Claire Faure
Miss Rhône en son pré carré
Photos
© Jean-Luc Mège
Par Nadine Fageol
À 20 ans, la toute
nouvelle miss Rhône est une véritable spécialiste de la chose avec écharpe. Une
étudiante en troisième année de droit, au programme chargé d'activités.
Déterminée.
Encore une miss. Mince alors. En journalisme, on appelle ça
un marronnier, sujet récurrent qui comme l'arbre refleurit chaque année. À titre
de marronnier, vous avez Toussaint et les chrysanthèmes, Noël avec la trêve des
confiseurs. L'éternelle problématique de ce genre de sujet est de les alimenter
en veillant à insuffler de la nouveauté. Mazette. Rien à faire, le patron adore
les miss, non pas qu'il en pince pour la chair fraîche ; disons plutôt que sous
couvert d'acte de patronage, il fait sa bonne action de l'année : lancer une
jeune fille dans le grand bain des célébrités locales. Ensuite, à elle de se
débrouiller avec ses jeunes arguments, son tempérament, sachant qu'en la matière
existe un modèle de réussite en la personne de Sylvie Tellier. Nous voilà
à la Croix-Rousse chez Claire Faure. Une rue quelconque avec son anarchie
immobilière habituelle à ceci prés que la plus jolie maison c'est la sienne. Oh
rien de spectaculaire, mais elle a le charme de son époque, début XXe siècle
probablement. C'était peut-être la maison du directeur de l'orphelinat dont
l'immense bâtiment est toujours séant au fond du parc. Entre temps, la vie est
passée par là, la ville s'est emparée du parc pour implanter un centre sportif,
une chose toute blanche avec des terrains pour çi, pour ça et un mur d'escalade
parce que l'imagination humaine a réponse à tout, au point de coller une
montagne sur une façade.
À la fenêtre de la maison, une dame, grande, belle,
plantureuse, les cheveux argent, crantés et ce je ne sais quoi de bienveillance
qui d'emblée ne vous fait pas douter. De la mère unanime, de celle qui devrait
être cotée au CAC 40 plutôt que la marque de lessive qu'elle utilise. Maman
garde le gymnase, elle en voit passer du monde pendant que son mari court la
France pour vendre des grands crus, cheval blanc, pétrus et champagne bulle
machin chose. Du père imposant, solide et questionneur. Lyonpeople
connaît pas, ça l'intrigue. Késaco, ce journal, et comment ça fonctionne ? Et
puis voici, Claire, brune souriante à cordiale poignée de main. De la poigne, un
signe. Sur le moment, on ne devine pas son adorable minois en partie dissimulé
par une masse de cheveux domestiquée par une coupe soigneuse. Non c'est au fur
et à mesure que l'on découvre, de grandes prunelles brunes, un nez parfait, et
un grand sourire sur une dentition irréprochable. Un petit mètre soixante-douze,
elle a juste la taille requise pour le concours, mince, menue, elle regrette un
excès de hanches. Mais la encore, la mère détient la vérité, « Claire était
très belle avec dix kilos en plus ». Les photos en attestent, terrible
cliché de la mode féminine adoubant les créatures toutes en os aux belles
plantes parce qu'avec quelques kilos, Claire pourrait actualiser le style Sophia
Loren ! Mais elle est si jeune, Miss Rhône a tout juste 20 ans et se définit
comme « généreuse, sensible, déterminée » car native du bélier. Amplement
satisfaite et ravie aussi. Côté cur, un ami depuis quelques mois. Côté études,
ça roule, en troisième année de droit privé, elle s'imagine notaire ou avocate.
Bientôt
les examens, elle potasse dans sa chambrette rouge rose en compagnie de
Balthazar, le poisson rouge. D'un côté, un bureau et sa panière ruisselante
de crayons ; de l'autre une coiffeuse et ses outils de serial maquilleuse. Au
milieu, l'aquarium de Balthazar et un pêle-mêle de photos pleines de vie. On
vous dit qu'elle n'a pas confiance en elle, de l'autre son père assène, « c'est
la Jean-François Khan des miss... ». Elle répond tout de go, « Papa a
décidé de vivre dans le confort moral afin d'arriver affiné au paradis ». Il
est vrai qu'elle a pour elle d'avoir du répondant, de s'intéresser à tout,
politique, littérature, l'histoire racontée par Maupassant. Elle passe des
heures au café Chanteclerc à refaire le monde tout en avouant boire très peu,
une coupe à l'occasion au Life ou au First. En revanche, cette
gourmande dévore les formules à « l'excellent rapport quantité prix » des
Marmottes, fief pour étudiants affamés. Sinon, Claire collectionne les
écharpes de Miss Montchat 2006, Miss élégance au concours de Caluire, puis 1ère
dauphine de Miss Foire de Lyon, le prix Paul Fontaine, prix honorifique en
souvenir du patron de l'hôtel Baulieu. Trois ans que ça dure, elle connaît le
réseau ; Roxanne, Laura, ses concurrentes sont des amies.
Stylistes, maquillages, job, elles se refilent les bons plans. Tout à tour,
l'étudiante Claire est hôtesse d'accueil à Gerland, mannequin, assistance du
magicien Rino Baldi et danseuse orientale ! Maintenant, il lui faut
valider sa troisième année, principal souci de son attentive maman et briguer le
titre de Miss Rhône-Alpes à l'automne, le sésame d'entrée au concours Miss
France. Et à ce niveau, rien, absolument rien n'est gagné d'avance.
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