Maître
Soulez - La Rivière à propos de votre profession dit que c'est
« un métier de roi qui procure une promenade intellectuelle
unique ». C'est de la rhétorique ?
C'est
tout sauf un métier de roi. C'est un métier de mendiant : on est
des mendiants d'honneur, on mendie un peu d'indulgence, on mendie un
peu de compréhension, on mendie un peu d'amour, on mendie un peu
d'histoire de gens. Je porte une robe noire parce que je suis en deuil
des illusions humaines, je suis loin d'être un roi moi, loin ! Je
dirai même que cette conception de l'avocat royal rejoint la conception
du Juge royal qui finalement considère le justiciable comme un manant !
Vous
êtes entré dans la profession d'avocat comme
on entre en religion !
J'aurai
pu entrer en religion du reste !
A quel moment
est-ce devenu un business ?
J'ai
été piégé par mon métier, je rêvais et je rêve toujours d'un métier
d'artisan, je n'ai jamais été aussi heureux que lorsque j'avais
trois collaborateurs, j'avais le temps d'écrire le matin, de flâner.
On est douze maintenant ! C'est ce que l'on appelle la rançon du
succès, le succès est un rançonneur !
Pourquoi
plaidez-vous systématiquement dans les affaires les plus médiatisées !
Je
ne sais pas, je n'ai pas de démarcheur comme le croit. Je crois
beaucoup à la circulation authentique de l'information, c'est-à-dire
que quand on entend plaider un avocat, s'il est bon - excusez-moi
d'employer ce qualificatif - il y a quelque chose qui s'inscrit de
l'ordre du sillon dans la mémoire de gens, ça se dit.
C'est
un métier de mendiant pour reprendre vos propres termes, pourtant à
regarder le pédigré de vos clients on ne peut pas dire que vous soyez un
spécialiste de la défense de la veuve et de l'orphelin !
Qu'on
se comprenne bien : je ne mendie pas mes honoraires, moi je trouve
que tout travail mérite rémunération et je n'ai pas honte de le dire,
j'ai mes riches et mes pauvres, et j'ai mes vrais pauvres !
Mais
vous avez surtout beaucoup de riches ! Pierrette Le Pen, Richard
Virenque, Jean Pierre Bernes, Aurore Drossard...
Pourquoi
vous les citez et pas mes pauvres, moi je peux les citer mes pauvres, le
nombre d'affaires que j'ai instruit gratuitement !
Non ce n'est
pas la peine, mais ça fait quand même une jolie galerie de portraits !
Encore
une fois moi je suis très honoré par les honoraires qu'on peut me
verser, mais j'ai des riches, mais malheureusement j'ai des pauvres,
mais vous n'aurez pas la liste de mes pauvres, et vous ne l'aurez
jamais, parce qu'il y a des pauvres occultes. Voyez-vous il y a des gens
qui ont des richesses occultes, moi j'ai des pauvretés occultes.
Votre
surexposition au soleil médiatique commence à agacer vos confrères.
Maître Soulez-Larivière parle de vous comme «d'un être qui se
porte sur les marchés extrêmes de tout ce qui brille et se consume médiatiquement » !
Maître
Soulez-Larivière fait tout ce qu'il peut pour qu'on le voie !
Il est jaloux
qu'on le voie moins que vous ?
C'est
qu'on ne le voit pas, tout le problème est là. Il est clair qu'il a
écrit des livres qu'on ne lit pas, il a plaidé pratiquement aucune
cause dont on parle, et il rêverait qu'on le voie. J'y peux rien quoi !
j'y peux rien s'il ne prend pas la lumière !
Mais
il n'y pas que les avocats que vous commencez à indisposer, les
journalistes s'en donnent aussi à cur joie ! Le Canard Enchaîné
vous surnomme « l'avocat cathodique » !
C'est
moi qui m'étais appelé comme ça, dans mon livre le désordre
judiciaire, je parle de moi comme étant un avocat - thodique,
et ils ont repris une expression de moi comme étant une expression à eux
pour se moquer de moi à partir d'une phrase que je m'étais appliquée
à moi-même.
D'autres
sont allés un peu plus loin dans le registre humoristique puisque Laurent
Gerra vous appelle « Maître gros lard » !
J'ai
eu le malheur dans un débat où il y avait quelqu'un qui le connaissait
de dire au sujet de Laurent Gerra que s'il n'a pas l'occasion
d'évacuer tous les matins dans un micro il meurt d'occlusion !
On le lui a répété et il a inventé ce calembour que j'entends depuis
que j'ai sept ans, huit ans à l'école. Est-ce un grand moment de
l'humour universel, plaise entre nous...
Vous
encaissez, vous répondez ou vous vous en foutez ?
Gerra
fait caca et pipi où il veut. Quand je vois un chien qui pisse sur un réverbère
je trouve ça normal, le réverbère c'est moi !
Par
contre pour les guignols de l'info vous n'avez pas laissé passer ?
Il
faudrait parler de tout cela d'une manière globale si vous voulez.
D'abord il faut savoir qu'il y a entre Bruno Gaccio - le chef
de la bande - et moi un contentieux personnel. Il y a donc eu un règlement
de compte ! J'ai plaidé pour le papa d'un petit trisomique
contre Patrick Timsit qui avait fait un sketch assimilant les
trisomiques à des crevettes dont on jette la tête et dont on garde le
reste. J'ignorais que Gaccio avait écrit ce sketch et il a très mal
pris que j'obtienne que les cassettes soient retirées. Et il a dit :« je
vais me payer Collard, il aura sa marionnette ! ».
Ma
marionnette ne me gêne pas, si Monsieur Gaccio a envie d'agiter ma
marionnette c'est son affaire, mais je n'ai pas accepté que ce petit
personnage se permette en plein procès de s'attaquer à l'honneur
d'un homme (l'Abbé Maurel NDLR), de s'attaquer à la
personne d'un avocat alors que des jurés allaient se prononcer.
Je
veux dire qu'il y a un mot qu'on emploie souvent c'est fasciste !
en général ce sont les gens de gauche qui soufflètent comme ça les
gens de droite. Mais Monsieur Gaccio
s'est comporté là en vrai fasciste du coin de rue quoi !
C'est du populisme sordide !
Je
crois que dans cette société seuls sont importants les gens qui ont le
courage moral de déplaire !
Vos
confrères ne sont en général pas très tendres
avec vous. Maître Vergès, Maître Garaud ou d'autres
trouvent-ils grâce à vos yeux ?
Oui,
Garaud j'avais des relations excellentes avec lui, j'avais
beaucoup d'estime, beaucoup d'admiration, et on s'aimait beaucoup.
J'ai beaucoup d'estime pour Jacques Vergès c'est un grand
avocat !
Le
salaud lumineux !
C'est
pas un salaud ! C'est un homme courageux, vous comprenez il y a les
mondains et ceux qui ne le sont pas, voilà la différence !
Toujours
est-il que votre présence à Lyon est liée à l'affaire Frachet-Lentin,
ce jeune qui a été poignardé dans un train pendant la coupe du monde de
football.
Pourquoi
avez-vous choisi de défendre sa famille ?
Sa
mère est venue me voir par l'intermédiaire d'un ami, je l'ai reçue
et elle m'a fait de la peine. Je supporte mal l'abandon dans lequel
cette femme se trouve, parce que vraiment la mort de son fils est passée
au compte des profits et pertes de la coupe du monde, c'est quand même
franchement dégueulasse car ce jeune a été doublement assassiné par la
coupe du monde. On a tout fait pour étouffer l'affaire, vous comprenez !
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