La période Pulsar, c'est la bohème. Vous êtes fauché comme les blés... au
point de truquer une tombola pour faire gagner un manteau de vison à votre
femme !
Ce n'est pas vrai ! Je vais vous
expliquer, aujourd'hui je vais exorciser le sujet (Rires). C'est
bien, cela me donne l'occasion de mettre au point deux ou trois choses. Ce
manteau de vison que ma femme a toujours, parce qu'il est hyper à la mode,
je l'ai gagné lors d'une tombola dans le cadre de la Biennale de la danse
à la préfecture. Il y avait un parfum et le 1er prix c'est un
manteau de vison et moi, je vais même vous donner une anecdote encore plus
croustillante, c'est que j'avais pas les 100-150 francs qu'il fallait
pour...
...participer !
Parce que les lots étaient un peu chers
et j'avais un ami, pour ne pas le nommer, qui s'appelait Xavier Dubuc, et
je lui dis : « Prête moi 150 F, je vais prendre
un ticket. »
Et j'étais l'un des derniers à prendre un ticket quand un des gamins me
dit : « non, ne prends pas celui-là, prends celui de gauche car je
pense que c'est celui-là le bon ! » C'est la vérité ! L'enveloppe
était fermée, et j'ai pris celui de gauche qui contenait le bon ticket.
C'est la pure vérité, je ne connaissais pas le truc. Je ne sais pas si le
gamin avait un tuyau et j'ai pris celui là et c'était le 1er
prix, mais ça circule parce que toute la table a entendu.
Vous êtes blanchi, ce soir, Victor Bosch ! En 1989, vous créez Le
Transbordeur une salle sympathique mais jamais mythique comme feu le
Palais d'Hiver...à moins de connaître le même sort ?
Non, je pense que c'est une question de
génération. Je pense que la génération avant le Transbordeur est une
génération de nostalgie. Donc, c'est sûr que les gens qui ont vu pour la 1ère
fois les Beatles au Palais d'Hiver, les Stones, les Who, Charles Aznavour,
Polnaref ou Edith Piaf ont l'impression que c'est une salle sublime. Pour
moi c'est une salle de ringards. C'était ringard, cela ne correspondait à
rien. Quand je jouais à l'époque, la seule chose de pas ringard qu'avait
le Palais d'Hiver, c'est le West Side, le club qui était à côté, où on
avait la chance, nous les petits groupes, de pouvoir jouer. C'était super.
Et c'est peut-être le club que vous avez voulu reformer au Transbordeur.
Peut-être, mais d'une façon différente,
mais pour moi le Palais d'hiver, c'était une scène qui faisait 2 mètres de
haut, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir...
Oui, j'ai vu Trust au Palais d'Hiver ! (rires)
C'était à l'époque de la Beatles Mania,
Hallyday dans sa jeunesse. Les gens se jetaient souvent sur scène. Il n'y
avait pas de sécurité alors on palliait par l'architecture. C'est-à-dire
que la scène était 2 mètres plus haut. Le mec qui arrivait jusqu'à la
scène, il méritait carrément d'être félicité. Je n'enlève rien au Palais
d'Hiver, bien au contraire. Je ne dis pas que Le Transbordeur est mieux,
je dis que le côté mythique est dans le côté subliminal que donnent les
gens par leur mémoire...
Vous pensez que la nostalgie l'a emporté sur le factuel ?
Le Palais d'Hiver était une sorte de
petit Olympia lyonnais. Mais il ne faut pas oublier : la scène la plus
branchée de Lyon était le Théâtre du 8ème : la Maison de la
Danse actuelle. A l'époque, le Palais d'Hiver, c'était les ringards qui y
allaient et tout ce qui se passait c'était au Théâtre du 8ème
avec Maréchal et Luce, sa directrice de la communication qui a fait venir
Pink F, où il y avait 200 personnes dans la salle, Arthur Brown... Tout ce
qu'il y avait de plus branché à Londres venait au Théâtre du 8ème
complètement décalé avec une vision de proximité. Il y avait deux mondes,
et ça personne n'ose le dire mais je le dis aujourd'hui.
Parallèlement vous produisez des artistes aussi divers que Michel Leeb,
Laurent Voulzy ou Francis Cabrel. A ce sujet, on raconte que vous avez
fait une entrée remarquée à l'un de ses anniversaires... Vous étiez
costarisé alors que c'était une fête campagnarde.
C'était un truc voulu, quand même.
Je ne crois pas que c'était voulu, Victor !
Disons que j'étais un peu à côté de la
plaque ce jour là. (Rires) J'étais un peu à côté de la plaque ce jour là,
mais j'ai cru bien faire.
Vous étiez plus show-biz que votre artiste...
Exactement, c'est vrai ! (rires)
Est-ce que vous aviez déjà pris la grosse tête ?
Non, je n'ai jamais pris la grosse tête.
C'est vrai, les gens qui me connaissent le savent très bien. Je n'ai
jamais pris la grosse tête, car si vous voulez je suis un grand angoissé.
J'ai toujours peur du lendemain. C'est ancré dans moi et cela va au-delà
de l'aspect financier. Heureusement pour moi, j'ai suffisamment de
ressources pour pouvoir toujours gagner ma vie. Avec beaucoup de modestie
dans ce que je viens de dire, je trouverai toujours du pain pour gagner ma
vie tous les jours.
Mais, par contre, j'ai peur de ne plus
être à la hauteur de ce qui m'excite. Je m'explique : ce dont j'ai peur
avant tout c'est de ne plus être en phase avec les gens qui m'étonnent,
que j'admire... et en un mot que je me retrouve ringardisé, mais pas dans le
côté mode mais dans le côté d'une réflexion. Donc, c'est une angoisse
permanente, je suis très à l'écoute de tout ce qui se fait, ça m'excite ça
m'alimente. C'est un peu comme la sexualité : quand l'appétit sexuel
s'estompe pour un homme, je pense que c'est le début de la fin, et pour la
tête s'est pareil.
Suite de l'interview
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