura son ¼ d'heure de
célébrité au cours de sa vie (dixit Warhol),
beaucoup ne comptent pas attendre les bras
croisés. C'est vrai qu'entre 3 mois sous
les projecteurs et un petit quart d'heure,
y'a pas photo...
|