Le
croque-mort des riches : enterré !
Une
vitrine chic mais discrète, à deux pas de l'église
Saint Pothin... barrée d'un panneau adhésif
« Local à céder ». Au 129, rue
Vendôme, l'agence Henri de Borniol a
les deux pieds dans la tombe ! Quand vous
composez le numéro de téléphone, vous tombez
sur un particulier. Pas vraiment heureux d'être
pris pour un croque-mort ! Chronique
d'une mort annoncée.
Colombey,
12 juillet 1970, une auto-mitrailleuse portant le
cercueil du général de Gaulle recouvert
du drapeau tricolore, sort du parc de la
Boisserie. Elle se dirige vers l'église. À
Paris, pendant ce temps, PFG (première
entreprise privée de service funéraire en
France) organise
la cérémonie dans la cathédrale Notre Dame.
Au fil de ses cent-cinquante ans d'existence, PFG
s'est chargée de cérémonies
historiques, notamment par le biais de sa
prestigieuse filiale Henri de Borniol.
Chefs
d'État, présidents du Conseil, ministres,
maréchaux de France, leaders politiques de tout
bord, mais aussi personnalités du monde
religieux ou artistique. Elle a ainsi organisé
les grandioses funérailles de Marcel Dassault
(ci-dessus).
Fort
de son implantation parisienne (4 agences + 1 à
Neuilly et 1 à Versailles), le croque-mort de
la jet set décide de tenter l'aventure
lyonnaise. Une étude de marché donne les plus
grands espoirs : Lyon compte, en effet, une
population nombreuse de millionnaires âgés.
Rien n'est laissé au hasard, en particulier
l'emplacement : Saint Pothin. Cette église
du 6ème est en effet connue pour
l'âge avancé et le patrimoine confortable de
ses paroissiens. On ne peut donc que louer la délicate
attention de la maison Borniol de
s'approcher, ainsi, au plus prêt de la
source.
Mais
les réalités locales sont subtiles, n'en déplaisent
aux rois du marketing, spécialistes des études
de marché (surtout quand elles sont diligentées
depuis Paris...). Après deux années mortelles,
les dirigeants enterrent définitivement
l'affaire ! Interrogé par Lyonpeople,
le directeur général d'Henri de Borniol,
visiblement embarrassé, reconnaît à
posteriori « que le marché
lyonnais n'était pas adapté à la marque ».
Comment cette affaire, apparemment bien engagée,
s'est-elle transformée en coupe-gorge ?
La
réponse nous est livrée par le gérant d'une
impor-tante entreprise régionale de pompes funèbres
qui préfère garder l'anonymat. « Dans
les pompes funèbres, on ne fait jamais des
affaires dans un quartier chic ! »
résume-t-il en riant, avant d'ajouter l'il
coquin : « Une réalité qui se vérifie
particulièrement dans le 6ème. Quand
vous rencontrez les familles pour préparer la cérémonie,
elles insistent toutes sur le fait que le défunt
aimait les choses simples ! ».
C'est
bien connu : les Lyonnais préfèrent
investir dans la pierre plutôt que dans une
pierre... tombale ! Une dure réalité que
n'ont toujours pas digéré les croque-morts
parisiens !
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