Par Ludovic Vilain
Cette pensée de Nietzche ne s'est peut-être jamais aussi bien appliquée quand on
sait que médiatiquement parlant, Jean-Marc Morandini a été exécuté à la fin des
années 90. A l'époque présentateur de « Tout est possible » sur TF1, il surfe
sur les courbes d'audience et retombe, laminé par une presse et un microcosme
parisien qui lui reproche de faire de la télé-poubelle un fond de commerce.
Quand on voit les émissions d'aujourd'hui on se dit que « Tout est possible »
était sans aucun doute aussi trash que « Le Club Dorothée ».
Morandini est condamné sans autre forme de procès. A
l'époque il pense à fuir pour mieux se reconstruire. Billet d'avion en poche,
JMM se voit déjà à Miami Beach à la tête d'un restaurant français. Au moins
là-bas, personne ne le connaît et il est sûr de ne pas avoir à affronter de
mauvaise blague à base de « Ne zappez pas ! » Mais finalement Jean-Marc
renonce à l'exil et préfère rester à Paris pour tenter de renaître à la radio:
Nostalgie, Chérie FM, Voltage puis RMC, il enchaîne les postes, remonte dans
l'estime du public et des professionnels et devient en quelques années le
nouveau phénomène de la bande FM. Sur Europe 1 aujourd'hui, son émission qui
traite des coulisses de la télé a connu une progression d'audience de 40%. « C'est
monstrueux ! » Selon ses propres termes. Etonnante aussi la volonté du jeune
homme lorsqu'à 20 ans il décroche la présentation du journal de France 3 à
Toulouse pour ensuite inonder les chaînes de télé de C.V et atterrir à feu La 5
de Silvio Berlusconi. Au fait, quelqu'un a des nouvelles de
Jean-Claude Bourret ?
« J'ai toujours été passionné par la télé. La vocation
m'est venue tout petit. Ce qui n'a pas vraiment rassuré mes parents... »
Grand reporter, Morandini va chercher l'info aux quatre coins de la planète et
se retrouve même au Rwanda en plein génocide! Une expérience qu'il n'oublie pas
: « Le terrain me manque énormément. J'adore les gens, les voyages,
être à l'écoute et je repartirai bien volontiers faire de l'actu. » Est-ce
que par hasard Jean-Marc Morandini se sentirait un peu à l'étroit dans le studio
de la rue François Ier ? Ce n'est pas l'impression qu'il donne lorsqu'on le voit
à l'uvre comme ce fut le cas ce lundi 4 avril 2005. Il faut dire que ce jour-là
l'actualité est brûlante avec la mort du Pape et les chaînes de télé qui n'en
finissent pas de relayer l'évènement. Et là, notre Jean-Marc est comme un
poisson dans l'eau. Logique pour un Marseillais pure souche... Arrivé tôt à
Europe 1, il consulte les audiences des chaînes, lit et relit la presse,
contacte ses informateurs, supervise le montage de chaque séquence et tape ses
lancements au mot près. Tout seul comme un grand. Le rythme est rapide mais tout
dans le bureau respire le calme et la sérénité. Jean-Marc ne bouscule aucun de
ses collaborateurs, décide de presque tout, reste ferme mais ne se montre jamais
autoritaire. Le contraire d'un animateur vedette capricieux et égocentrique. La
preuve, il croise les doigts chaque jour pour ne pas revenir à la télé sur une
chaîne hertzienne ! « Avec tout ce que j'ai pris dans la tête, aujourd'hui je
ne le referai pas...J'a fait une erreur et je l'assume mais je préfère regarder
l'avenir. » Et dans un avenir proche, il est 10h25, Jean-Marc descend au
studio retrouver sa « jolie Julie ». La voix d'Europe 1. « C'est
une vraie copine, la relation que nous avons est à la fois sincère et
professionnelle, même s'il nous arrive de partir en week-end ensemble. »
Et l'émission la plus écoutée du PAF, ou presque, peut
commencer. L' ambiance est détendue, très professionnelle mais aussi conviviale
dans la relation que Morandini installe avec ses auditeurs. Derrière le micro ou
au téléphone se succèdent Robert Namias, Bruno Masure ou encore Thierry Ardisson
venu vendre son prime-time du soir, « Le plus grand Français de tous les
temps ». Au passage, je ne sais toujours pas qui a été élu: Steevy ou
De Gaulle ? Jean-Marc Morandini enchaîne les interviews avec un beau
sourire qui ne l'empêche pas de poser quatre fois la même question si on a le
malheur de se défiler. Clap de fin à midi, l'animateur le plus craint des
patrons de chaîne dépose son casque et s'en va déjeuner. Au fait doit-on dire
animateur ou journaliste ? « Animateur ou journaliste pour moi ça ne veut
plus rien dire. Regardez Fogiel et Ardisson, l'un est journaliste, l'autre
animateur et pourtant ils font la même chose. » Je pense que les intéressés
apprécieront la comparaison...
Et dans l'après-midi le journaliste-radio Morandini devient
animateur-télé lorsqu'il rejoint Match TV. Il présente une émission intitulée « Ca
reste entre nous », épaulée par Faustine Bollaert, également
chroniqueuse sur Europe 1. Vous savez ce qu'est c'est. La radio, la télé, une
grande famille etc etc... Et là encore, on est frappé par le calme et la rigueur
de Jean-Marc Morandini. Il voit tout, il contrôle tout, et il s'informe sur
tout: « On a des nouvelles du Prince Rainier ? » A l'heure où JMM
enregistre ses émissions, le souverain monégasque est dans le coma. Il faut donc
parer à toute éventualité. « On va enregistrer une séquence où l'on enterre
Rainier ! » Inutile de s'offusquer, dans le métier les nécrologies des
grands de ce monde sont prêtes bien avant leur mort. Pour Micheline Dax
par exemple, on sait déjà qu'on dira qu'elle sifflait du matin au soir et
qu'elle prenait des bains dans une baignoire high-tech avec une petite porte sur
le côté...
La journée est longue et nous avons tendance à fatiguer vue
l'attente que génère les enregistrements télé. Morandini reste concentré: «
Pas trop de profil sur cette caméra s'il vous plaît. » Après deux numéros de
« Ca reste nous » Jean-Marc enchaîne avec les interview en tête à tête
des invités du jour. Aujourd'hui au menu nous avons Marlène de la 1ère
Compagnie, Henry-Jean Servat chroniqueur mondain à Paris-Match et
Frédéric Mitterrand. Et comme nous sommes polis et bien élevés, nous nous
retirons donc sur la pointe des pieds, histoire de ne pas gêner tout ce petit
monde. On ne sait jamais à force de côtoyer les « people » il ne
manquerait plus qu'on se mette à les aimer... « Dans ce métier je n'ai pas
d'amis, et je ne veux pas en avoir ! »
Merci, on avait compris Monsieur Morandini.
« L'enfer
du décor » par Jean-Marc Morandini -
éditions de l'Archipel - xx
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