Pedrazzi : How do you spell it ?
De notre envoyé spécial Ludovic Vilain
Dans les années 90, il était le chroniqueur géo-trouvetout de TLM. Aujourd'hui,
le Lyonnais Stéphane Pedrazzi est l'un des plus brillants journalistes
financiers de la City, embauché, excusez du peu, par Michael Bloomberg himself,
fondateur de Bloomberg TV et accessoirement maire de New-York. Si ses
apparitions dans le poste ne font pas forcément grimper l'audience, il peut d'un
simple clin d'il booster le Nasdaq ou le CAC 40... sans jamais se départir, d'un
certain flegme : so british.
Pourquoi, quand et comment, as-tu quitté
Lyon ?
J'ai quitté Lyon un peu par hasard, il y a
sept ans. A l'époque je travaillais à TLM et j'ai été débauché par une chaîne de
télé américaine, basée à Londres, et qui constituait son équipe pour fabriquer
un programme en langue française. Donc je suis parti de Lyon sans vraiment
l'avoir cherché, et de plus assez rapidement puisqu'entre les premiers contacts
et le moment où je me suis installé en Angleterre, il s'est écoulé à peine deux
mois.
Quelle idée te faisais-tu de la vie à
Londres ?
Pour être honnête, j'avais un a priori assez
négatif. Sans doute parce que j'avais été traumatisé par un voyage scolaire
quand j'avais 13 ou 14 ans. A l'époque j'avais eu droit à la viande bouillie, au
pudding et à la traditionnelle jelly ! Donc pour moi, l'Angleterre c'était ça.
C'était ça et Benny Hill ! Evidemment il y a plus sexy comme carte postale !
C'était horriblement réducteur, et même très loin de la réalité. Les anglais
s'identifient autant à Benny Hill, que nous à Sacha Distel. Et encore...
N'aurais-tu pas préféré Paris ?
Professionnellement, ça me paraissait la
suite logique des choses. Pour ceux qui veulent faire carrière dans les médias,
Paris c'est souvent le point de chute, qu'ils le veuillent ou non. Donc à
l'époque, je me serais bien vu à Paris. Je ne sais pas si j'aurais préféré Paris
à Londres où à Lyon, mais disons que ça me paraissait plus envisageable.
Comment s'est passée ta première année à
Londres ? As-tu eu des coups de blues ? Revenais-tu souvent a Lyon ?
Les premiers mois ont été redoutables !
D'abord parce que je parlais très mal l'anglais, et ensuite parce je me suis
installé ici en plein hiver. Et quand je dis hiver, c'est pas la montagne et la
neige, mais l'hiver anglais, avec la pluie du lundi matin au dimanche soir, et
la nuit qui tombe à 4 heures de l'après-midi. Au début, j'ai eu quelques coups
de blues, mais jamais au point de regretter mon choix. Et puis Lyon n'est qu'à
une heure et quart d'avion, c'est facile d'aller y passer un week-end. Le doute
et les larmes, c'était surtout avant mon départ pour Londres, notamment lors
d'une soirée trop arrosée avec mes anciens collègues de TLM et Orlando, de
passage à Lyon. J'ai fini en larmes sur les quais de Saône, inconsolable.
Orlando hallucinait !
Qu'est-ce qui te manquait le plus, et
encore aujourd'hui ?
Il y a une qualité de vie incroyable à Lyon !
Mais on le découvre souvent lorsqu'on va voir ailleurs. Toutes les choses dont
on finit par oublier l'existence, tellement elles font partie de notre
quotidien. Les restaurants, l'architecture de la ville...
Les londoniens son-ils représentatifs de l'ensemble des Britanniques ?
Je ne crois pas, mais ce n'est pas spécifique
à Londres... Tous les habitants des grandes métropoles ne sont jamais très
représentatifs du pays dans lequel ils se trouvent. Il n'y a que les Américains
pour penser que la Grande Bretagne c'est Londres, et que la France c'est Paris !
En revanche je n'ai pas l'impression qu'il y ait une rivalité entre Londres et
les autres grandes villes du pays, comme il peut y en avoir une entre Lyon et
Paris ou entre Madrid et Barcelone.
Quelles rencontres as-tu faites dans ton
boulot ou ailleurs ?
Je travaille dans une rédaction
pan-européenne, avec des journalistes qui proviennent des quatre coins de
l'Europe. Des Espagnols qui hurlent, des Allemands très organisés, des Italiens
tirés à quatre épingles, des Belges pas si belges que ça, et des Anglais
évidemment. C'est pareil pour la ville... La population vient de toute la planète.
Un tiers de Londres est composé de minorités ethniques. Et tout ça fonctionne !
C'est vraiment quelque chose que certains devraient méditer ! Et en ce qui me
concerne j'ai toujours pensé que c'était un vrai privilège de côtoyer au
quotidien des gens qui viennent d'horizons aussi variés. Tu as vu l'Auberge
Espagnole ? Eh bien ma vie à Londres c'est ça, en un peu plus chic ! (rires)
Comment as-tu vécu la mort de Diana ?
C'était vraiment un drame national ! Un de
ces évènements qui n'arrivent qu'une fois tous les 20 ou 30 ans. Pendant
quelques jours, le pays s'est complètement figé, avec des fleurs et des bougies
partout, des gens en larmes dans les rues, dans les parcs. J'ai vécu l'événement
d'assez près puisque j'ai couvert les funérailles de Diana pour la télé. Une
partie de la nuit à attendre avec les gens qui campaient devant l'Abbaye de
Westminster, une autre partie devant le Palais de Kensington avec ceux qui
priaient dans le parc... Partout, une émotion incroyable ! Je crois qu'aucune
personnalité en France ne pourrait susciter une telle émotion si elle venait à
disparaître.
Quel regard portes-tu sur la famille
royale ?
J'ai surtout un regard amusé, parce que j'ai
du mal à concevoir le rôle politique de la famille royale. Sans doute parce que
je suis né dans une république. La Reine, Charles, Camilla, je les vois un peu
comme des personnalités du show-biz ! Ils font partie du décor, quelque part
entre les Beckhams et Elton John. Concernant les horreurs qu'on raconte autour
des Windsor, c'est vraiment la surenchère permanente ! Entre les accusations sur
la mort de Diana, les confidences des valets de chambres, et l'homosexualité
présumée de certains membres de la famille royale... Je ne vais pas mentir, je
suis le premier à lire ce genre de ragots. Mais en revanche je trouve
effrayantes les méthodes de certains tabloïds pour obtenir leur infos !
Que t'est-il arrivé de drôle ou d'insolite
depuis que tu vis a Londres ?
Rien. Il ne m'arrive rien de drôle (rires).
Non mais sérieusement, tu les connais les gens de la City ? Dans le genre
insolite, on a fait mieux. Ou alors avec un humour pervers, très décalé.
Tu travailles à Londres et on te voit sur les écrans français ! C'est
amusant, frustrant ?
Non, ce n'est pas spécialement frustrant...
Pas plus frustrant que pour les journalistes d'Euronews qui sont basés à Lyon.
Bien sûr c'est agréable d'être reconnu dans la rue, mais je n'ai pas fait ce
métier pour ça. Sinon je ne serai pas journaliste financier. Moi je trouve
intéressant qu'on puisse fabriquer une télé à distance. Ca montre justement que
les distances ne sont plus ce qu'elles étaient. Que Londres est devenue la
banlieue de Paris et vice versa.
Y'a t-il des choses que tu ne supportes
plus à Lyon maintenant que tu as expérimenté la vie dans une grande capitale
européenne ?
Des choses que je ne supporte plus ? Faut pas
exagérer ! Ce serait vraiment méprisant, sous prétexte que j'habite dans une
grande capitale, de dénigrer les villes de taille moyenne. Evidemment que
Londres a une richesse culturelle que Lyon n'a pas. Evidemment que Londres est
animée 24 heures sur 24, ce qui n'est pas le cas à Lyon. Mais Lyon est 8 ou 10
fois plus petite que Londres, le décalage est inévitable. Et puis Lyon a
conservé une dimension humaine. Traverser la ville ne prend pas une éternité. En
sortir pour quelques heures est encore possible. A Londres, se déplacer est un
enfer. (sourire en coin). Tu ne me feras pas dire du mal de Lyon.
Tu es là-bas depuis 7 ans exactement.
Penses-tu revenir en France et si oui, pour y faire quoi ?
Je pense revenir en France, mais je ne sais
pas si j'y resterai toute ma vie ! Quand on a été expatrié pendant quelques
années, ça devient presque un virus. L'envie d'aller voir ailleurs, de se
frotter à d'autres gens, d'autres cultures. Je n'irai pas m'installer en pleine
brousse, mais le sud de l'Europe m'attire vraiment. Madrid, Barcelone... Au
soleil, après des années de brouillard londonien !
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