Muriel Tissier : « Je suis greffée et alors ! »
Elle a 43 ans et pétille de joie de vivre. En 1987, cette hôtesse de l'air qui
dévorait les miles et la vie à la vitesse du son a été victime d'une hépatite
fulminante. Une fois rétablie, elle a créée l'association Résurgence Transépathe
Rhône-Alpes pour venir en aide au greffés. Elle vit toujours la foi au cur.
Rencontre sur les greens du Gouverneur.
Quel est l'objet de
votre association ?
Créée en 1995 par des malades greffés du foie, Résurgence Transépathe
Rhône-Alpes est une association reconnue d'utilité publique. Son objectif est de
permettre d'assurer la défense des intérêts collectifs des patients atteints
d'une insuffisance hépatique grave, et de porter aide sur le plan social,
juridique et administratif à tous ses adhérents. Mais sa mission primordiale
consiste à visiter les malades en attente de transplantation et les malades
greffés du foie dans les quatre centres de transplantation dans la région.
Vous êtes
particulièrement concernée ?
J'ai été greffée du foie à
la Croix Rousse en 1987. Je suis donc la doyenne des greffés du foie de
l'hôpital de la Croix Rousse.
Comment cela s'est-il
passé ?
En 1987, j'étais hôtesse
de l'air, en pleine forme et j'ai été victime d'une hépatite fulminante. Tombée
dans le coma, mon foie s'est immédiatement dégradé. J'ai été greffée pendant ce
coma sans le savoir. Je me suis réveillée avec le foie d'un autre. Je ne savais
même pas que ça existait.
Comment avez-vous vécu
ça ?
C'était une révolution à
l'époque. Les équipes médicales hésitaient à repartir dans la transplantation
suite aux nombreux échecs des premières greffes. La greffe est une expérience
extraordinaire. Quelque chose d'imprévu dans sa vie. Il faut savoir accepter ce
cadeau très fort.
Comment le vivez-vous
au quotidien ?
Il m'a fallu quelque temps
pour réaliser la chance que j'avais d'être transplantée. Sans greffe, j'étais
condamnée à quelques jours de survie. Ma vie a changé du jour au lendemain. La
dolce vita, c'était fini. Il a fallu digérer, mais j'étais vivante. Je suis
repartie sur une vie complètement différente. Mais ce n'est pas facile tous les
jours.
Lyon est-elle bien
outillée pour ce type d'opération ?
La région Rhône-Alpes est
pionnière en matière de transplantation de cur et de foie. C'est une véritable
aventure humaine. Faire repartir le cur d'un humain à partir d'un autre, ça n'a
rien d'anodin.
Quels sont les
problèmes que rencontrent les greffés à Lyon ?
Les problèmes sont
multiples. Que ce soit à l'hôpital Edouard Herriot, attentes dans les couloirs,
partage de lit avec plusieurs patients pendant la journée, se trouver en
consultation de jour dans un service d'opérés... avec le risque immédiat
d'éventuelle infection nosocomiale ; à l'Hôtel Dieu, un service vétuste et un
suivi plus qu'aléatoire. Des convocations épisodiques, des interlocuteurs peu
fiables (en fait des internes qui ne restent guère plus de trois mois), voir un
médecin relève du coup de chance. Un suivi qui n'est pas pris dans sa
globalité ; à la Croix Rousse, un service et un médecin débordé par les demandes
et un poste à mi-temps pour le Docteur Radenne. En bref, mieux vaut bien
se porter en ce moment car tous les services sont dépassés dans tous les sens du
terme.
Quels sont vos
souhaits ?
Nous aimerions dans
l'avenir un centre commun de suivi du transplanté avec des médecins et des
moyens dignes d'une médecine de qualité. Nous sommes conscients de l'importance
de ces problèmes (nos amis de Grenoble ont de la chance de ne pas connaître
cela, heureux greffés...), cela pose également le problème de ce que sera notre
suivi dans 5 ans si rien n'est fait tant au niveau personnel que matériel.
Aujourd'hui, vous vous
consacrez aux transplantés ?
J'ai souffert d'être la première. J'ai envie de rassurer, d'expliquer « Comment
on vit quand on est greffé ? Est ce qu'on peut travailler ? » Leur apporter
soutien et solidarité à un moment difficile et critique de leur vie, ainsi qu'à
leurs proches, est l'action de générosité essentielle et le lien d'union et de
fraternité entre tous les malades. Tous les adhérents sont mobilisés pour
sensibiliser l'opinion aux dons d'organes.
En parallèle, vous
diffusez la bonne parole du don d'organe ?
L'important c'est le
message. Il faut que chacun d'entre nous prenne position de son vivant et fasse
connaître sa décision à son entourage car demander le prélèvement d'un organe
dans un moment très douloureux est un exercice difficile. C'est un frein à la
transplantation (33% de refus en France)
Combien de personnes
sont-elles en attente d'une greffe ?
10 000 patients sont en
attente. Il faut bien comprendre que la greffe ne concerne que 1200 morts
cérébrales en France sur lesquelles on peut effectuer les prélèvements. En 2004,
il y a eu 120 greffes de foie sur la région Rhône-Alpes.
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