Requiem pour les santons du 6ème !
De notre correspondant François Pill
A la veille de Noël, Yvette Vernay, concierge de son état, seule dans
sa loge du 6ème arrondissement, est fort marrie. Cet hiver, elle ne
pourra pas assouvir sa passion : la réalisation de sa crèche annuelle. Rencontre
avec un personnage qui passera un mauvais Noël ! Grâce à qui ?
Comment peut-on attraper le virus de la création de crèche lorsqu'on est une
Lyonnaise pure souche depuis 56 ans ? Cette passion est née d'une
frustration d'enfance due à l'éternelle guerre des sexes. En effet,
lorsque ses petits camardes du sexe fort s'amusaient
avec des soldats de plomb, elle tentait de les imiter en mettant en avant
ses santons provençaux offerts par sa belle-mère. Elle les accumule au fil des
années en se rendant au marché des santons à Marseille ou bien encore chez des
petits commerçants lyonnais, aujourd'hui disparus. Sa collection prit de
l'ampleur pour dépasser rapidement le chiffre incroyable de 430 santons (ce qui
correspond à une hauteur d'1 mètre 80 pour 9 mètres de profondeur). Elle s'est
d'ailleurs débarrassée de toute la vaisselle et des vêtements qui encombraient
ses armoires pour n'y ranger que ses santons.
Chaque Noël, elle la déclinait selon différents thèmes dont le plus « people »
est sans nul doute le mariage inspirée de Lady Di (elle voue un véritable culte
à la princesse de Galles) et du prince Charles, avec fermes, marchés et châteaux
(dans le style versaillais, s'il vous plaît) avec leurs jardins à la française
(que n'aurait pas renié Lenôtre et dont elle taillait elle-même les buis...) Les
médias commencèrent à s'intéresser à elle, ce fût tout d'abord la reconnaissance
locale avec le Progrès grâce à une relation de l'un de ses locataires
puis de fil en aiguille, « la gloire ultime » : un reportage dans le
journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernaud, le jour de Noël 1998.
Est-il utile de préciser que l'installation de ce petit monde miniature dans des
conditions acceptables requiert plus de place que sa propre loge ne peut lui en
offrir. Depuis 1998, un local commercial lui était donc prêté pour qu'elle
puisse partager sa passion avec le plus grand nombre (plusieurs centaines de
visiteurs l'an dernier). Mais le propriétaire a affecté sa boutique à d'autres
occupations et les santons d'Yvette se retrouvent sans toit. Contraints de
dormir à la belle étoile, comme les bergers de l'Evangile ! En effet, notre dame
patronnesse n'a pas trouvé « d'auberge » pour ses petits protégés. Dominique
Nachury, l'ancienne maire du 6ème, était bien venue visiter sa
crèche à plusieurs reprises. Mais selon Yvette, la nouvelle municipalité « préfère
boire des coups plutôt que de s'intéresser à ce type d'événements ».
Contactée par Lyonpeople.com, Elodie Humeau, maire adjointe du
6ème arrondissement nous assure que "la mairie du 6ème ne pouvait accueillir
cette exposition cette année car Mme Vernay avait refusé l'opération. En
revanche, l'année prochaine, celle-ci devrait pouvoir être installée dans
l'atrium de la mairie du 6ème. Si Mme Vernay nous confirme son accord." Dont
acte. Quant aux institutions, elles ne sont prêtes à l'aider qu'une fois le
travail terminé en lui réalisant de petites actions de communication
(réalisation d'affiches, partenariat avec l'office du tourisme). Elle aimerait
prendre possession du « lieu autour du 20 octobre afin de pouvoir disposer
mes
personnages tranquillement, avant que les spectateurs potentiels ne se soient
saisis par la fièvre acheteuse de Noël et des soldes ».
Mais Yvette est une concierge moderne qui relaie son combat grâce à son site internet (http://membres.lycos.fr/noel50/)
et accumule des admirateurs dans le monde entier : une récente missive
émanant d'un ressortissant africain lui proposait de l'accueillir avec ses santons (ç'est aussi
simple que ça un coup de foudre virtuels). Si
Yvette ne trouve pas de local pour l'année prochaine, nous risquons donc de perdre
une figure locale qui préférera s'expatrier vers des cieux plus favorables
!
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