Gérard
Vignat voit la vie en rose
De
notre correspondant Mehdi
Gérard
Vignat est l'enfant prodige des inclassables
étoilés de la région. Propriétaire de L'Auberge
de Fond Rose, récompensé par le Guide Rouge
qui lui a attribué sa première étoile, le
protégé de Pierre Orsi s'est assis près
de ses pairs, et il voit la vie en rose, bien sûr.
La
petite auberge des quais de Saône a fait son
chemin depuis 5 ans grâce au parcours de son
boss qui a trouvé dans l'art culinaire une
autre manière de s'évader. La vocation
apparaît très jeune dans son village natal de
Saint Jean de Bornay, lorsque son oncle lui
raconte ses péripéties transatlantiques dans
les cuisines du Liberté, paquebot de
luxe faisant le lien Le Havre-NYC.
Il
n'aura néanmoins pas l'occasion de voyager
tout de suite. Il doit d'abord apprendre et
c'est à l'école hôtelière de Grenoble, Lesdiguières,
qu'il fait ses armes. En 1980, Gérard
rencontre celui qui deviendra son mentor, Pierre
Orsi, chez qui il apprendra à ne pas compter
les heures et à être exigeant envers lui même : « Pierre
Orsi était très dur envers lui même, mais il
donnait beaucoup à ses employés ».
Orsi ne perdra plus son protégé de vue en lui
ouvrant les portes des plus grandes maisons dans
la région.
1983,
Bocuse accueille le jeune chef de partie
qui travaille sous la hulotte de Roger
Jalloux à l'Abbaye de Collonges. Il y
apprend le travail en brigade et les bases des
sauces traditionnelles. Ensuite il entre chez Georges
Blanc puis 1 an ½ plus tard chez Jacques
Chibois à Cannes où il sera second de
cuisine. Ayant fait son armée au Sénégal dans
la marine, l'envie d'évasion reprend le
dessus, et suivant Pierre Orsi dans son aventure
nipponne, il partira vivre 8 ans au Japon.
Chef
de cuisine dans un Relais et Château,
« Gérard San » parvient rapidement
à s'adapter à son nouvel environnement.
Diriger une brigade de 15 cuisiniers parlant
quelques mots de Français ne lui fait pas peur
et c'est ainsi qu'au terme de son premier
contrat de deux ans, la direction, voyant son
niveau de langue s'améliorer, lui demande de
prolonger son séjour.
L'histoire
ne nous dit pas si le traducteur a survécu aux
premiers mois du jeune chef, néanmoins les
essais nucléaires français dans le Pacifique
contraignent le chef à rentrer, l'ambiance
avec les Nippons se détériorant de jour en
jour. En 1996, il revient donc en France ou il
rencontre dès son arrivée Sandrine qui
deviendra sa femme deux ans plus tard. En 1997,
son mentor refait apparition et le tuyaute sur
la vente de L'Auberge de Fond Rose,
qu'il achètera dés le 1er décembre de la même
année.
Après
trois mois de réaménagement et un changement
intégral de l'ancienne équipe, l'Auberge
passe quelques mois à battre de l'aile du
fait du départ des habitués. Il faut alors
regagner la confiance des clients. « Les
Lyonnais ont une certaine idée de la cuisine,
et c'est difficile de les en défaire ».
Il exploite les saveurs et l'art japonais dans
la géométrisation de ses créations. En outre
il enrichit sa cuisine d'épices importés de
Chine et de Thaïlande.
Grâce
aux conseils de ses amis étoilés, Gérard
renouvelle alors la cuisine Lyonnaise en mettant
au goût du jour quelques classiques. En tout
cas le Michelin a été conquis, alors
que la famille Vignat est en vacances, il reçoit
un fax de Paul Bocuse le félicitant. La
stupéfaction s'installe dans le couple qui ne
s'y attend pas. La première pensée du chef
va à son équipe : « Nous
n'avons pas eu le temps de le fêter tous
ensemble mais ce sera une vrai fête ! ».
C'est donc un père de famille, un patron
attaché à ses employés et un cuisinier
talentueux qui a été récompensé par le Guide
Rouge : à la question qu'est ce que
vous auriez aimé faire si vous n'aviez pas été
cuisinier, il répond sans hésiter «
International de Rugby ».
On comprend
alors mieux la convivialité du personnage !
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