En 1974, vous êtes le co-fondateur de la société RDB (Rossi, Daclin,
Bertin)...
A un moment donné, je vivais très bien de
ce métier, j'en ai eu marre d'avoir des relations « en bout de chaîne »
avec mes clients. Ce qui m'intéressait c'était toute la démarche
publicitaire dans sa globalité. Il se trouve que Bertin, qui était
quelqu'un que je connaissais bien, qui était associé à Rossi, m'a proposé
à l'époque de reprendre des parts et je suis donc rentrer dans cette
structure qui était un petit studio qui ne marchait pas bien. Je ne
connaissais rien à l'économie... le premier mois il y avait 6 salariés, avec
un CA de 6000 francs ! alors quand il faut payer 6 salariés avec un CA de
6000 francs !! A l'époque on gagnait 1200 francs !
Comment votre agence s'est-elle imposée sur le marché de la publicité
régionale ?
La première impression que j'ai eu en
faisant ce métier c'était que j'avais fait une erreur ! Il a fallu tout
réinventer, ça été une aventure terrible, j'avais l'impression d'être sur
un canoë gonflable avec 2 rames ! J'ai eu 2 chances, la première c'est
d'avoir rencontré Christian Boiron qui nous a fait confiance et nous a
permis de sortir les premiers budgets, et la deuxième c'est que nous avons
gagné la confiance de « KB Jardin » et l'on
a sorti des campagnes pour un produit incroyable qui était un piège à
taupe ! (rires) Et puis je suis un peu coureur de fond : grimper
sans sarrêter !
Vous avez vite vieilli en fait ?
Au contraire, j'ai le sentiment qu'on
peut faire des tonnes de choses et que j'en encore des tonnes ! On me
parle de trucs qui ont 2 ans mais j'ai l'impression que c'est vieux ! J'ai
pas l'impression que le temps s'accélère. Regardez, je suis élu depuis peu
de temps, mais j'ai l'impression que je le fais depuis longtemps !
Quels ont été en quelques mots les moments forts de cette montée en
puissance ? Vous avez démarré avec 6 collaborateurs. Quand vous avez
revendu vos parts à l'Américain, combien étiez-vous ?
On devait être 110/115.
Que s'est-il passé pendant ces 20 ans ?
Comme toute entreprise qui grossit, c'est
jamais magique, c'est comme une bagarre quotidienne, vous passez votre
temps à investir d'un côté mais vous êtes déséquilibré de l'autre... Nous
avons eu un déclic quand notre associé Christian Rossi est parti, je me
suis associé avec Louis Lagabe et nous avons créé - Jean-Noël Gerphagnon a
appelé ça « Kibboutz » - un système extrêmement horizontal dans lequel on
a amalgamé des gens, pris des parts dans le capital et créé des centres de
profits, ce qui nous a finalement permis de grossir. Nous étions capable
de composer une équipe sur mesure. Cette organisation a suscité
l'enthousiasme de nos collaborateurs. Nous avions mis en place un système
à capital variable qui a fait que sur l'ensemble des salariés, 60% avait
une partie du capital et touchait des bénéfices. Quand nous avons revendu,
les gens qui avaient des parts ont très bien valorisé le petit
investissement qu'ils avaient fait.
En 1999, vous revendez la majorité des parts de votre société à
l'Américain DDB. Combien avez-vous empoché à cette époque ?
Je suis obligé de répondre... D'abord je
n'étais pas le seul actionnaire, j'avais une partie des actions.
L'entreprise a été valorisée à l'époque à 60 millions de francs... J'ai dû
vendre 25% à l'époque...
Donc une quinzaine de millions de francs ?
Oui, mais il faut retirer les impôts !
Parallèlement à la com', vous goûtez à la politique. À gauche.
Ma famille est à gauche, j'ai toujours
été à gauche, il aurait impensable que je rentre à droite ! Les gens ne
comprennent pas qu'un chef d'entreprise soit à gauche. Collomb me connaît
depuis très longtemps, il connaît mes opinions, donc je le voyais mal
prendre quelqu'un qui avait des opinions de droite ! Contrairement à ce
que tout le monde pense, Collomb est quelqu'un de gauche.
Quelle est la base de votre engagement ?
Sur le fond, j'ai une vision de la
société dans laquelle je ne veux pas vivre si il n'y a pas d'équité. Et
donc ça m'a amené à avoir, au sein de mon entreprise, des écarts de
salaires qui étaient beaucoup plus bas que la plupart de mes confrères.
Pour moi une entreprise marche lorsqu'il y a une forte mobilisation des
salariés.
En tant que chef d'entreprise, on peut penser que les 35h ne soient pas
votre panacée...
Nous les avons appliquées
assez tôt, mais j'ai une critique très forte sur les 35 h. Le problème,
c'est la façon dont elles ont été mises en place, ça n'a pas été un
créateur de liberté. Deux inconvénients : ça n'a pas été un apporteur de
liberté et ça a été la fin de l'ascension sociale. Aujourd'hui il est
essentiel qu'un individu quel qu'il soit puisse mener sa vie comme il veut
mais si il a envie de travailler, qu'il puisse progresser. Ça été une
politique conservatrice dans le sens le plus politique du terme.
Suite de l'interview
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