Le choix
d'Anne-Sophie
Ó
Photo Fabrice Schiff
Par Brigitte
Guardi
Avec un grand-père archéologue, une famille d'architectes, de décorateurs,
de stylistes et de peintres, il n'est pas surprenant qu'Anne-Sophie
Cordier manifeste un goût certain pour la création . Après de nombreuses
expériences dans de multiples directions, elle veut donner du sens aux
sens et met au point une collection de meubles et d'objets design,
« humaniste et démocratique ».
« Oui,
je milite pour un design engagé » explique-elle vigoureusement, « je
veux prendre les parts de marché des meubles vendus en kit et sortir de
petits prix. De plus, mes meubles doivent raconter une histoire, être
chaleureux, colorés et surtout répondre à des critères de bien-être, de
satisfaction qui devraient permettre à leurs possesseurs de compenser les
chocs et frustrations de l'époque actuelle ». Elle est intarissable et
insiste beaucoup sur l'humour et la dérision qui président à ses choix et
sur l'émotion « tripale » façon « madeleine de Proust » provoquant une
adhésion immédiate du consommateur.
Dans cet ancien rendez-vous de chasse du XVIème au pays des Pierres Dorées
où, depuis onze ans, elle entreprend des travaux titanesques, quatre
enfants, chiens, chats, ânes, oiseaux, instruments de musique (elle joue
de la harpe entre autres), pianos en tous genres (musique et cuisine)
voisinent dans un aimable désordre. Car, outre les collections de meubles
colorés qu'elle met au point dans sa cuisine, elle a rapatrié une bonne
partie des meubles de métier qu'elle proposait dans sa brocante des pentes
de la Croix-Rousse, Buffet Rouge, fermée aujourd'hui. Cette hyper active a
des vies successives. Après un passage à l'Ecole des Arts Appliqués de
Lyon, à l'UER Lyon III en droit, à l'ESCOM, elle travaille dans la
publicité puis, en 1991, crée une agence conseil en analyses bases de
données marketing et monte un projet d'agences matrimoniales et un autre
de téléachat. En 1994, c'est l'ouverture de Buffet Rouge, une brocante
avec atelier d'ébénisterie et de restauration. Parallèlement, elle démarre
la création d'objets contemporains. Et, mitonne actuellement en plus de sa
gamme de mobilier enfants, un projet de cuisine désintégrée.
Anne-Sophie a participé à la dernière biennale « off » de Saint-Etienne,
espère être sélectionnée pour la prochaine en novembre. Elle a exposé avec
succès à l'automne 2OO3 à Annonay et cherche maintenant à intéresser les
industriels à son projet. « Je ne veux pas faire des objets d'art mais
des meubles fabriqués en série accessibles à toutes les bourses. Etre une
femme est un atout car je ne perd jamais des yeux l'aspect pratique : tous
mes sièges sont déhoussables (lavage machine) ».
Cette épicurienne bohème et anti-conformiste veut réunir l'utile, le
fonctionnel au confort, à la douceur, à l'imaginaire. Le sens de la
rébellion, l'esprit de contradiction, cette envie de bousculer l'ordre
établi... le bord de la chaise Stoul pivote pour se retrouver dessus d'un
côté et dessous de l'autre cohabitent avec le charme, la poésie. Une
ambition affirmée de provoquer des réactions, de favoriser la réflexion.
Un regard vraiment neuf.
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