Dominique de Villepin :
un ministre tête de gondole
De notre envoyé spécial Julien Berthet
Ce n'est pas tous les jours que l'on croise son
ministre de l'Intérieur au supermarché du coin.
Et pourtant, les habitants de Vaulx-en-Velin ont
eu cette surprise au rayon fruits et légumes,
lundi 14 février. Dernier délire de M6 pour
attirer la ménagère de moins de 50 ans grâce à
une télé réalité sans limite ? Ultime lubie de
communication d'un gouvernement Raffarin prêt à
brader ses membres ? Début d'une nouvelle série
dont les prochains épisodes mettront à l'honneur
Gérard Collomb chez Tati, Michel Mercier à Aqualand,
Dominique Perben chez Mac Do ou Jean-Jack Queyranne
chez Star Jouet ? Pour en savoir plus, notre
intrépide reporter a fait l'improbable voyage de Vaulx-en-Velin.
C'est bien connu, «Chez Casto, y'a tout ce qu'il faut.» Et,
chez Casino, y'a même du ministre ! Ils
sont forts ces Stéphanois ; mettre un ministre
en tête de gondole pour booster les ventes.
Fallait y penser. D'habitude, pour assurer une
animation, les supermarchés de quartiers se
paient des stars sur le retour comme
Jean-Pierre Descombe, Kenza du Loft
ou Danielle Gilbert. Mais un ministre...
Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur,
en plus ! Seule l'enseigne stéphanoise de grande
distribution pouvait le faire !
Les chalands n'en croient pas leurs yeux. La rumeur
pourtant circulait à Vaulx-en-Velin quelques
heures auparavant. Au café du coin, quelques
habitués taillent le bout de gras avec la
serveuse. «Il paraît que Sarkozy vient
aujourd'hui !». «Non ?» rétorque
ébahi l'un d'eux. «C'est de Villepin !»
surenchérit le troisième. Presque un peu déçus,
ils iront quand même voir. Sur le parking, la
meute de journalistes, de photographes et de
cameramen confirme l'arrivée imminente du
ministre. Le ban et l'arrière-ban de l'enseigne
stéphanoise de grande distribution sont au
complet. Le Maire de Vaulx-en-Velin, Maurice
Charrier, est aussi de la fête, la main sur le
caddie. Une lettre de doléance dans l'autre... Lui
aussi vient faire ses courses. Plus fort que le
Premier ministre, Dominique de Villepin avait
choisi d'endosser
«l'intégration attitude» ; la
ministérielle visite avait pour objectif de
mettre en avant la lutte contre les
discriminations. Ce n'est donc pas tant parce
que Casino propose les prix les moins
chers mais parce qu'elle mène une politique
volontariste en matière d'intégration que le
ministre avait choisi de faire ses courses chez
Casino : 90 % des employés de ce
supermarché sont des habitants de
Vaulx-en-Velin. Cela valait bien un hommage !
Autre lieu, autre hommage. Dans la grande salle
de la Préfecture, famille et amis de l'écrivain-sociologue
lyonnais
Azouz Begag
se pressent pour assister à la remise de la
Légion d'honneur, reconnaissance de la réussite
d'un enfant d'immigrés malgré ses handicaps.
Prompts à s'emparer des symboles, les politiques
locaux sont sur le pied de guerre. La droite a
sorti la cavalerie lourde. Rien de moins que
Dominique Perben,
Michel Mercier,
Anne-Marie Comparini
et les époux
Noir.
La gauche, de son côté fait dans la frappe
chirurgicale tapie derrière les moustaches
légères du Monsieur «Zone trente»,
Jean-Louis
Touraine, 1er adjoint au maire de
Lyon. Après un discours « poignant » de
Dominique de Villepin retraçant la vie d'Azouz
Begag, celui-ci prend la parole pour dire sa
fierté de recevoir le pin's républicain. Et dans
un discours emprunt d'émotions, le Gone du
Chaâba rappelle qu'il est «fier d'être le
fils d'un paysan analphabète et immigré».
Dans l'assistance, les yeux s'embrument, les
mouchoirs sortent discrètement.
Et puis le
Ministre s'en est allé. Certains ont susurré
qu'il rejoignait
Aimé Jacquet pour manger un steak-frites
à la Cafet' Casino. Que nenni, il se rendait
chez
Caro !
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