Les bourgeoises
font leur révolution
Emilie Charmy - « Nu endormi » vers 1925
Par Alain Vollerin
« De la peinture de dames », disait-on à
l'époque. Elles éprouvèrent beaucoup de
difficultés à s'imposer. Le musée Paul Dini
tente de rétablir l'équilibre dans son nouvel
espace Cornil, absolument superbe qui constitue
tout à la fois un hommage à l'architecture
industrielle du dix-neuvième siècle, et un lieu
bien pensé bénéficiant d'un éclairage zénithal
proche de la perfection.
Cet espace se trouve en face du musée. Facile
d'accès donc. C'est merveilleux. Après la
robuste Suzanne Valadon qui au cours d'un
dîner à Lyon glissa à l'oreille de mon ami
Jean-Albert Carlotti : "Peindre, c'est
donner une forme à sa vie intérieure",
Emily Charmy, par son engagement forcené
dans la recherche picturale, est la plus
passionnante des artistes présentées. On pense à
Van Dongen. Pour l'anecdote, son mécène,
le comte Etienne de Jouvencel* n'était
autre que le grand-père du rédac chef de
Lyonpeople. Inutile de vous dire à quel
point chez Valadon, on retrouve l'influence de
son maître et ami, Edgar Degas. Son trait
est toutefois plus sec, presque cassant, à la
limite de la rupture. L'audacieuse Emily Charmy
fut Cézannienne, comme les membres du groupe
Ziniar, ses contemporains. Chez Jacqueline
Marval, il y a une fraîcheur. La joie de
vivre dans un monde bourgeois. Georgette
Agutte, elle, fut l'épouse d'un homme
politique Marcel Sembat. Après la mort de
celui-ci, et le suicide de Georgette Agutte,
quelques heures plus tard, André Farcy
acquit pour le musée de Grenoble, la collection
Agutte-Sembat qui figura en majesté pendant des
années. Une exposition à voir absolument. Le
catalogue (25) publié chez Somogy est un
document riche d'informations, comme cette photo
de Jacques Martin qui nous donne un
aperçu de l'ambiance de son atelier.
Profitez-en, pour revoir la collection du musée
dont une grande partie (complétée récemment par
le don de deux cents uvres) provient de la
vigilance et de la générosité de Paul Dini. Je
dois rendre hommage à Sylvie Carlier,
conservateur inspiré du musée et, commissaire
rigoureux de cette exposition baignant dans une
lumière paradisiaque. Bravo à l'équipe du musée
pour cette splendide réussite.
Jusqu'au 11 Février
2007
Musée
Paul Dini - Villefranche
* Dans le catalogue de l'expo, ce dernier est
censé avoir épousé une riche Mexicaine, ce qui
aurait eu pour effet de redorer le blason de la
famille. Il s'agissait en fait d'une riche
Française dont les parents avaient longtemps
séjourné au Chili. |