Voyage au bout de La Duchère
Nul besoin d'aller en Irak pour
vivre le grand frisson journalistique.
Nos courageux reporters sont montés à
la Duchère pour assister à la
démolition d'une partie de la barre
dite des 210 qui appartient à l'OPAC
du Rhône.
400 VIP issus du monde
politico-économique et 80 journalistes
locaux et nationaux étaient attendus
ce jour là sur le plateau de la
Duchère reconverti en plateau télé. Du
beau monde et donc les grands moyens.
Le matin même, les balayeuses
municipales ont balancé la pression
dans les allées et avenues. Ça sent
« monsieur propre » jusque sur le
parking VIP placé sous haute sécurité.
Des tentes de réception ont été
montées au point de rendez-vous et des
grands black filtrent les entrées. Mix
improbable de la discothèque Le
First et du réceptif version stade
de Gerland.
Côté traiteur, c'est Serge Magner
qui fournit croissants et pains au
chocolat. Un petit déj' sous le soleil
de la Duchère, on peut rêver mieux !
Mais que ne ferait-on pas pour la
bonne cause ? En l'occurrence,
assister à la démolition d'immeubles
tous justes quadras et construits en
dépit du bon sens. Avec nos impôts (ou
plutôt ceux de nos parents). A
l'époque, de nombreuses entreprises de
BTP se sont gavées. Leur demande-t-on
réparation aujourd'hui ? Que nenni !
Aujourd'hui, les mêmes reconstruisent
un quartier défiguré dans les années
60 et les maîtres d'uvres politiques
tentent de tirer la couverture à eux.
La mise en place de la démolition de
la barre des 210 a été un exercice de
haute voltige. Nous ne parlons pas des
broutilles que sont l'évacuation de
2500 habitants et les contraintes
techniques. Mais du carton
d'invitation. Jean-Jack Queyranne
a ainsi fait refaire les cartons pour
qu'on rajoute "ancien ministre" alors
qu'il n'y a pas droit, Gérard
Collomb a voulu faire sauter le
titre de sénateur de Michel
Mercier pour être placé avant lui
sur le carton; ledit Mercier qui a
fait retarder les envois à plusieurs
reprises en espérant la présence de
Jean-Louis Boorlo qui est arrivé
finalement in extremis à midi.
Le ministre et sa suite gagnent la
plateforme sise au-dessus de la
piscine bleue comme le ciel (pas de
voiture à signaler au fond du bassin)
pour assister au tir. Le compte à
rebours est lancé par Gégé et
l'immonde barre de béton s'effondre
dans un grondement assourdissant.
Satisfaction générale. Les appara(chics)
regagnent le carré VIP où sont exposés
les projets des futurs immeubles qui
pousseront sur les ruines fumantes.
Rendez-vous dans 40 ans pour leur
dynamitage.
|