Vous n'ignorez pas que des plaintes ont été déposées par des gens
traumatisés.
C'est également le signe que l'uvre
fonctionne bien au-delà d'elle-même. Le genre de réaction extrême de ces
derniers jours ressemble fortement au syndrome de Stendhal, qui par
lui-même statue l'uvre en tant que telle. Ce trouble est appelé
spécifiquement le syndrome du voyageur. Il s'agit d'un état d'extase lié
au choc émotionnel provoqué par une uvre d'art.
Vous mettre hors la loi tout en
restant dans la légalité est l'une de vos spécialités. On vous prête le
projet de mettre votre propriété sous extra-territorialité comme une
ambassade ou une plate-forme pétrolière. Après Groland, Ehrmannland ?
Plutôt qu'Ehrmannland, je préfère l'Ehrmannie
Centrale (objet d'un livre dénommé "Voyage en Ehrmannie Centrale" écrit en
1987 par une de mes détractrices).
Vous êtes sur le point de construire un Bunker dans votre propriété. Vous
êtes devenu parano à ce point là ?
J'ai effectivement acheté l'ensemble des
droits pour 9 bunkers pensés par le célèbre architecte Rudy Ricciotti et
le plasticien Mathieu Briand. Cette uvre a bouleversé la Biennale de
Venise. A la question « pourquoi ma fascination pour les bunkers ? », je
vous renvoie à la citation d'un de mes maîtres à penser le philosophe
Virilio. « Le bunker est un mythe » écrit
Paul Virilio en 1975, « objet du rejet contre une architecture, qui est
transparente et ouverte ». Je pense que le Bunker avec sa stature
monolithe a en effet peu à voir avec les termes d'espace que le style
moderne peut mettre en avant. L'esthétique du bunker va plutôt à contre
sens de la tendance actuelle qui prône une architecture transparente,
décomposée, sans frontière.
Peut-on mettre de l'art dans un bunker ?
Pourquoi l'art ne pourrait il pas s'insérer dans un lieu tel le bunker ?
Le bunker fonctionne comme chambre noire surdimensionnée, dont la stature
dominante provoque les artistes. Les conditions extrêmes : toits très bas,
faible luminosité, murs remplis de graffitis... accompagnent les artistes
dans leur création. C'est selon moi un lieu commun que l'on rencontre dans
le monde entier, c'est la naissance du musée l'Organe où nous nous
déplacerons entre 9 bunkers en réseau qui sont tous identiques mais dont
la position géographique a changé.
Le noir est votre couleur préférée et l'on vous devine soucieux de votre
look et de votre apparence. Ce petit côté fashion victim, c'est votre
zeste de superficialité ?
Le noir gomme toute la superficialité
des couleurs. De même, un uniforme identique depuis 20 ans géré par mon
politburo (on est au KGB oui ou merde !) me permet de me distinguer par le
délit de bonne ou mauvaise gueule.
Nous avons remarqué que votre garde prétorienne est également vêtue de
noir. Simple mode vestimentaire ou dérive religieuse ?
Les plus grands
créateurs de mode reviennent ces dernières années sur la fascination du
noir. Objet de recherche par de nombreux sociologues, les nuances les plus
subtiles se lisent dans une apparente conformité. Il faut donc réapprendre
un regard pour décoder les attitudes très différentes au sein d'un même
clergé politique.
Suite de l'interview
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