Millon
l'Africain
Par Marc Polisson
Les vux de l'ancien
ministre de la Défense avaient pour cadre un lieu chargé de sens mais
quasi inconnu des Lyonnais, le musée africain. Devant plusieurs centaines
de personnes, monsieur l'ambassadeur s'est bien gardé de livrer son road
book politique pour les années à venir. Devoir de réserve oblige...
Cours Gambetta, un dimanche en fin d'après midi. Une longue
bâtisse typique de l'architecture religieuse du début du siècle. Le siège
des Missions Africaines de Lyon abrite des pièces uniques dignes du musée
des arts premiers cher à Jacques Chirac. Son musée présente des
uvres d'art inestimables rassemblées au fil du temps par des
missionnaires exerçant en Afrique de l'Ouest. Actuellement dirigé par le
père Michel Bonemaison, il s'est également enrichi de collections
offertes par de généreux donateurs. L'objectif est d'offrir à l'Afrique
une vitrine pour une meilleure connaissance de ses richesses. Nombre de
personnalités présentes font connaissance avec le lieu qui sied
parfaitement à monsieur l'ambassadeur de France auprès de la FAO qu'est
Charles Millon. L'hiver dernier, nous avions fait le voyage de Rome
pour découvrir ses conditions d'exil (voir
reportage). Nous ne l'avions pas revu depuis. Rapide passage en
revue du personnage : le sourcil toujours aussi broussailleux, la flanelle
de pantalon toujours aussi grise, le blaser de cachemire bleu... Charly n'a
pas changé d'un iota.
La grand' messe des vux millonistes va commencer. Aux
côtés du gourou Charly, Denis et Amaury dans le rôle
d'enfants de cur se chargent d'ouvrir les hostilités. Costume gris
repassé avec amour par son épouse Françoise et discours
soigneusement tapé à la machine par son assistante Stéphanie-Anne Pinet,
le très bourgeois maire du second arrondissement officialise l'annonce que
tout le monde pressentait : les millonistes partiront sous leur propre
bannière aux municipales de mars 2008. Tout en prenant bien soin
d'arrondir les angles : « l'addition des forces de droite sera
nécessaire pour battre la gauche » précise-t-il sous le regard
approbateur des députés UMP Christian Philip et Etienne Blanc.
Et Denis Broliquier de lancer un appel aux candidatures mais se garde bien
de désigner la tête de liste. Qui ne sera pas dévoilée avant l'été. C'est
ensuite à Amaury Nardone de monter sur le cube qui sert d'estrade.
L'avocat bobo vêtu d'un costume chocolat D&G cintré assorti à ses
chaussures, petites lunettes et chemise à petits carreaux s'exprime sans
notes. Plaçant la future campagne sous le signe des trois i (intérêt
général, imagination, indépendance), il conclut à l'adresse des Lyonnais
« il y a peu d'endroit en France où vous avez autant de choix à
droite ! » avant d'offrir une standing ovation à Florent Thibaud,
attaché au groupe UPL, qui s'envole pour de nouvelles aventures
réunionnaises.
L'élu du 9ème s'offre ensuite le luxe de
féliciter Erick Roux de Bézieux (ci-dessus en compagnie du père
Bonemaison et de Joséphine) pour l'organisation de la soirée
(Amaury et Erick ont longtemps ciré les parquets ensemble au bon temps des
rallyes de la baronne du Marais, mais depuis qu'ils font dans
l'affichage électoral, ça chie souvent dans la colle... si je puis me
permettre !) Le dit Erick lui-même tout sourire avec Nicole Chevassus,
son maire. Est-ce l'effet Charly ? Toujours est-il qu'en présence du chef,
la famille milloniste se serre les coudes. Sans notes, l'ambassadeur se
place d'emblée hors du cadre lyonno-lyonnais et même franco-français,
fustigeant la politique à court terme menée en matière de logement, de
cantine scolaire... L'ancien président du Conseil régional se garde bien de
sortir du cadre que son devoir de réserve induit. Il sait qu'il est un
ambassadeur en sursis. Cela ne l'empêche pas de fustiger cet « état
providence qui conduit doucement à l'irresponsabilité ». « Je pense
que la France peut rebondir, peut réagir. Je suis préoccupé c'est vrai.
Quand on est à l'étranger, on s'aperçoit que tout doucement elle s'efface.
Je voudrai reprendre un exemple, le français, la francophonie, ceux qui
sont au parlement pourront en parler dix fois mieux que moi, mais la
francophonie recule tous les jours. On n'a pas fait comprendre aux
concitoyens que pour eux, pour leur pays, pour leurs enfants, que d'avoir
une langue qui est diffusée dans le monde entier, c'est un atout
exceptionnel mais ça demande un effort. C'est loin de Lyon et ce n'est pas
loin de Lyon. » poursuit-il, secrètement soulagé de voir que les
Lyonnais ont encore une fois répondu à son appel.
La machine est lancée, Charly s'envole en Afrique avant d'atterrir à Lyon,
justifiant le combat de ses lieutenants : « On nous interroge :
« pourquoi gardez-vous votre indépendance ? » Tout simplement parce qu'on
y croit. On croit à ce que l'on fait, on croit à nos projets, à nos
valeurs, on est prêt à les donner et à les partager, mais on n'est pas
prêt à disparaître. C'est parce qu'on croit tellement à nos régions, à nos
communes, qu'on continue à parcourir ce chemin politique.» Dans
l'assistance qui applaudit à tout rompre, on peut reconnaître bien
évidemment de nombreux élus et militants millonistes de Lyon mais aussi
Robert Batailly et son fils Christian (preuve que la
franc-maçonnerie lyonnaise a soldé ses comptes avec l'homme de 1998),
ainsi que le consul du Mali, Georges Penato (ci-dessus), mais aussi
Christian Gelpi, le conseiller général Jean Flacher... Preuve
que le sujet Millon suscite toujours la curiosité des médias, la presse
lyonnaise a dépêché reporters et photographes : trois journalistes pour
La Tribune de Lyon (l'ex hebdomadaire de Fernand a sorti
l'artillerie lourde), un pour Le
Point
et Prospectives Rhône-Alpes, deux pour Le Progrès, un pour
Le Figaro et votre serviteur. Est-il utile de préciser que ce sont
les quatre derniers qui ont pillé le buffet ?
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