En 1990, vous
achetez donc un terrain à Brignais pour y installer votre production.
Chaque semaine, vous achetez 500 litres de crème fraîche, 600 kg de sucre,
400 kg de beurre et 1 tonne de farine. Combien prenez-vous au black sur
chaque commande ? 10%, 15% ?
Si je pouvais prendre 50% ça serait très bien ! La seule chose aujourd'hui
c'est que c'est impossible !
Certains se débrouillent encore très bien pour racketter leurs
fournisseurs !
C'est la remise de fin d'année, ça ! La RFA ! Il y a 20 ans, ça se
pratiquait beaucoup mais aujourd'hui ce n'est pas possible. Structurés
comme on est, on a une fille qui s'occupe de la comptabilité fournisseur,
de la comptabilité client, de la comptabilité générale.
Si votre marchand de crème fraîche vous glisse une petite enveloppe,
j'imagine que votre comptable n'est pas au courant ?
Il ne va pas me la glisser à moi mais au chef. Il va lui
dire : « Tiens, si tu continues à te servir chez moi, je te donne une
petite enveloppe ». C'est souvent le chef qui commande moi je ne peux pas
tout faire ! C'est pour ça que j'ai trois fournisseurs.
Votre voisin de la
place Bellecour s'appelle Jean Vettard. Vous êtes amis mais n'avez pas
voulu reprendre l'affaire après le suicide de Jean et le dépôt de bilan.
Je lui ai fait une offre avant, mais mon offre n'était pas assez
importante pour couvrir la dette qu'il y avait.
Roi du business mais
pas des sentiments, Jean-Paul Pignol ?
Il manquait beaucoup. Jean c'était un sentimental, il voulait de l'argent
complémentaire et une location importante pour continuer à payer son
épouse.
Avez-vous ce poids sur votre conscience car il est s'est suicidé peu de
temps après ?
Pas du tout ! Il ne s'est pas suicidé à cause de moi ! Il
s'est suicidé à cause de la banque qui a refusé de lui accorder les prêts
supplémentaires. Quand Jean s'est suicidé, j'appelle Paul Bocuse, je lui
dis : « Paul, Jean Vettard s'est suicidé hier soir ». Et il me répond
« Mieux Vettard que jamais ! » (Rires pas fiers)
En 17 ans, vous avez ouvert de nombreuses boutiques, la dernière en date à
Villeurbanne. Est-ce un cercle vertueux ou vicieux ?
Non, vertueux car je n'ai pas de vices ! Vertueux car c'est
pour garantir une pérennité à l'entreprise. L'activité traiteur c'est une
activité qui est aujourd'hui à la mode, ça va très bien. Si demain y'a
quelque chose qui s'arrête, on a toujours l'activité des boutiques qui
fonctionne très bien. C'est pour assurer, continuer, pérenniser.
Aujourd'hui, on renégocie le Grand Prix de Tennis, si demain on perd la
contrat c'est pas comme y'a 15 ans où si je perdais le Grand Prix...
Aujourd'hui, sentimentalement parlant ça m'emmerderait, moralement aussi
mais sur le fonctionnement de l'entreprise, ça ne gênerait rien du tout.
Beaucoup voient
derrière votre réussite l'ombre des francs-maçons. Vous, le roi des
gratons, ne seriez-vous un frère la gratouille ?
Je suis obligé de répondre ? Je n'aime pas ce qui se dit
que grâce à la franc-maçonnerie... Là, c'est archi faux ! Mais ça fait 4 ans
que j'ai été initié !
Dans quelle loge ?
La grande loge de France. Ce sont des loges philosophiques
où il n'y a pas beaucoup d'affaires qui se font. Je vais te dire pourquoi
je suis rentré : syndicat de la pâtisserie, association des relais
dessert, la cuisine... Je voulais entendre autre chose que de parler de
pâtisserie, de chiffre d'affaires, de cuisine... Sur le plan culturel, on
apprend beaucoup de choses. Mais, il n'y a pas de business et c'est pour
ça que je m'élève quand j'entends « grâce à ça ».
Nico : En gros, la franc-maçonnerie, ce n'est plus ce que c'était ?
(Rires)
Si
tu prends une assemblée à Lyon normalement constituée, tu prends 800
personnes et tu as le maître de séance qui dit : « Levez la main ceux qui
ne sont pas franc-maçons », sur 800 il y en a 3 qui lèvent la main.
Suite de l'interview
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