Interview
Pierre Orsi
Pierre
Orsi a fêté la semaine dernière le 25ème
anniversaire de son installation place Kléber.
D'une petite maison de 140 m2,
Pierre et son épouse Geneviève ont fait un des
fleurons de la gastronomie lyonnaise. Près de
deux cent invités payants, triés sur le volet,
ont accompagné une nuit durant le couple de
restaurateurs. Rencontre avec Pierre Orsi,
cuisinier et PDG.
Si
vous nous présentiez succinctement votre établissement ?
Je
dirais qu'i s'agit d'une jolie maison
ancienne et fleurie, qu'on distingue spécialement
pendant les fêtes de Noël, équipée de salons
privés, d'une piste de danse et de caveaux de dégustation.
Côté gastro, nous proposons depuis toujours une
cuisine préparée le plus simplement possible. On
n'est pas imaginaire, on n'est pas futuriste
mais on recherche la qualité. L'équipe
comprend désormais 35 personnes.
Comment
voyez-vous l'évolution de la profession ?
On
a assisté ces vingt-cinq dernières années à la
disparition de nombreuses maisons étoilées, de
nombreux chefs...
Gérard
Nandron, tout récemment !
Il
fallait connaître le personnage qui était un
grand professionnel. Je l'appréciais beau-coup
ces dernières années malgré ses airs un peu
bourrus. Il avait été fortement marqué par son
père Johannes. La dynastie Nandron qui s'éteint
avec lui, c'est soixante ans de cuisine
lyonnaise. Maintenant à Lyon avec Jacotte Brazier,
nous sommes les vieux, les anciens... avec bien sûr
Jean-Paul Lacombe de Léon
de Lyon...
Qu'en
est-il de la dynastie Orsi ?
Je
suis la troisième génération. Ma grand-mère était
cuisinière, mon père était restaurateur
cuisinier à Poleymieux il y a une cinquantaine
d'années. Quant à mes enfants, je ne pense pas
qu'ils continueront après moi...
Donc
la dynastie Orsi s'éteindra avec vous...
C'est un peu triste quand même !
Je
me suis fait une raison, ils sont pas-sionnés par
autre chose. Mais je compte bien main-tenir
l'activité encore quelques années. J'ai
trans-mis mon savoir-faire à de nombreux jeunes
qui sont installés en France, en Angleterre, aux
Etats Unis. J'ai déjà trois meilleurs ouvriers de
France dans mes apprentis. On est parfois dur,
mais on aime transmettre, je crois que c'est là
une de nos qualités principales.
A
défaut d'héritier, avez-vous un dauphin ?
J'y
songe, c'est vrai. Il faut que je trouve un gars
que j'aime bien, que je reconnaisse pour faire
encore mieux. Parce que toutes ces maisons fermées,
ça m'inquiète parfois. Par contre il existe
des maisons qui ont une seconde jeunesse comme Fernand
Point, comme la maison Pic
reprise par la fille n'étant pas dans le métier,
qui ne voulait rien entendre du métier et qui
dirige aujourd'hui l'affaire brillamment.
Même
si vous ne comptez pas vous arrêter demain, il
faut que tout soit prêt !
Cela
peut être subit. Quand j'ai décidé de vendre
toutes mes collec-tions de livres et de cuivre
anciens que j'ai chéris et dont je me suis
occupé passion-nément, un jour j'ai dit :
Je vends, c'est terminé !
Mais il faut la prendre cette décision.
Aujourd'hui je suis en bonne condition physique.
Ma femme est toujours aussi passionnée par ce
qu'elle fait, j'ai des bras droits qui sont très
compétents... mais il faut se préparer. Je
compte bien sortir par la grande porte, mais me
connaissant je ne pourrai pas rester inactif.
Avez-vous
fixé une date à votre retrait ?
Cela
sera avant dix ans et si j'étais raisonnable,
il faudrait qu'avant cinq ans je trouve un bras
droit qui continue. Nous avons le plus bel outil
de travail de Lyon, indiscutablement, et la
personne qui viendra devra être à la hauteur.
Racontez-nous
la soirée d'anniversaire ! Vous aviez
invité près de deux cent personnes ?
C'est
une invitation mais on les a fait payer parce que
je me suis rendu compte que si vous ne leur
demandiez pas de chèque avant, vous ne savez pas
si 50% des gens vont venir ou 100%.
Pour
votre anniversaire, vous les avez fait payer ! ! !
(rires)
Quel était le montant de la participation aux
frais ?
1000
F mais ça m'a coûté un peu plus, car je les
ai bien traités. Ils sont tous venus et je n'ai
pas eu de chaise vide ! Beau-coup de Lyonnais
sont venus, mais aussi des parisiens. Clémentine
que l'on n'avait pas vue depuis longtemps était
parmi nous, accompagné par Max Chaoul. Il y avait
aussi beaucoup de mes anciens qui sont installés,
Laurent Bouvier, Gérard Vignat. Tous mes
fournisseurs - qui ont payé eux aussi - ont
voulu me rendre un hommage. La soirée s'est
terminée à 4h00 du matin.
Y
avait-il des grands chefs parmi vos invités ?
J'ai
reçu beaucoup de fax...
Mais
ni Paul Bocuse, ni Jean-Paul Lacombe ne sont venus
physiquement ?
Ils
se sont manifestés bien sûr parce qu'ils le
savaient, mais je ne voulais surtout pas les avoir
car je n'aurai pas pu les faire payer ! (rires)
Et moi, je voulais que tout le monde paie !
Photos
: Michelle Wolf
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