Un Lyonnais d'adoption en campagne...
au Cambodge !
Longtemps compagnon des sans abris
lyonnais, ancien restaurateur rue
Pleney, Paul Bin-Heng
continuant sa carrière atypique, se
lance aujourd'hui dans la bataille
politique du Cambodge, son pays
d'origine...
A la fin du mois de juillet 2003, se
tenaient au Cambodge les 3e
élections législatives de ce Royaume,
tout juste sorti de 25 ans de guerre
civile. Les 7 millions d'électeurs ont
choisi leurs députés et leur nouveau
premier ministre... parmi les 1 900
candidats figure un nom que beaucoup
connaissent sur les bords de Saône :
Paul Bin-Heng.
La foule de la petite ville de Puok,
province de Siem Reap-Angkor, attend
silencieuse, les enfants sont alignés
au garde-à-vous quand arrive le convoi
de voitures et camions... aussitôt
c'est l'explosion, les slogans fusent,
les drapeaux sont agités... près des
temples d'Angkor le sentiment
royaliste reste vivace... candidat du
parti Funcinpec dirigé par le prince
Norodom Ranariddh, Paul
Bin-Heng le sait... Son discours
devant deux milliers de villageois,
est dit sur le ton de la sincérité,
attaquant la mauvaise gestion du
gouvernement ex-communiste, sa
corruption, Paul Bin-Heng sait parler
aux populations les défavorisées... ce
combat le ramène quelques années en
arrière, cette lutte en faveur des
plus démunis il l'a déjà vécu à Lyon.
Après plusieurs années d'étude à la
Sorbonne (doctorat en droit) en tant
que boursier du gouvernement royal du
Cambodge, Paul Bin-Heng arrive à Lyon
en 1967 pour s'inscrire en Sciences
politiques, c'est sur les bancs de
cette vieille institution qu'il
rencontre celle qui deviendra sa femme
Maryvonne Jonard (actuelle
directrice de Femmes Informations
Liaisons à Saint Fons). Il décide
de faire sienne la Capitale des Gaules
et peu à peu tout le clan le rejoint,
quittant un Cambodge chaotique... la
famille se fait commerçante avec le
Restaurant Angkor (actuel Léon
de Lyon) qui aura l'honneur
d'accueillir le prince Norodom
Sihanouk en 1979, et le magasin
Heng-Heng (situé sur le cours de
La liberté).
Placé à la tête de la Communauté
cambodgienne de Lyon avec son Union
Générale des Cambodgiens,
organisatrice de manifestations
réunissant plusieurs milliers de
réfugiés et exilés, Paul Bin-Heng à la
même époque se lance dans le bénévolat
au Foyer-Notre-Dame-des-Sans-Abris où
il rencontre celui qui restera comme
un modèle Gabriel Rosset. Ses
années passées auprès de cet "autre
abbé Pierre", Paul Bin-Heng s'en
rappelle encore et c'est avec une
certaine émotion qu'il en reparle "quand
je vois la misère qui existe encore
dans un pays comme la France cela me
donne le vertige devant la tâche à
accomplir ici..." Tous les soirs
pendant deux décennies il se rendra
sans rechigner à son deuxième
travail... violence morale, violence
physique... rien ne lui ai épargné
mais il continue sous l'aile de
Gabriel Rosset. C'est à la disparition
de celui-ci qu'il décide enfin de
quitter son statut de bénévole pour
devenir directeur du centre
d'hébergement (1970-1993)... à la fin
des années 80, il crée le premier
centre d'accueil pour femmes en
difficultés à Lyon.
Père de deux enfants, Paul Bin-Heng
n'oublie pas son pays et continue ses
activités politiques, à plusieurs
reprises au cours des années 80 il se
rend en Thaïlande dans les camps de
réfugiés, base arrière de la
résistance cambodgienne. En 1989, à
l'invitation du gouvernement
cambodgien, il revient à Phnom Penh
pour une courte visite. C'est en 1993
qu'il retourne définitivement au
Cambodge en tant que Conseiller de
Hun Sen, alors co-premier
ministre, devenu premier ministre et
homme fort du pays.
Durant 4 ans, il travaille sur les
dossiers juridiques et politiques que
l'on lui confie, appréciant
l'efficacité de son mentor, mais
devenant méfiant quant à ses tendances
autoritaires... "royaliste de
naissance", Paul Bin-Heng voit avec
écurement le coup d'état de 1997 et
l'exil du prince Norodom Ranariddh, un
de ses proches amis le Général
royaliste Krouch Yim est exécuté, il
décide alors d'arrêter la politique et
de quitter Hun Sen "devenu un tyran et
un assassin".
Ne prenant pas part aux élections de
1998, il fonde un Cabinet d'Avocats et
aide son frère, ancien général
royaliste, à fonder le Lyon d'Or,
un hôtel-restaurant français... peu à
peu toutefois il revient au premier
plan, il est nommé Conseiller du Roi
en 1999. C'est 3 ans plus tard qu'il
se décide à rejoindre le Funcinpec,
alors en plein désarroi suite à une
défaite électorale... Conseiller du
prince Norodom Ranariddh, secrétaire
général adjoint du parti, c'est
naturellement qu'il se porte candidat
pour les élections législatives, bien
que conscient de la crise d'identité
de la formation royaliste et donc de
la difficulté de la campagne
électorale, face à une formation
ex-communiste disposant de moyens
financiers et organisationnels
beaucoup plus importants.
"Je crois au Royalisme comme
symbole d'unité pour un Cambodge
déchiré", tel est son leitmotiv,
s'il reconnaît les erreurs commises
par ses pairs, il en reste confiant
quant à l'avenir du Cambodge et de sa
monarchie. "Même si je ne suis pas
élu, même si notre parti ne réalise
pas un bon score, je resterai fidèle
aux valeurs qui sont les nôtres et ne
regrette pas mon choix"
Corruption, immigration vietnamienne
déstabilisante, paupérisation...
Devant toutes ces difficultés, Paul
Bin-Heng n'a pas l'intention
d'abandonner et, comme par le passé le
fit le jeune diplômé exilé devant la
misère de certains sans abris, il
place ses convictions "politiques,
religieuses peut importe..." au
premier plan, au service des autres,
sacrifiant une carrière vouée à
l'incertitude.
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