Revue
de presse Cannoise
Grégory
Schneider
- Libération du lundi 21 mai 2001
Cannes
de
A comme auteur, à Z comme Zemekis
L
comme Loft.
Loft Story, qui a presque fini par occulter
le festival. OK, ce dernier ne fut peut-être
pas le plus glamour de tous, mais enfin, s'enthousiasmer
pour David, l'ancien pensionnaire de Loft
story qui voudrait tellement faire du cinéma!
Il n'a pas monté les marches, mais provoqué
des émeutes impressionnantes sur la Croisette.
Des centaines de personnes hurlaient son nom
aux portes de l'hôtel Martinez, où il a dédicacé
des tee-shirts à la chaîne. «C'était le même
élan que pour les footballeurs de l'équipe
de France ou les stars américaines», a constaté
la direction du palace. Ça craint. (...)
Olivier Seguret
- Libération
du lundi 21 mai 2001
Pas
de vagues
Ambiance
sécuritaire, films confortables et thèmes récurrents: Cannes 2001
marque la fin d'une époque plus qu'un renouveau.
C'était
le premier festival du siècle. Mais c'est le goût d'une fin plutôt
que celui d'un début que ce 54e rendez-vous laisse au palais. Nos
papilles critiques, après le surmenage, sont certes blettes, alcoolisées,
bouffies. Mais tout de même: si on ne voit peut-être pas encore très
bien ce qui, dans le cinéma cannois, français, mondial, commence, on
sent nettement que quelque chose finit. Peut-être est-ce l'effet
conjugué de plusieurs cycles de maturation qui touchent conjointement à
leur terme.
A
l'échelle de Cannes, on a le sentiment que, pour la première fois
depuis bien longtemps, le festival s'est laissé dominer par le réel
extérieur. C'est notamment l'affaire Loft Story qui a
occupé à la fois le conscient des conversations, l'inconscient du
festivalier et les niches média du festival lui-même qui, croyant
lourder les «z'y va» naguère attirés par Canal + s'est
retrouvé avec ceux déplacés par M6 (les mêmes, bien sûr, venus cette
fois ovationner Aziz et David).
Chair
à image
A
Cannes, entre Français, on a sûrement autant parlé de Loft Story
que des films, et on en sait qui n'ont pas résisté, entre les
projections, à jeter un coup d'il sur M6 pour vérifier le
degré d'avancement de Loana. Or c'était inutile puisque
Cannes, c'est le festival du loft. Pas seulement pour les caméras de
surveillance qui fliquent le moindre recoin mais aussi pour le
grouillement de ces fameuses «petites caméras» qui, à leur manière
petite, surveillent qu'il ne se passe rien. Combien de fois, à notre
insu consentant, en fête ou en vrac, a-t-on servi de chair à image?
A
Cannes, la politique de l'angle mort est la seule politique. Le loft, il
est aussi dans les fêtes nocturnes où, comme dans un vieil Antonioni
(Blow Up), une fois qu'on s'est beaucoup battu pour entrer, on
réalise que dedans, sauf cas exceptionnel de grenade brésilienne dégoupillée,
c'est un ennui d'enfants abandonnés qui nous anime.
Le
loft, il est enfin dans la tête, ce grand espace mental où l'on croit
qu'on a rangé parce qu'on a déplacé des blocs de films d'un vide
à l'autre. Mais quand le loft surgit pour de bon dans un film (Millenium
Mambo de Hou Hsiao-hsien), c'est comme un coup de pied au
cul. La scène montre un palier filmé en noir et blanc par une caméra de
surveillance. Mais aussi un appartement en couleurs où vivent les deux
personnages principaux. Dans l'appartement (le loft), il n'y a rien de
vivant. Sur le palier, gît le corps censément évanoui d'une jeune
femme. Où est le réel? Où est le vide?
Mais
le réel cannois a surtout pris les couleurs des uniformes bleu police
(nationale, municipale, privée) et d'un ciel gris sécuritaire obsédé
et obsédant. Les consignes de la mairie (extinction des feux festifs et
des sonos à 2 h 30 du matin, désinfection antiporno), conjuguées à
l'industrialisation intense du business de la fête ont rendu les soirées
sur la plage aussi délirantes que les anniversaires mécaniques du McDo.
Quant au paysage de jour, il a souvent eu le glamour d'une foire
commerciale à Hanovre (...)
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