Marc
Béchet : « On ne vient pas à Megève pour se montrer ! »
Au fil des années Megève est devenue le repère des têtes couronnées. Cette année
la station haut savoyarde a concocté des réjouissances aptes à réjouir les plus
people d'entre vous. Des évènements placés sous la responsabilité de l'Office du
tourisme. Rencontre avec son emblématique directeur Marc Béchet.
Avant de devenir une station de sports d'hiver, Megève était un village de
montagne traditionnel avec sa culture et ses habitants. Qu'est devenu ce mode de
vie traditionnel ?
Paradoxalement et malgré l'image de Megève qui était, qui
est toujours plutôt dans un registre de haute gamme voire luxueux, avec des gens
connus, Megève fonctionne un petit peu aujourd'hui comme une principauté avec
une forme d'enclave prospère et de richissimes propriétaires. Megève a gardé à
la fois son caractère montagnard et agricole. Megève a toujours été une commune
agricole et il y a une grosse tradition d'activité pastorale et d'agriculture.
Ce n'est qu'au début du XXème siècle que le tourisme est arrivé et ensuite s'est
développé. Mais le caractère agricole de Megève est resté et aujourd'hui Megève
a encore une cinquantaine de fermes en activité. De plus, cela conserve la
beauté du paysage parce que mettre des vaches dans les champs sur les pentes, ça
permet d'avoir des pentes qui sont toujours entretenues.
Le must est-il d'aller encore chercher son lait dans une
berthe ?
Non seulement on peut encore le faire, mais on peut acheter
sa viande d'alpage. Joseph Socquet, un jeune agriculteur, élève du buf d'alpage
qui donne une viande fabuleuse. D'ailleurs, il n'en a pas assez pour fournir
tous les bons restaurants à Megève. On peut bien sûr acheter du lait du fromage
mais les paysans ne sont pas pour autant des marchands à touristes. Je
m'explique : ce n'est pas parce qu'on a cinquante fermes qu'on peut les visiter.
On peut acheter dans une ou deux fermes du fromage mais ils sont assez pudiques,
c'est-à-dire qu'ils n'aiment pas trop mélanger leur activité avec l'activité
touristique. On a beaucoup parlé des têtes couronnées à Megève et de manière
aussi importante, il y des têtes à cornes. (rires) Les fameux de Megève.
On a une quarantaine de traîneaux qui promènent les touristes... Ce sont des
agriculteurs et c'est une activité qui leur est réservée. Il faut avoir une
plaque agricole pour cette activité-là. Ça maintient ainsi de jeunes
agriculteurs dans la région.
La saison est sur le point de débuter. Quelles vont être
les nouveautés 2005 sur Megève ?
La grande nouveauté c'est la liaison qui se réalise avec la
Savoie par le village de la Giettaz et la connexion par navettes avec Praz
sur Arly. La Giettaz est une petite station d'une vingtaine de kilomètres de
pistes, de très belles pistes toutes à l'ombre, bien raides avec une très belle
neige. La liaison est réalisée avec deux nouveaux télésièges et deux téléskis.
Le grand champion du ski français de l'entre-deux-guerres, Emile Allais, est né
ici en 1912. Depuis, excepté Duvillard et Burtin, il ne s'est pas passé grand
chose ! Le caractère mondain de la station n'aurait-il pas pris le pas sur
l'aspect sportif ?
Alors ça, ça été vrai dans les années, entre les années 60
à 80. Il y a eu une présence un peu dominante du show-biz, des stars donc de la
fête. Dans le même temps, l'investissement sur le domaine skiable a été plutôt
ralenti. Donc tout d'un coup Megève s'est trouvée un peu en décalage par rapport
à plein de stations (Courchevel...) qui investissaient beaucoup. Il y a énormément
de stations qui naissaient encore dans les années 70.
Quand a eu lieu la prise de conscience ?
La prise de conscience a eu lieu dans les années 90. Et
notamment avec les années sans neige 92-93, 94 aussi et là on a très vite vu que
les années sans neige ça pénalisait beaucoup l'activité. Donc il y a eu une
prise de conscience collective. Ça avait déjà commencé dans les années 80. Au
milieu des années 90, on a noté un investissement important sur le domaine
skiable au niveau des remontées mécaniques et de canons à neige. En dix ans, on
a quasiment doublé le nombre de journées skieurs, et ce n'est qu'un début.
A combien se sont montés ces investissements ?
On a fait surtout de gros investissements à la fois d'accès
au domaine et de confort. On a investi 25 millions d'euros il y a deux ans dans
« la Princesse », la grosse télécabine qui est à l'entrée du village. On a
investi cette année près de 9 millions d'euros dans la liaison avec la Giettaz
et Combloux. Et on a encore un programme d'investissement ou de rapprochement
avec d'autres domaines skiables, qui va nous permettre d'atteindre une masse
critique et qui va continuer à faire de Megève un domaine qui compte dans le
paysage des domaines skiables en France.
Aujourd'hui à 92 ans, Emile profite encore des très belles pistes de Megève. On
aimerait bien connaître la recette de sa potion magique !
Emile est un personnage fabuleux. D'abord c'est une légende vivante. Au sens
vrai du terme. Il a, j'imagine, une hygiène de vie normale. Il ne fait pas plus
attention que les autres, par contre il est toujours en éveil sur tout. Quand je
le rencontre dans les rues de Megève, il me parle encore du domaine en disant :
« ce serait bien encore de faire ci, ce serait bien de construire une piste dans
ce sens-là ». C'est quelqu'un qui est ouvert sur les nouvelles glisses alors
qu'il a été le père du ski français. Aujourd'hui quand on lui parle de snow
board, de carving... il est tout à fait au courant.
Longtemps la baronne Noémie de Rothschild a fait office de figure emblématique
de la station. Nadine
de Rothschild
l'a-t-elle remplacée ?
Nadine participe beaucoup à l'image de Megève, mais elle
n'est pas la seule. L'image de Megève repose sur une pluralité de talents et de
personnalités. Nadine dans le domaine à la fois des têtes couronnées, de la
jet-set et puis de l'édition. Le couple Sibuet a été à l'origine d'une nouvelle
tendance qui a remis Megève au devant de la scène. Alexandre Faix au Mont
d'Arbois, dans ce mix « loisirs » très haut de gamme avec le golf, l'hôtellerie,
la restauration... d'autres dans le domaine du sport, des loisirs, des
équipements. De la culture et de l'art bien sur. Tout le monde connaît Pierre
Margara notre sculpteur. Sur la place du village, Jean-Paul Allard a su créer un
véritable marque à son nom.
Que faites-vous pour attirer la fine fleur des skieurs jet-setteurs. Vous avez
fort à faire pour contrer la concurrence de Gstaad et Saint Moritz... sans parler
de Courchevel !?
Le secret pour les attirer justement c'est de ne rien faire spécialement pour
eux. Les personnalités qui viennent à Megève, viennent à Megève pour Megève,
pour la qualité de l'accueil pour la qualité de ski, pour la qualité de son
hôtellerie, de sa gastronomie. Ils ne viennent pas à Megève parce qu'ils sont
invités à Megève.
Quels sont les grands noms (gotha, dynasties, show-biz, politiques...) qui
viennent encore à Megève ?
On peut dire qu'on est passé de la génération show-biz dans
les années 60-80 à la génération du CAC 40. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on va
croiser dans les rues de Megève des patrons plutôt que des artistes en mal de
notoriété. Ce que recherchent justement ces capitaines d'industrie, c'est la
discrétion de Megève. On ne vient pas à Megève pour se montrer.
Les hommes politiques sont-ils des aficionados de Megève ?
On reçoit beaucoup de personnalités du milieu politique,
mais dans la discrétion totale comme s'ils ne voulaient pas s'afficher à Megève.
Il y a quand même une connotation haut de gamme, un peu ostentatoire qui n'est
pas vendeur sur le plan électoral. Y compris pour le plus grand. Il vient, mais
alors il ne veut rien, il ne reçoit même pas le maire dans son hôtel : c'est
séjour ultra-privé. Je me souviens avoir eu vent de la présence d'un ministre
dans un hôtel quatre étoiles. J'appelle pour lui demander si tout se passe bien.
Il m'a bien fait comprendre que...
...vous n'étiez pas censé savoir qu'il était là ?
J'avais quand même été appelé par son chef de cabinet, que
je connaissais par ailleurs, qui m'avait dit qu'il venait...
Jean-Pierre Raffarin monte-t-il de Combloux ?
Oui, il vient beaucoup, mais en toute discrétion, manger
dans les restaurants ici... Il y a une espèce d'éthique qui s'est installée, qui
est même valable pour les filmeurs, les photographes... Il n'y a pas de paparazzi
à Megève. Le seul paparazzi qu'on ait eu, c'est c'est le photographe officiel de
Johnny, Daniel Angeli...
...qui travaille pour Voici quand même !
C'est Johnny qui l'amène, qui lui paie son séjour et il
suit Johnny avec Marc Veyrat. Il fait des clichés et ensuite il les revend à la
presse locale.
C'est ce qu'on appelle dans notre jargon une paparazzade.
Un reportage arrangé...
C'est le photographe officiel de Johnny, tout passe par
lui. Ensuite il revend les photos. Megève, c'est un peu l'anti-St Tropez. Il y a
un gros souci du confort et du bien-être de la clientèle. Les hôteliers,
notamment les quatre étoiles, sont d'une grande discrétion.
C'est le
black-out total.
Quels sont les endroits les plus people où il faut se
montrer à Megève ?
Chez Nano à la Sauvageonne, à l'Alpette, à l'Idéal ou à l'Esquinade.
Il y a aussi plein de petits endroits, moins connus où il faut aller comme chez
Maria pour les crêpes. C'est fabuleux, comme le « Bar à vin » des Enfants
terribles, l'ambiance du Pallas ou tous les établissements sur la route du Mont
d'Arbois.
Lyonnais et Grenoblois débarquent aussi à Megève. Ont-ils le même pouvoir
d'achat que les Russes et les Chinois désormais accueillis à bras ouverts ?
La chance de Megève, c'est qu'elle est restée très
franco-française. Aujourd'hui 70% de la clientèle est française. La moitié des
30% d'étrangers sont Suisses Romands donc des francophones. On n'est pas dans un
international-resort où on ne va côtoyer que des Anglais, des Russes, des
Hollandais ou des Allemands...
Quels sont les fidèles parmi les Lyonnais qui viennent
ici ?
Parmi mes copains qui reviennent chaque saison : l'avocat
Hugues Ducrot, le journaliste Pascal Auclair,
Jean-Luc Véry, et
Jean-Philippe Caille sont des inconditionnels de Megève.
Le joaillier Augis est lui aussi accroc...
Ce n'est pas ma génération mais effectivement, il vient souvent. Il a longtemps
fait du ski à Tignes. Mais depuis qu'il a découvert Megève, il s'y est installé
et il est devenu lui aussi un inconditionnel.
En 2002, vous vouliez faire de Megève le village de l'eau mais cette idée a,
semble-t-il, fait long feu. Il paraît que les marchands de champagne n'avaient
pas vu cette initiative d'un très bon il...
Excellent ! (rires) La thématique non seulement n'a
pas fait long feu, mais elle est en pleine création. La première idée avait été
de refaire une eau de Megève. Une eau minérale signifie : « vitalité, santé,
dynamisme, jeunesse », c'était l'un des axes de communication d'Evian. On ne
part pas de rien, ce n'est pas une lubie ou une idée marketing supplémentaire.
Dans Megève, il y a eau. Le « ève » de Megève, c'est Eva. En celte, l'eau.
Mag-eva à l'époque, qui est devenue Megève. Mag : le village, plus exactement
l'endroit où l'on stockait des marchandises. C'est devenu d'ailleurs magasin.
Eva : l'eau. Un suffixe qu'on va retrouver à Genève : Genèva. Où dans Evian :
Ev-ian, en préfixe. Donc, les villes où effectivement, on peut capter de l'eau,
sont clairement identifiées. Megève en fait partie. D'autre part, Megève a eu
déjà son eau minérale en 1902, avec sa source Saint-Michel. Analysée à l'époque,
notre eau avait des vertus tout à fait équivalentes à celles de l'eau d'Evian ou
de Thonon.
Aujourd'hui, ce projet d'eau de Megève, va-t-il
concrètement être mis en bouteilles ?
Ça va mettre un petit peu plus de temps que prévu. On a
trouvé une autre source qui sort à 1700 mètres d'altitude. Les contraintes
environnementales sont telles qu'il a fallu développer un certain nombre
d'études qui ont pris du temps. L'ouverture est prévue pour l'automne 2005.
Il faut dire que la station compte 91 restaurants, de nombreux bars, un casino
et qu'on n'y boit pas que de la limonade... (rires) La nuit semble faire un
retour en force à Megève depuis deux saisons. Le must, c'est paraît-il
d'effectuer un rallye des boîtes. De quoi s'agit-il ?
L'essentiel des établissements de nuit à Megève se situe dans un périmètre très
limité, essentiellement autour de la zone piétonne. Le must c'est de passer de
boîtes ou d'établissement de nuit en établissements de nuit et de retrouver le
même groupe, le même circuit pendant toute la période de la nuit. Il y a même
des établissements qui se sont spécialisés dans les before et les after.
Quel est le circuit de ce rallye ?
Si on enlève l'aspect restauration, on va dire que toutes
les boîtes participent à ce circuit. la route Edmond de Rothschild est le lieu
où l'on commence et où l'on termine la nuit. Avec le Cocoon, le Palace, le
Wake-up, le Havana club. Ensuite, il y a une grosse boîte de nuit qui s'appelle
le Palo Alto, qui rivalise avec le VIP-room, le Papagayo, etc... On continue avec
des boîtes comme Les Caves de Megève, le Cargo, les Cinq Rues qui est plutôt un
club de jazz mais qui joue sur cette image de la nuit. Voilà ce que l'on a
intra-muros pour ces rallyes de la nuit.
Les people adeptes des mondanités enneigées vont se régaler cette année. Vous
allez fêter les 10 ans du polo sur neige et l'anniversaire d'Aalard. Parlez-nous
déjà du polo !
Le polo c'est l'événement incontournable de l'hiver people
à Megève du 13 au 16 janvier. C'est un événement exceptionnel car on est la
seule station à l'organiser en France. Avec St Moritz en Suisse. C'est très
clairement le rendez-vous mondain de l'hiver.
On raconte que vous allez couler un bronze pour les 75 ans d'Aallard ! C'est une
joke ?
Pas du tout. Cette année c'est les 75 ans du fuseau inventé
par Armand Allard. Tous les cinq ans, son fils, Jean-Paul, qui a repris la
boutique, fête la création du fuseau. Il y a un certain nombre de festivités qui
sont organisées et pour marquer l'événement, il a demandé à Pierre Margara, de
réaliser un bronze de 2,5 mètres qui est une ellipse, une représentation du
fuseau.
J'allais oublier l'anniversaire des Fermes de Marie... Pensez-vous que la fête
sera totale alors que les fondateurs sont en pleine crise matrimoniale ?
Je ne vais pas rentrer dans ces considérations. Les Fermes
de Marie sont devenues une institution à Megève qui est indéboulonnable. Quoi
qu'il arrive, les Fermes de Marie resteront toujours les Fermes de Marie et à
l'occasion des quinze ans, il y a eu un programme de rénovation et de
transformation qui met fin à toutes ces rumeurs.
La fin de la saison coïncidera avec la Megève Snow Golf Cup. Du beau monde en
perspective ?
Réservez votre week-end du 18-20 mars car c'est un
événement tout à fait particulier à Megève, qui est très prisé et dans lequel
tous les habitués du golf du Mont d'Arbois trouvent beaucoup de plaisir à se
retrouver, parce que la compétition est amicale. Et les participants sont très
contents de se retrouver autour du golf qu'ils vont pratiquer quelques semaines
plus tard sur le green. Ils préparent déjà la saison golfique de l'été. Une
excellente ambiance s'est créée autour de cet événement qui fait que c'est
aujourd'hui, devenu un événement incontournable.
Pour conclure, comment appréhendez-vous le millésime 2005
de Megève ?
Malgré des prévisions nationales plutôt à la baisse, ce
sera un excellent cru en termes de clientèle étrangère haut de gamme. Les russes
qui étaient encore un petit peu timides faute de disponibilité à Megève, seront
beaucoup plus présents. Notre offre, toujours en termes de ski, de gastronomie,
de shopping, d'accueil est très au point. On a donc toutes les chances de faire
une très bonne saison. Megève 2005 sera un grand cru !
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