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 11 septembre 2000


Interview de Maurice Fusier - France Info 

Propos recueillis par nos correspondantes Marine et Alexia

Vous le connaissez peut-être depuis longtemps sans l'avoir jamais vu. Vous allez désormais pouvoir mettre un visage sur cette voix familière qui ponctue les rendez-vous lyonnais de la première radio d'info continue. Avant la sortie en librairie des « Plages de l'info », Maurice Fusier nous a accordé une interview exclusive.

 

Age, prénom et qualités...

Age : 52 ans physiquement, 22 ans dans la tête

Sexe masculin enfin, je crois ...

 

Gros, petit, ...

Il n'est pas gros mon sexe (rires). Non, ce serait mal venu dans ma bouche ... Normal (rires) euh ... ce n'est pas ce qui intéresse le plus les gens ! Vous m'avez troublé ...

 

Non, je ne voulais pas parler de ça mais de votre physique !

Votre situation familiale ?

C'est un peu compliqué. J'ai eu une petite fille avec ma compagne qui est avocate, fin août. Voilà, sinon, j'ai deux grands enfants qui ont 28 et 24 ans d'un précédent mariage.

 

Votre passion, le bricolage ...

Oui. Ma vraie passion d'abord, c'est la radio que je pratique depuis plus de 27 ans. Ca, c'est ma vraie passion et puis pour me sortir tous les problèmes que j'ai dans la tête suite aux choses monstrueuses que j'ai vues, c'est vrai que le bricolage, ça détend. Mes nuits sont alimentées, enfin étaient, puisque maintenant j'ai d'autres soucis avec la gamine, donc étaient alimentées pendant des années par ce que j'allais faire dans ma maison. Je réfléchissais et après, j'adaptais. C'est pas seulement le marteau, c'est le carrelage, c'est la tapisserie, la peinture, ... J'ai agrandi ma maison, j'ai fait des fenêtres, des fondations, l'électricité, ... Bref, un one man show !

 

Votre caractère ?

J'ai assez bon caractère. Je crois que je suis très généreux, ce qui est à la fois une qualité et un défaut. Quand je dis « généreux », ce n'est pas donner 10 balles à quelqu'un mais c'est donner du cœur ...

 

Votre parcours professionnel ?

Bac philo avec mention, licence de langues, maître auxiliaire en langues à Lyon pendant 4 ans. Ensuite, assistant chef de pub dans une boîte de publicité à Lyon, la Banque Moderne, qui n'existe plus aujourd'hui et puis des concours de photos qui m'ont rapporté des prix et puis, en 1974, je suis parti à Ajaccio comme pigiste occasionnel à l'ORTF. En 1979, je quitte la Corse en tant que patron de la radio qui entre temps est devenue FR3 Corse, radio et télévision. Je suis parti en stage vidéo etc ... Mais j'ai choisi la radio parce que c'est un outil, au quotidien, plus convivial et plus agréable à travailler que la télévision, plus rapide. Et donc je reviens sur le continent en 1979. Je deviens envoyé spécial permanent de France Inter. 

 

En 1974, par une loi qui a tué l'ORTF, plusieurs organismes ont été créés : Antenne 2, FR 3, ... Donc Radio France est obligée de mettre en place des envoyés spéciaux permanents parce que les radios régionales et locales appartenaient à FR 3. C'était une aberration. Radio France avait donc tout ce monde à Paris mais ils leur fallait des envoyés spéciaux permanents. Je faisais partie de ces envoyés spéciaux, nous étions 7. Dès 1980, les radios locales ont été créées. En 1984, Radio France a mis fin aux activités des envoyés spéciaux permanents car les radios locales comme Radio France Lyon devenaient des correspondants privilégiés de Paris. Donc, je suis devenu Rédacteur en Chef de Radio France Lyon, j'avais 2 casquettes. Tout d'abord animer une équipe à Lyon, ce qui n'est pas évident, et puis correspondre avec France Inter, faire les liaisons avec Paris. Ca a duré jusqu'en 1990.

 

Puis je suis devenu Directeur de Radio France Lyon. Là, on a décidé de tuer la radio locale car elle n'était plus rentable. C'est moi qui ait fermé cette radio qui était déjà située rue des Archers. Puis, je suis devenu Grand Reporter et correspondant au bureau de France Inter jusqu'à la naissance de France Info en 1984 et j'ai retrouvé mon poste d'envoyé spécial permanent sauf que je n'étais plus seul, nous étions trois. On sera 4 dès le mois d'octobre. Nous sommes obligés d'augmenter les effectifs compte-tenu des 35 heures.

 

Est-ce que vous vous êtes déjà dit « Comment pourrais-je occuper ce temps libre ? » ?

Non, et mon gros problème, c'est que je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Les semaines passent trop vite. Vous voyez, ce que je fais là, c'est très agréable, mais j'ai très peu de temps.

 

Une anecdote ? La meilleure et la pire ?

J'ai été invité par le Shah d'Iran chez lui, dans son pays, au moment où il allait chuter et c'est son premier Ministre, l'Emir Abbas Obeyda qui nous avait invité. Il était venu faire une conférence de presse à Ajaccio et il a invité quelques journalistes chez lui. On a passé 15 jours merveilleux. J'ai été attristé de découvrir quelque temps après que Abbas Obeyda, qui était quelqu'un d'extraordinaire, avait été assassiné à la suite d'un reportage de Christine Ockrent qui avait été réalisé dans les prisons de l'Ayatollah, en Iran. Et puis, il y  eu d'autres reportages où il y eut mort d'hommes. C'est toujours tragique la mort. Je me rappelle avoir vu en 1982 des convoyeurs de fonds morts par terre et c'est là qu'on a envie de leur dire : « allez, relevez-vous, c'est fini » mais les gens sont morts. La mort, c'est terrible. Je me rappelle aussi de Montpellier, en 1981, à la morgue, où j'ai vu une dizaine de corps, suite à la tuerie du Sofitel d'Avignon. Il y avait 15 personnes qui avaient été assassinées, dont des jeunes filles comme vous, par des voyous. Assister à l'autopsie de ces corps a été horrible.

Mon meilleur souvenir, c'est quand les gens sont rescapés ou saufs. Vous savez, dans notre métier de journaliste, lors de nos grands reportages, on vit entre la vie et la mort. Vaison-la-Romaine, c'était horrible aussi. On entendait des cris dans la nuit sans savoir d'où cela venait. Quand il y a un enlèvement, que le petit garçon ou la petite fille est sauf, et bien on respire. Je ne recherche pas le sensationnel et je crois que c'est en restant humain que l'on arrive à prendre ses marques et c'est comme ça que l'on arrive à avoir de l'émotion dans ce que l'on écrit et ce que l'on dit. Je connais des confrères très blasés que rien ne touche parce que n'est pas leur mort mais celle des autres et je pense qu'ils passent à côté de leur métier ...

 

Donc, il faut laisser transparaître l'émotion dans les reportages ?

Oui, sinon, il n'y a plus de couleur dans le papier. Se contenter de dire ce qui s'est passé, si il n'y a pas d'affectivité ... Vous ne pouvez pas non plus vous blinder et vous mettre une carapace afin de ne rien éprouver, ce n'est pas possible ou alors, il faut changer de métier, il faut être croque-mort. Je n'ai rien contre ces gens-là. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un parent ou un ami se faire enterrer, je ne vous le souhaite pas, et bien les gens qui emmènent le cercueil au cimetière sont totalement neutres. Mais je ne doute pas qu'ils aient des sentiments mais ils sont de marbre, ils ont l'habitude. Mais moi, je n'arrive pas à me faire à la mort et à m'y habituer.

 

Dans votre métier, qui est votre meilleur ami ?

C'est moi-même, c'est mon micro. Je suis très seul quand je fais des reportages. C'est ma conscience, ma déontologie aussi. Il faut se démerder tout seul bien souvent.

 

Votre pire ennemi ?

Ca ne m'est jamais arrivé, je touche du bois, c'est le ratage. C'est à dire de part son incompétence, de part son manque de préparation. C'est rater un reportage. Alors, bon, j'ai eu quelques déboires dans ma vie. Au début de ma carrière, j'avais effectué un reportage très intéressant sur un attentat et la bande s'était rayée. Mais bon aujourd'hui, j'ai appris. Je mets désormais tout en œuvre pour que tout se passe normalement et qu'il n'y ait pas d'erreur. Mais il n'y a pas de parcours sans fautes ! J'ai vu des confrères partir en reportage, notamment sur le drame du Mont Blanc, et ils n'avaient pas de ciseaux dans leur sacoches pour monter les bandes. Il a fallu que je prête ma paire de ciseaux, du scotch et une barrette. Quand on part et qu'on ne vérifie pas son paquetage, ça, c'est une grave erreur et à mon avis, c'est ça l'ennemi de notre métier.

 

Avez-vous un modèle dans votre métier ?

Oui, je peux parler de Robert Darranc, 65 ans, qui était le patron de RTL à Lyon et qui est en semi-retraite. C'est quelqu'un que j'aime beaucoup parce qu'il a beaucoup de cœur. Nous avons fondé tous les deux une association qui s'appelle « Les Amis du Safari Parc de Peaugres ». Il est président, je suis le vice-président. Ceci est parti d'une boutade. Chaque année, on va faire un méchoui dans le Safari avec les journalistes et ce projet a vu le jour lors de l'un de ces méchouis. Cette association a pour but d'emmener plusieurs fois par an des enfants handicapés, des aveugles, des enfants atteints du cancer... à Peaugres. J'aime beaucoup Robert Darranc, et il me le rend bien. Ma référence, c'est lui.

 

Est-ce que vous avez l'impression d'être la référence de quelqu'un ?

Non, pas du tout. Enfin, je ne l'espère pas, je ne me rends pas compte. Cela voudrait dire que j'ai vieilli et ça me ferait mal. Mais c'est vrai que je me pose la question quand je vais à des conférences de presse, depuis quelques temps, je regarde si il y a des nouvelles têtes, c'est un  signe. Il y a des jeunes qui ne me connaissent pas au départ et qui se demandent qui est ce vieux con !


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A suivre, Interview de Maurice Fusier - France Info (suite)


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