L'art de la
restauration à son zénith
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© Saby Maviel
Par Brigitte Guardi
Depuis plus de vingt ans, les duettistes Thierry Wagner et
Jean-Philippe Chavanis perpétuent l'art de la restauration à son
zénith. Sans trompette ni flonflons, dans l'ombre de leur modeste atelier,
ils rendent aux meubles l'éclat et la beauté originelle. Grandeur et
servitude de l'artisanat.
Un art d'autant plus sublime qu'il exige de ses auteurs humilité et
respect. Pas question ici de faire uvre de création. Il s'agit tout
simplement de retrouver l'esprit, de s'imprégner de l'âme de l'ébéniste
d'origine. Ces deux-là se sont bien trouvés, à l'école d'apprentissage de
l'Abbé Boisard. Ils se souviennent avec nostalgie du Père
Jacquot : « le meilleur toupilleur qui soit, capable de tourner des
corniches ou des volutes à la volée ». Ce génie avait réalisé la rampe
de l'escalier de l'Hôtel-Dieu et réussi à garder tous ses doigts. La
« toupie au champignon » est aujourd'hui interdite par la législation du
travail car trop dangereuse. L'artisan peut toujours prendre le risque
lui-même mais sûrement pas son apprenti.
Thierry et Jean-Philippe se sont installés en 1981 dans une petite rue de
la Guillotière et ont repris un très ancien atelier de restauration de meubles,
Jallade. Ils se sont vite spécialisés dans la réfection de sièges et la
marqueterie dont ils ont appris les techniques chez Gérard Poulet où ils
ont fait leurs premières armes entre l'école et l'installation. Une
technique ancienne, longue donc onéreuse : comme pour une fresque, on
dépose la marqueterie après avoir décapé le vernis, collé du tulle et
déplaqué. On peut alors s'occuper du support, le démonter, le ré-assembler
sur une surface plane et saine. Mais à l'atelier on utilise aussi le
placage sous vide, une technique datant des années trente, aspirant l'air
et permettant de replaquer au plus juste la partie abimée installée dans
une poche en plastique.
La plupart du temps, les artisans travaillent pour le particulier :
meubles de famille qu'il faut remettre en état parfois estampillés, ils
ont exercé leurs talents sur des sièges de Nogaret, de
Carpantier, de Reizell, restauré un bureau de Hache,
cette dynastie grenobloise qui, au XVIIIe siècle, sur trois générations, a
signé (par une étiquette à l'intérieur du meuble) les plus beaux de nos
meubles régionaux. Ils ont aussi travaillé pour le musée du Louvre et le
musée des Arts Décoratifs de Lyon. Pas souvent car les musées possèdent
leur propre atelier. Et restaurent régulièrement les meubles d'un grand
marchand parisien qui expose à
la Biennale de Paris : pour cette manifestation exceptionnelle, les meubles
doivent être non vus d'où l'intérêt de les faire restaurer en province où,
de surcroît, les prix sont tellement plus abordables qu'à Paris.
Contents de leur sort, nos artisans pêchent, cependant, par pessimisme. « Malgré
les beaux discours sur la revalorisation du travail manuel, nous
constatons que la formation de
la SEPR où nous enseignions n'existe plus, que le métier souffre d'un manque
d'information sur les types de contrat, que la seule façon d'apprendre ce
métier, l'apprentissage, nous prend énormément de temps et que nous
n'avons pas les moyens de payer le jeune en alternance... Il faut faire
beaucoup plus de 35 heures par semaine pour gagner au mieux 1 500 euros
par mois. L'avenir est sombre».
Atelier Wagner et Chavanis,
16 rue du Docteur Auguste Lacroix 69003 Lyon
Tél :
04.78.60.86.72
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