Gilles Michel : « La répression ne peut pas être efficace sur la durée ! »
Propos recueillis par Alexandre Mathieu
Sur la route, la tendance est à la répression, et ce n'est pas nouveau. Si les
chiffres viennent corroborer l'action du gouvernement, cette politique n'est pas
du goût de tous ! Surtout quand elle vise directement les droits fondamentaux
des automobilistes : les récentes mesures visant à rendre payante une simple
réclamation d'amende ont provoqué un véritable tollé. Gilles Michel s'explique
sur les solutions alternatives proposées par l'Automobile Club du Rhône.
Lyonpeople : La
nouvelle loi contre la violence routière va bientôt entrer en vigueur, en quoi
pensez-vous qu'elle pénalisera les automobilistes ?
Gilles Michel : Cela va
engendrer plusieurs difficultés. Pouvoir contester une infraction est légitime.
Or avec la nouvelle législation, cela deviendra impossible pour les infractions
de 4ème classe et celles constatées par radar automatique. Toute
personne qui souhaitera contester une infraction devra consigner un montant
supérieur à l'amende initialement demandée, et ce avant même que sa réclamation
ne soit examinée. La conséquence sera que les automobilistes les plus démunis
seront ceux qui auront le plus de mal à se faire entendre.
Cela reviendrait-il,
selon vous à rendre l'accès à la justice payant ?
En quelque sorte, mais je pense que le frein financier aura surtout pour
conséquence de dégoûter les citoyens du droit à la contestation.
Vous dites que cette
loi se limite à « payer plus pour contester », ne pensez vous pas que cette
action vise avant tout à désengorger les tribunaux et limiter
le nombre de recours
abusifs ?
Les recours abusifs sont
des manuvres dilatoires. Les magistrats ne doivent pas renoncer à examiner les
petites affaires sous prétexte que les tribunaux sont débordés. Dans un Etat de
droit, on ne devrait même pas entendre un tel discours !
Que pensez vous des
meures entrées récemment en vigueur sur la sécurité routière ? Quand on voit les
chiffres, on se dit que la répression est quelque part
efficace...
Depuis deux ans, le nombre de tués sur la route a chuté de 20%. Mais la baisse
était déjà amorcée en 2001. La prise de conscience était là. La répression est
basée sur le non respect de la règle. On devrait plutôt informer et prévenir les
automobilistes. La répression est alors justifiée quand on connaît mieux les
risques qu'on encoure.
Et les automobilistes,
qu'en pensent-ils ?
Dans le Haut Rhin, nous avons mis en place un système de formation et de
prévention destiné aux automobilistes arrêtés pour des infractions mineures au
code de la route. Après ces stages, on a enregistré moins de 1% de récidive !
Quelle solution
proposez-vous ?
L'aspect répressif fait partie d'une volonté de sécurité générale. Si les
résultats sont là, le problème se fera sentir sur du moyen long terme. Une
politique de répression ne peut pas être efficace sur la durée. Il faut d'une
part mettre d'avantage l'accent sur la formation, ce que nous faisons ici à
Lyon. Le second problème réside dans l'emplacement des radars automatiques. Une
commission devait définir des zones très accidentogènes pour leur
emplacement. On sait que les routes nationales sont celles où ont lieu le plus
grand nombre d'accident, or c'est sur les autoroutes que les radars ont été
installés.
Si cette idée est si
bonne, pourquoi les pouvoirs publics auxquels vous faites appel ne
l'appliquent-ils pas ?
C'est non seulement plus
simples à tout point de vue pour l'Etat de mettre les radars sur les grands
axes : pour l'entretien, la surveillance, etc. Il y a aussi une question de
résultats financiers, du fait que les autoroutes sont plus fréquentées,...
Vous invoquez le
principe du « respect des droits de la défense », alors que la politique du
gouvernement tente de réparer les dérives dues au laxisme que les abus passés
ont engendré. Ca ne fait pas un peu démago ?
Non, nous sommes réalistes. On ne dit pas qu'il ne faut pas sanctionner, mais
que le travail doit se faire en amont. Si les gens récidivent et commettent des
infractions alors qu'ils savent ce qu'ils risquent à tout point de vue, il est
tout à fait normal de les sanctionner.
Quelle position
avez-vous vis à vis des barrages policiers le soir du Beaujolais nouveau ?
Les contrôles sauvages ne
sont pas une solution, surtout si l'action est menée de façon un peu musclée !
En Alsace, ils ont eu une très mauvaise réaction quand les autorités ont tenté
de mettre à mal les fêtes viniques, tradition qui ressemble à celle du
beaujolais nouveau : ils se sont heurtés aux élus locaux et à l'hostilité de la
population. Il faut respecter les traditions de la même façon que l'on doit
respecter le code de la route ! Cependant, nous sommes les premiers à combattre
l'alcool au volant, qui est avec la vitesse le deuxième fléau de la route. Nous
ne défendons jamais les intérêts d'automobilistes arrêtés pour conduite en état
d'ébriété, quel que soit le degré.
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