Bernard
Mariller, un gourmet très discret
De
notre correspondant Mehdi
Le
chef du restaurant Le Gourmet de Sèze,
vient de décrocher après 11 années
d'attente sa première étoile décernée
par le Guide Rouge. Une décennie pour
montrer à ses pairs qu'il pouvait réussir
et exprimer ainsi toute sa reconnaissance aux
grands noms de la cuisine française qui ont
soutenu ce héros très discret. Portrait.
Il
y a des personnalités qui transfigurent de
part leur notoriété, et d'autres qui
expriment une discrétion adorable. Bernard
Mariller, 40 ans, marié et deux enfants, fait
partie de cette deuxième catégorie de héros
très caché et cela non dans le but de sauver
des vies, mais d'exprimer son amour du mets.
Si à 6 ans, il avait déjà « un
doigt dans la crème »,
la passion de la cuisine pour « le
travail sur la matière »
le mènera dans les plus grandes maisons de
France. Le
parcours du jeune apprenti est classique mais
classieux : fils d'une famille
d'agriculteurs à Charolles, Bernard enfant
baigne dans une ambiance d'attachement au
terroir. La
profession de foi commence alors par deux années
d'apprentissage dans une école près de
Roanne puis retour à Lyon.
Le
jeune Mariller fait ses premières armes chez Philippe
Chavent (ci-contre) au tout début lorsque
le prestigieux restaurant de Saint Jean n'était
pas encore dans l'hôtel du même nom.
Cocasse est alors de constater le phénomène
de vases communicants entre les deux maisons
(La Tour Rose
perdant son étoile au profit du Gourmet
de Sèze...), 22
ans plus tard.
Bernard Mariller restera deux
années rue du buf, avant d'intégrer l'équipe
de Christian Lameloise (3 étoiles) en
1982. En 1984, direction Roanne chez Pierre
Troisgros (3 étoiles), Plus rien n'arrête
le talentueux premier : en 1985, Joël
Robuchon et les étoiles de Paris
l'accueillent pour 3 années.
Si
les grandes maisons lui ont appris la rigueur,
la recherche de la perfection, le dépassement
de soi et le travail en « brigade »,
c'est Joël Robuchon qui éveillera la
nature du futur étoilé : l'amour du
produit par le respect de celui-ci dans les
cuissons... Bernard Marillier apprend du maître « le
goût religieux du produit ».
En 1987, Bernard prend une place de Chef à l'Auberge
du Templier, Relais Château à Bezard dans le Loiret où il demeurera jusqu'en
1991, année du rachat du Gourmet de Sèze
avec son épouse Valérie.
L'aventure
est commencée. Le couple investit toute son
énergie dans leur petite entreprise pendant 4
années. Naîtront Clément puis Pauline.
Les heureux parents décident alors
d'organiser leur petite famille : Valérie
à la maison et Bernard au Gourmet.
Tout étant une question d'équilibre pour
le chef : « Il m'était
primordial surtout dans mon travail de savoir
ma famille en sécurité ».
Valérie travaille alors comme conseillère
d'entreprise en gardant un oeil attentif sur
le travail de son mari.
Paul
Bocuse
installe ses brasseries courant 1998 : « Cela
nous a fait beaucoup de mal, commercialement
parlant ». Commence l'attente. Pour le couple c'est
l'entreprise d'une vie. Au travail il faut
être le meilleur, à la maison il faudra être
deux fois cela. « Surtout que ma
femme n'est pas très bonne cuisinière »,
nous dit-il en riant. Découragés
et ne voyant pas de reconnaissance arriver,
ils décident courant 2001 de tout arrêter : « Si
je n'étais pas capable de prouver à mes maîtres
que je pouvais y arriver, il valait mieux arrêter ».
Alors que le Chef réfléchit à de nouveaux
projets, le téléphone sonne un après-midi
de février 2002. Au bout du fil, un de ses
amis journalistes. Après quelques minutes de
discussion, Bernard - dans le feu du service
- raccroche sans comprendre les allusions de
son interlocuteur à propos d'un certain
guide rouge. Le journaliste rappelle et se
fait plus explicite...
Zen,
Bernard fait trois tours de salle. Il est
livide. Il rentre chez lui complètement sonné
puis appelle sa femme, lui annonce : elle
est prise de fous rires pendant dix longues
minutes. Bernard Mariller comprend à peine ce
qui arrive : en l'espace de quelques
secondes, il vient de rajeunir de 11 ans.
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