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29 septembre 2003

SPECIAL BIENNALE

Thierry Raspail : « Nous assistons à une réalité de la surproduction ! »
 


Propos recueillis par Alain Vollerin
 

Alain Vollerin –  Chaque Biennale fut-elle pour toi une possibilité de questionner les acteurs et le public de l'art contemporain ?

Thierry Raspail - Oui. L'œuvre étant une question posée à l'art, à la poésie, à la société, au public, au politique, nous essayons modestement de faire des synthèses. 

 

J'aimerais que tu nous rappelles quelles furent les sujets des précédentes Biennales ? D'abord, l'Amour de l'Art...

En 1991, lorsque la première Biennale démarre, Nous étions dans ce que j'appelle « la fin de la rareté ». La France structurait notre univers en centres d'arts contemporains, en musées d'art contemporain, en FRAC, etc. L'Europe engageait le même processus. La France depuis vingt ans importait, mais n'exportait pas. Je suis parti de cette réalité, en me disant :  il y a vingt ans, il y eut cette exposition au Centre Pompidou qui avait fait scandale ...

 

Oui. 1969-1972 : douze ans d'art contemporain en France, une exposition organisée par François Mathey, à Beaubourg, représentative de la politique protectionniste du président Pompidou ...

Vingt ans après, qu'est-ce qu'on fait ? Une Biennale en France. C'était un pari, un risque. 

 

En 1993, « Et, tous ils changent le monde » apportait une note d'espérance, tout redevenait possible...

En 1993, nous étions au cœur d'une réflexion sur le post-modernisme, sur l'idée que l'art avait tout dit, etc. Mon idée, pour tenter d'apporter une réponse, sera de repartir des avant-gardes. Voici pourquoi la Biennale commençait avec l'aventure du Monochrome, celle du Ready-Made, de Schwitters et des relations entre l'art et la vie.

 

En 1995,  la Biennale évoluait autour de l'image mobile et de l'interactivité ?

C'était l'éclatement d'Internet. Les premières œuvres de Nam June Paik,  les images mobiles sur télévisions, remontaient à 1963. On était dans les premières œuvres interactives. Dans un moment, où le cinéma d'une part, les acteurs des nouvelles technologies de l'autre et les artistes enfin se retrouvaient autour des images mobiles, etc. Nous étions dans une phase que nous structurions à partir d'un point de départ choisi : 1963, Vostell, Nam June Paik, etc...

 

En 1997, ce fut « l'Autre », dans le contexte de la Mondialisation... ?

Comme nous étions sur des intitulés, je souhaitais qu'Harald traita  un sujet dans l'air du temps. Harald Szeemann m'avait fait une réponse d'autant plus favorable qu'il s'appuyait sur une expérience personnelle. Il est germanophone, et, chez lui, dans la grammaire, c'est le neutre qui prévaut. Il tenait à ajouter aux questionnements, un chapitre linguistique où seraient abordés le masculin, le féminin et le neutre. C'est quoi, l'Autre, quand  on est dans le neutre ?



Trisha Donnely " Rio, 1999" © Casey Kaplan, New-York

 

En 2000 , ce fut la Biennale de Jean-Hubert Martin : « Partage d'exotisme ? »

Là, on était en plein dans les phénomènes de localisations, de globalisations.

 

Avec à l'entrée, la stupéfiante pièce de Jan Favre « le Globe » recouvert d'élytres de scarabées......

J'avais rencontré Jean-Hubert Martin en lui disant : « Il y a eu les Magiciens de la Terre, ce fut une exposition qui fit scandale. On t'avait accusé d'impérialisme. Aujourd'hui, de par le monde  apparaissent des artistes d'Afrique du Sud, d'Australie, d'Asie du Sud-Est, d'Afrique, etc.

 

C'était extraordinaire. Ce fut pour le public un véritable voyage au cœur de l'art contemporain dans le monde.

En 2001, j'avais pris le parti de travailler sur une réalité plus artistique. Ce fut peut-être l'époque, où, dans la Biennale, nous avons le moins réfléchi à la question de l'Histoire. Nous sommes partis d'une réalité. C'est à dire que la question de la singularité, la situation de l'immortalité de l'œuvre d'art était dépassée.

 

Cette Biennale reposait sur les « Connivences »...

Oui ! L'idée qu' il y avait des ponts, des nouvelles articulations, et qu'on pouvait se défaire de la question de la spécificité.

 

En 2003, avec « C'est arrivé demain », peut-on , ou doit-on, changer de cap ?

« C'est arrivé demain » est le titre d'un film de René Clair, tourné  en 1942. Il faut montrer que nous ne sommes pas des êtres passifs, et que nous pouvons agir sur notre monde.

 

Je vais jouer les provocateurs. Mais le public peut avoir l'impression, notamment, lorsqu'il visite les expositions du Palais de Tokyo que les artistes deviennent des supers reporters.

Aujourd'hui, l'information est très rapide. Les modes de production sont aussi plus courts. Les biennales contribuent à ce climat. Il y a deux biennales par mois dans le monde. La dernière est recouverte par la suivante. C'est un peu le sentiment que nous partageons tous. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe plus de bons artistes. Simplement, nous assistons à une réalité de la surproduction. C'est cela, la question de la Biennale 2003. Notre interrogation porte sur la possibilité d'observer, d'analyser . Est-ce que, dans ce qui est arrivé, nous avons bien tout vu ?

 

Certainement pas.

Il s'agit donc d'un moyen de revenir sur les événements de ces dernières années  Pour cette raison, nous présentons un nombre limité d'artistes, de générations différentes. Nous cherchons une articulation nouvelle des œuvres. Cette biennale prétend faire une exposition, avant d'être une mesure d'exhibition  Quelle place pour l'histoire ?  Pour l'actualité ? Quels sont les artistes qui résistent ?

 

Je voudrais que tu nous présentes les commissaires.

L'idée en 2003, était d'arrêter cette frénésie. Il fallait une équipe capable de questionner ce contexte, sans s'opposer. Je suis allé voir un certain nombre de gens en Europe, en France, etc. Je ne voulais pas construire une équipe abstraite  Parmi les personnalités rencontrées figuraient les animateurs du Consortium que je connais depuis une trentaine d'années. Situés à Dijon, ils tentent d'exister, entre l'Institution et le Privé.  

 

Vont-ils apporter une certaine rigueur ?

Pendant vingt ans, ils ont réfléchi à la question de l'exposition. Qu'est-ce qu'on montre ? Quand on montre, qu'est-ce qu'on voit ? Comment s'articulent les œuvres ?  Comment appréhende t-on la collection et l'exposition ? Si un artiste expose dans un lieu autre qu'un musée que se passe-t-il ? Qu'advient-il, si on expose des choses qui ne sont pas visibles ? 

 

Est-ce que ce regard critique n'est pas trop sévère ? N'êtes-vous pas en train d'opposer deux conceptions de l'art contemporain ?

Ce que je peux répondre, c'est que cette équipe de cinq personnes est composée d'un historien d'art, Xavier Douroux qui enseigne l'histoire de l'art, d'un second historien d'art, Robert Nickas, qui a une vision new yorkaise. Il y a Franck Gautherot qui vient du graphisme, du livre. Eric Troncy, une sorte de poète des formes. Anne Pontégnie est proche de cette attitude, avec la rigueur de la jeunesse.



Yakoi Kusama " Dots obession Room, 2002" © Yakoi Kusama

 

Les autres années, les artistes étaient nombreux, répondant au foisonnement de l'actualité. Cette année, leur nombre est restreint, et ils sont associés à d'autres, comme Boltanski .

Nous nous sommes reposés ces questions un peu oubliées : Quand on expose un artiste, que montre t-on ? Quelle œuvre présente t-on ? A côté de quelle autre oeuvre ?  Comment associe t-on les choses ? Même si le public ne connaît pas l'origine de cette œuvre, comment créer du sens ?

 

Combien sont-ils ?

Une cinquantaine. 

 

Parmi eux, Boltanski ?

Boltanski, qui n'est pas un artiste inconnu ou jeune. Un des premiers noms prononcés fut celui de Robert Grosvenor, artiste américain, qui fit une belle carrière dans les années 60 aux Etats-Unis, à un moment, où le Minimal art et le Land art questionnaient le monde.

 

Il n'obtint pas la réputation de Donald Judd.

Par exemple. Beaucoup des artistes de ces générations-là, dans cette biennale sont comme Grosvenor. Ce sont des gens qui côtoyèrent des grands mouvements de l'Histoire de l'art sans se fondre complètement.

 

Comment répartir tous ces événements pendant les quatre mois de la Biennale ?

Il fallait trouver un rapport d'espaces, une harmonie. A la Sucrière, au premier étage, peu d'artistes occupent le volume. On voit la structure, mais plus on avance dans cet itinéraire qui est plutôt une promenade constituée de méandres, plus on voit d'intervenants, et plus on oublie l'architecture. Au Musée d'Art Contemporain, c'est l'inverse, les trois plateaux seront dégagés.  On appréhendera l'espace dans son entier, comme un paysage.  

 

On constate la présence de très jeunes artistes...

En face d'œuvres importantes comme celle de Franz West, de  Robert Grosvenor, il fallait des jeunes avec des œuvres résistantes. Nous n'avons pas retenu les gens qu'on voit partout, mais plutôt ceux qui font des œuvres à la fois différentes et porteuses d'un  enjeu, comme Jorge Pardo.  

 

Ou des débutantes comme Trisha Donnelly...

Trisha Donnelly est une très jeune artiste qu'on commence à voir, qui a fait de la vidéo. Mais pas de la vidéo prétentieuse, avec dix huit milles écrans, etc. Pour elle, une image, peut devenir une rumeur. Elle part du principe que cette rumeur finira par envahir la ville. 

 

Nous avons évoqué quelques jeunes, mais il y a aussi de vraies valeurs, comme Pierre Huyghe, Philippe Parreno, Dominique Gonzalez-Foester etc...

Nous avions montré Pierre Huyghe, personne ne s'en souvient, à la Biennale de 1995. 

 

Revenons sur le programme de la Sucrière...

Il y a Dan Coombs et Mark Handforth, des sculpteurs qui utilisent beaucoup le néon, des éclairages clignotants...Voici un de ces liens réels, comme nous avons souhaité en établir, ici, avec Bridget Riley. Artiste proche de la génération de Vasarely, elle a connu un grand succès dans les années soixante, au moment où Mary Quant inventait la mini jupe, en pleine époque du Op-Art et en présence de la musique des Who.   

 

Evoquons un artiste défendu par Thierry Bouglé, l'animateur du Creux de l'Enfer, à Thiers, dont on a vu l'œuvre au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Claude Lévêque l'auteur de « Herr Monde » Tu ne l'avais jamais présenté à Lyon ?

Non ! Je le regrette. Il s'agit d'une création, d'une installation...

 

Comment envisages-tu la situation du public dans cette Biennale ?

Ce n'est pas en lui donnant des œuvres digérées que le public sera heureux. C'est peut-être, au contraire, en présentant un moins grand nombre d'œuvres, mieux associées, en leur donnant une épaisseur, c'est-à-dire, presque une complexité.

 

Pour finir, évoquons cette initiative intitulée Résonance...

Je ne demande pas à « Résonance » d'illustrer le contenu de la Biennale. Il existe à Lyon, une scène, des lieux, des énergies, des galeries, des artistes, des expositions, comme celles du Sanzisme dans le grand Dôme de l'Hôtel Dieu, ou du Musée des Moulages, de la Galerie des Terreaux « Rendez-Vous » conçue par l'Ecole des Beaux-Arts et l'Institut d'Art Contemporain,,et encore, le projet de Michel Coté, qui créent autour de la Biennale un univers particulier, avec des gens qui signent leurs expositions. Pour 2005, il faudra développer « Résonance », et cela, j'y tiens considérablement.

 

Thierry Raspail est le directeur artistique de la VIIème biennale d'art contemporain.
 


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