Les vux de Gérard Collomb à la presse
Le maire de Lyon a dressé l'état des lieux
du paysage médiatique lyonnais, un discours qui a rapidement pris les allures
d'un cours d'économie des médias et qui a pris de court l'ensemble des
représentants de la presse lyonnaise (voir
chronique). Vous trouverez ci-dessous ses propos dans leur
intégralité.
« Mesdames et Messieurs,
Merci d'être venus aussi nombreux à cette
présentation de vux. Si nous avions été dans une période normale, je vous
aurais, lors de ces vux, présenté l'image d'une ville qui bouge et qui même se
métamorphose.
Je vous aurais rappelé combien dans tous les
classements économiques, transports en commun, innovation en matière de mode de
déplacements doux, la ville de Lyon s'est vue récompensée par tous les grands
médias nationaux. Je vous aurais parlé pour l'année 2005 du lancement du tramway
au Confluent, de la mise en circulation de Vélo'v, du succès des guinguettes, de
celui de la fête des lumières, de l'Assemblée Générale des Eurocités à Lyon, de
l'attribution à notre agglomération d'un grand nombre de pôles de
compétitivités.
Je vous aurais dit que l'année 2006 allait
encore voir bouger davantage notre agglomération, avec une transformation totale
du Confluent et la réalisation des premiers bâtiments, je vous aurais parlé de
la transformation progressive de l'agglomération en matière de mixité sociale
(Carré de soie, Duchère), je vous aurais parlé de l'ouverture de toute une série
de parkings, de la Fosse aux ours au gros cailloux, je vous aurais annoncé que
la partie centrale des berges serait terminée le 8 décembre prochain avec sa
mise en illumination.
Mais le sujet aujourd'hui n'est évidemment ni
l'avenir de Lyon, ni la vie quotidienne des Lyonnais. Il est celui de la crise
que peut connaître une partie de la presse lyonnaise et le rôle que peut y jouer
la Mairie de Lyon.
De ce point de vue, un article paru
aujourd'hui dans un quotidien est particulièrement éclairant : sous le titre
« le tour de vis de la Mairie », il nous dit que les journalistes vont
interpeller Gérard Collomb sur les risques d'atteinte à la pluralité de
l'information et les manuvres inquiétantes du pouvoir économique. Ce journal
constate ensuite que depuis fin 2005 les médias locaux sont en crise. La
télévision CTV a cessé d'émettre et RTL a cessé son décrochage lyonnais.
Deux hebdomadaires sont également mis à rude
épreuve. En redressement judiciaire Lyon Capitale a perdu les budgets
publicitaires de la Ville supprimé par le Maire. Et ses fondateurs limogés par
un actionnaire qui a ses entrées à la Mairie. Le PDG de Tribune de Lyon, un
proche de Collomb procède, lui a des licenciements au sein de sa rédaction qui
s'était mise en grève en raison de la censure d'un article consacré... au Maire.
Il y aurait ainsi à Lyon, une connivence du
Maire de Lyon et du milieu économique pour verrouiller l'ensemble de la presse.
Pour votre information, sachez que les investissements publicitaires de la
ville, des institutions culturelles municipales et du Grand Lyon confondus
représentent moins de 1% du marché de l'achat d'espaces par les médias lyonnais.
Je veux bien avoir les pieds fourchus. Mais quant à dire que tout ce qui se
passe dans la presse lyonnaise serait organisé par mes soins, c'est un excès
d'honneur ou d'indignité que l'on me fait subir.
Tout d'abord, je souligne que mon rôle est des
plus modeste dans les grandes opérations de presse qui se passent aujourd'hui à
Lyon, la revente du Progrès de Lyon (qui a forcément une incidence sur le Figaro
Lyon) et l'attribution de la fréquence de télévision locale. Bien évidemment, je
ne suis pour rien dans la suppression du décrochage de RTL, qu'au contraire je
suis le premier a regretter. Pour ce qui est de Cité TV, la décision de
fermeture ne dépendait pas de moi et j'ai au contraire essayé d'agir pour que
cette télévision puisse continuer à exister. Restent les problèmes de Lyon
Capitale et de la Tribune de Lyon.
Monsieur Galula
est certes un ami. Je connais M. Bruno Rousset notamment parce que c'est
sur les terrains de la Buire, à la Part Dieu, qu'il construit le siège social
d'une entreprise qui n'était pas forcément destinée à rester à Lyon. Mais aucun
des deux n'est venu me demander mon avis sur le projet et la nature du projet
qu'il entendait réaliser. Voulez-vous une réflexion intime à ce moment là ? Avec
la sortie concomitante annoncée du journal de Monsieur Angel, j'avais une
interrogation forte sur le lectorat possible de ces titres. Parce que, Mesdames
et Messieurs, s'il veut avoir son indépendance, la première nécessité pour un
organe de presse est d'avoir un lectorat et donc un équilibre économique.
Je ne connais aucun titre, ni national ni
local dont le propriétaire accepte de perdre indéfiniment énormément d'argent.
Il y a forcément une limite où les choses doivent s'arrêter et elles arrivent
d'autant plus vite que les entreprises sont constituées d'un nombre de salariés
importants. C'est arrivé à de grands journaux nationaux et personne n'a alors
crié au complot économico-politique.
J'en reviens donc au rôle de la Mairie de Lyon
à propos des deux journaux pour lesquels on a mis en cause mon action.
Pour ce qui est de la Tribune, je réfute
catégoriquement avoir fait pression auprès de Monsieur Galula pour la
suppression d'un article sur Saint Fons dont toute la presse avait déjà parlé et
sur lequel j'étais précisément en train de m'entretenir très librement avec deux
journalistes de cette même Tribune. Je passe sur le problème des questions des
journalistes qui m'auraient été préalablement envoyées. Je m'adapte à ce que me
demandent les journaux. Je signale qu'un certain nombre d'entre eux me demandent
même de relire mes réponses. Si vous le souhaitez, je pourrais préciser
lesquels.
Pour ce que est de Lyon Capitale, il est vrai
que j'ai été ulcéré par les articles paraissant semaine après semaine, moins par
les sujets qu'ils abordaient que par la non vérification des informations et le
caractère fallacieux qu'elles pouvaient receler. Pour moi, ce journal n'en était
plus un, il était devenu un pamphlet or il est au moins une qualité des grands
pamphlétaires, c'est qu'en général ils ne demandent pas de subventions à ceux
qu'ils ont décidé de prendre pour cible.
Comme d'autre part, je voyais apparaître
quelque nouvel éditorialiste qui, outre, bien entendu, sa grande probité morale,
fait l'objet d'une certitude, celle de faire campagne aux prochaines municipales
contre moi, je me sentais d'une certaine façon délié de mes engagements vis à
vis de Lyon Capitale. Après tout, on a rarement vu les militants UMP prendre une
page de pub dans l'Humanité.
Je crois que si Lyon Capitale a donc eu des
problèmes, c'est moins à cause de la Mairie de Lyon que de la perte de confiance
d'une partie de son lectorat qui se sent lui plutôt en accord avec ce que fait
l'équipe municipale de Lyon, et que son propriétaire Bruno Rousset a moins pris
sa décision pour me faire plaisir que pour cesser de perdre des sommes
colossales. Si d'ailleurs, le titre est repris, à moins que les raisons
économiques de sa reprise ne soient complètement secondaires, on s'apercevra que
son futur propriétaire demandera lui aussi des objectifs économiques plus
rigoureux.
Il y a peut être eu entre Lyon Capitale et moi
une histoire d'amour déçue, il y a surtout des impératifs économiques
incontournables.
Mesdames et Messieurs, puisqu'on en est au
moment des vux et des résolutions, je prends pour ma part la résolution d'avoir
une transparence totale sur les achats d'espaces aux organes de presse et je
commence dès aujourd'hui en vous distribuant un feuillet récapitulant les
dépenses 2004 - 2005 pour l'ensemble des titres. Je demanderais par ailleurs à
ceux qui pourraient s'estimer lésés de me donner leurs chiffres de diffusion
contrôlés par l'OJD.
Pour ce qui est des relations avec vous, un
certain nombre me connaissent depuis de nombreuses années, ils savent que même
si je peux me trouver maltraité par tel ou tel de leurs articles, je pense que
la meilleure façon de redresser les choses est de continuer à travailler,
d'exercer mes fonctions de Maire avec une grande ambition pour cette ville et
une grande attention pour ses habitants. C'est sans doute la meilleure façon de
changer leur regard. Je ne doute pas de ce point de vue que les vux 2007 seront
bien différents dans nos rapports que ces vux 2006. En tous cas je souhaite que
nous fassions tous un effort pour y parvenir. Moi, dans un effort de meilleure
compréhension de vos problèmes et vous, mais je n'ai pas à le souhaiter puisque
c'est déjà le cas, dans un respect scrupuleux de la déontologie. »
Gérard Collomb, le 13 janvier 2006
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