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/ LES INTERROGATOIRES à KGB 


 

 

Sur le plan physique, tout est ok. Sur le plan moral, vous avez de nombreuses relations. Mais sur qui pouvez-vous encore compter à Lyon en cas de coup dur ? Qui sont les fidèles parmi les fidèles ?

Mes proches, ma famille et d'autres que l'on va laisser tranquilles... Ils ne sont pas forcément à Lyon, je leur enverrai le magazine.

 

Fabienne Lacombe : Ils sauront se reconnaître...

 

Votre fils Adrien, 19 ans, a, parait-il, l'envie de poursuivre l'œuvre de son grand-père maternel dans le vin, plutôt que la vôtre... Pas trop déçu ?

Non, absolument pas déçu qu'il ne prenne pas notre suite, pour la bonne et simple raison qu'on n'a jamais élevé notre fils comme ça se faisait il y a quelques générations. Je suis médecin, tu seras médecin, je suis notaire, tu seras notaire... La vie va tellement vite et je lui ai recommandé à plusieurs reprises d'être heureux de se lever le matin pour faire ce qu'il a à faire. Plutôt que d'être contraint de prendre la suite de ses parents, etc... Pour l'instant c'est comme ça mais il fera peut-être autre chose.

 

Est-ce pour cette raison que vous avez annoncé la fermeture de Léon de Lyon en décembre 2007 ?

Pas du tout ! On n'a jamais tenu compte qu'il y ait un successeur familial ou pas familial. On n'a pas développé pour ça, on a développé car ça nous ressemblait mais pas pour transmettre un patrimoine à notre fils qui prendrait forcément la succession. Ça n'intervient en rien dans notre décision. 

 

On a du mal à comprendre vos motivations... alors que Léon a réalisé 2 millions d'euros de CA et qu'il est bénéficiaire...

Au bout de 35 ans, et vos lecteurs le comprendront car certains ont fait la moitié ou un peu plus, 35 ans c'est une belle carrière... La restauration de haut niveau est un métier très contraignant, on y est 6 jours/7. La maison ferme le dimanche et le lundi mais le lundi on fait des rendez-vous pour l'ensemble des maisons car il faut bien s'en occuper. C'est vrai qu'au bout de 35 ans, il peut sembler légitime et surtout important pour nous et pour moi, le cuisinier, de sortir la tête haute. J'aurais mal vécu de sortir contraint et forcé suite à des difficultés financières, à une perte d'étoile... C'est ne pas faire l'année de trop. Je suis très heureux de cette décision, voir même un petit peu fier.

 

Vous allez mettre 25 salariés dehors. En vous rendant visite la semaine dernière, j'ai pu constater que ce n'était pas la joie en cuisine !

Laissez-moi vous dire que vous n'y connaissez rien en cuisine !

 

Nico : Ce n'est jamais la joie en cuisine !

JPL : Qui avez-vous interrogé ?

 

C'est mon ressenti...

Il faut prendre quelques jours de vacances, vous vous sentez mal... Vous ressentez mal !

 

J'ai ressenti que c'était pesant, que vous l'acceptiez ou non... Comment leur avez-vous annoncé qu'en décembre 2007, c'était terminé ?

Certains d'entre eux étaient déjà informés de cette décision. Il y en a qui veulent uniquement rester dans le cadre gastronomique, ce que je peux tout à fait comprendre, et nous les aiderons à se replacer car la restauration est une grande famille. En 35 ans, on n'a eu que 2 prud'hommes... que nous avons gagnés. Ils me voient tous les jours, premier levé, dernier couché. Ils savent très bien que je ne les laisserai pas sur le carreau sans jeu de mots...

 

Dans le milieu de la gastronomie, on évoque votre brouille avec Jean-François Mesplède, directeur du Guide Michelin...

(Rires) L'éclat de rires que ça génère ! Dans ce cas-là, donne-moi votre informateur, il faut que j'aille lui démentir moi-même ! C'est absolument faux ! On a même fait le marathon de New York ensemble, il a collaboré à la vie des Bistrots, il a été un précieux collaborateur. Je le vois de temps en temps, je n'ai pas à dire dans quelles circonstances et je vous assure que nous entretenons de très bons rapports ! Vous qui sentez si bien les choses quand vous traversez les cuisines, allez voir les cuisiniers de Léon de Lyon et ils vous diront qu'ils l'ont vu à plusieurs reprises ces derniers temps ! (rires)

 

Avez-vous préféré arrêter avant qu'il ne vous retire une étoile comme il en était question ?

Le Guide Michelin est paru, c'était sous la présidence de Jean-François, et on a toujours 2 étoiles... Je tombe de haut de cette question ! C'est drôle ! (rires) Je démens et je pense qu'il rigolera comme moi... J'ai beaucoup d'estime pour lui et sa femme que je côtoie, qui a une position importante à la Ville de Lyon, nous collaborons parfois... Je n'en reviens pas... Je suis sur le cul, estomaqué, et bien évidemment ce n'est pas vrai ! C'est une affirmation complètement dénuée de sens !

 

Vingt ans à attendre une troisième étoile, c'est long. Si elle était tombée dans votre escarcelle, le destin de Léon aurait-il été différent ?

D'abord, non je n'ai jamais cherché une troisième étoile, sinon je m'y serais attaqué il y a au moins une dizaine d'années. Ce n'est pas à 55 ans et plus qu'il faut partir à la conquête d'une troisième étoile. Par contre, nous n'avons jamais cessé d'améliorer le standing, la qualité, la maison, et ça je m'en porte garant. Si elle était tombée, ça nous aurait certainement compliqué la vie, mais on n'aurait pas pu la refuser... Vous savez, le Michelin il ne vous demande pas si la voulez ou pas. Ça ne faisait pas partie de mes objectifs, mais dans le cas contraire je me serais bien plus concentré sur la maison mère plutôt que de développer des bistrots, des voyages à l'étranger, ou d'autres choses. Je vous assure que dix bistrots, un hôtel... ça occupe beaucoup.

 

Pourquoi la 3ème étoile n'a-t-elle pas fait partie de vos objectifs ?

Peut-être que je ne croyais pas qu'elle était à ma portée. Ce n'est pas uniquement une personne qui est concernée, il faut motiver toute son équipe. Demandez-leur, à tous ceux qui sont passés à la maison si une seule fois je leur ai fixé cet objectif... Mais ça n'a pas empêché de toujours nous améliorer, car entre le Léon de Lyon d'il y a 20 ans, 30 ans, tout a changé comme les critères d'obtention d'une troisième étoile, mais on ne les connaît pas, il n'y a pas de cahier des charges.

 

Suite de l'interview