Lyon III honore le Président Abdou
Diouf
Photos © Patrick Genet
Ce qui marque au premier abord, c'est
sa taille, immense, puis ses yeux,
d'un bleu étincelant. Son regard calme
balaie les bancs bondés du grand amphi
de Lyon III. Puis il y a ce sourire,
bienveillant, ouvert. Les
personnalités présentes se mettent
spontanément debout pour applaudir
Abdou Diouf, ancien président du
Sénégal et président de la
Francophonie, reçu docteur honoris
causa de l'Université lyonnaise.
"La
liberté se mesure à la puissance de
l'outil !" Cette exclamation de
Léopold Sedar Senghor, poète,
premier président du Sénégal et
co-fondateur de la Francophonie, fut
le fil rouge du discours introductif
du président de Lyon III, Guy
Lavorel. "La
Francophonie, ce n'est pas seulement
parler français. C'est la volonté
partagée d'être franc, loyal et
honnête, de défendre les valeurs de la
liberté. Sur fond d'équité, de
durabilité, de dignité et de respect
de l'homme, il convient désormais de
redonner toute sa force à l'espoir
d'un espace francophone dans la
mondialisation anglophone."
Une voix francophone que Lyon porte
depuis des années, notamment avec la
création de la première chaire Senghor
de la Francophonie en 2000 puis de
l'Institut pour l'étude de la
Francophonie et de la mondialisation,
dirigé par le recteur Michel
Guillou. Ce défenseur inlassable
de la francophonie a, lors de la
conférence de presse de lancement du
Mois de la Francophonie organisé par
le 6ème arrondissement de
Lyon, fustigé l'abandon de leur langue
par les élites françaises, notamment
politiques.
"Le français
est en danger. On est en train de
glisser vers la langue unique. En
Afrique, les dégâts sont déjà
considérables. Nous demandons le
multilinguisme. C'est un combat de
tous les jours avec des coups bas tous
les jours."
Un franc parler retrouvé dans son éloge à Abdou Diouf :
"Senghor,
visionnaire, il y a 50 ans déjà,
appelait les grandes aires
linguistiques, et particulièrement
l'aire francophone, à s'organiser en
tant qu'ensembles géopolitiques.
Aujourd'hui, alors que les intégrismes
et le choc des civilisations
s'installent, ces ensembles deviennent
des éléments incontournables de la
mondialisation multipolaire. C'est
pourquoi il faut relancer la
francophonie, la rassembler, lui
donner force pour qu'elle pèse sur
l'avenir du monde. Cette mobilisation
concerne tout autant les États et les
gouvernements que la société civile et
le mouvement associatif, les trois
moteurs de son développement. Se
battre pour la langue française
aujourd'hui, c'est lui donner sa
chance d'exister demain aux côtés des
langues des autres grandes aires
linguistiques mondiales. Beaucoup,
désorientés, sont prêts à tout
sacrifier à la mondialisation
marchande. Il faut développer le
sentiment d'appartenance, ce qui
suppose un effort de communication
doublé d'actions ciblées. Les pièges
sont nombreux, en particulier
l'idéologie tiers-mondiste, le
scepticisme de certains États, et de
la France en particulier par complexe
de grande puissance."
Pour
Abdou Diouf, militant de la première
heure de la francophonie, à qui sa
grand-mère demandait d'avoir des
bonnes notes en français à l'école de
son village de Lounga, au Sénégal,
"les élites françaises ont parfois
l'impression que c'est faire preuve
d'une grande culture que de parler
anglais. C'est du snobisme qui amène à
sacrifier sa propre langue. Il faut
défendre le français, votre langue,
mais aussi la nôtre, seule langue avec
l'anglais parlée sur les 5 continents
comme la langue d'une mondialisation
plus humaine, plus solidaire, plus
diverse. Le monde ne doit pas
succomber à la tentation de la langue
unique, qui conduit tout naturellement
à la pensée unique." Un discours
mobilisateur et décapant, en rupture
avec les idéologies dominantes,
fortement applaudi par les
personnalités présentes, ambassadeurs,
consuls mais aussi politiques
fortement engagés dans le combat
francophone comme Jean-Philippe
Bayon (Vert), vice-président de la
région Rhône-Alpes, Thierry
Cornillet (UDF), député européen
et président de l'Association des
région francophones ou encore Erick
Roux de Bézieux (milloniste),
maire adjoint du 6ème
arrondissement et créateur du Mois de
la Francophonie, "Mon voisin est
francophone". Comme quoi, le combat
francophone transcende les clivages
politiques... Un seul regret, l'absence
remarquée du maire de Lyon et
d'adjoints phares de son exécutif...
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