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8 septembre 2003


Laurent Gerra : itinéraire d'un enfant athée
 


Propos recueillis par Alexandre Mathieu
 

Qui est vraiment Laurent Gerra ? Est-il de droite ou de gauche ? Pense-il ce qu'il dit et dit-il tout ce qu'il pense ?  Son passage aux Nuits de Fourvière prouve que les humoristes ont une place dans les festivals : l'amphithéâtre comble lui fait un triomphe romain dans le théâtre antique. Que demander de mieux dans la ville de ses débuts ? Comme quoi pour Laurent Gerra : Lyon, “amicalement vôtre” !

 

Lyonpeople : Le personnage que nous souhaiterions aborder, c'est le Laurent Gerra qu'on connaît moins. C'est vrai qu'il y a le côté rocker, du show man sur scène avec Johnny, la voix un peu rauque, mais en même temps vous avez un côté conservateur... Je crois savoir que vous n'avez pas une passion pour la musique rap qui est un phénomène de mode?

Justement j'aime bien la musique ! (Rires). Rocker ça me fait plaisir parce que c'est un état d'esprit. C'est ce que dit Johnny dans une de ces chansons : la Rock'n roll attitude. C'est vrai qu'il y a l'histoire de la scène. Aimer faire de la scène, aimer être sur la route, et en avoir un peu rien à foutre si ce n'est faire plaisir aux gens : au public et aux gens qui pantouflent ! Sinon c'est vrai que conservateur, éventuellement... C'est sympa, ça me fait plaisir.

 

C'est un peu paradoxal, parce que le rocker est sensé être rebelle. De plus, on sent quand on écoute ou regarde vos sketches qu'il y a un penchant pour la provoc.

C'est de la rébellion plus que de la provocation.

 

Un peu Anar, non ?

Oui, mais... (hésitations)

 

Un anar “classique” alors ?

On disait ça de Jean Yanne et d'autres gens que j'aime bien comme Audiard. En plus c'est vrai que j'aime bien les vieilles chansons. Comme celles de Bernard Dimey.

 

 

Ils ont sorti un excellent CD pour les 100 ans du Tour de France vous devriez l'acheter ! (Rires). Plus sérieusement, vous assumez réellement ce côté anar ?

Guy Marchand avait donné une bonne définition : « Je suis un rebelle bien élevé ». C'est pas mal, non ? Je préfère être comme ça plutôt que complaisant et politiquement correct. J'aime bien aller à contre courant, mais ce n'est pas un calcul. Il y a vraiment beaucoup de choses qui m'énervent et ma grande joie et mon plus grand bonheur c'est de pouvoir le dire sur scène. Hier par exemple Marc Veyrat est venu me voir et m'a dit : « C'est incroyable comme tu vas loin ». Aller loin ça veut dire quoi ? C'est rire; à partir du moment où la limite c'est le rire et qu'il y a une salle qui se marre, je suis content. Mais encore une fois je ne porte aucun étendard.

 

Vous ne vous considérez pas comme porte-parole d'une génération qui se rebelle ?

Non, parce que je ne suis d'aucune génération. D'ailleurs ça se voit bien dans mon public, il y a vraiment de tout.

 

Ca, c'est pour le classique. Revenons sur le provoc que vous avez l'air assumer. Vous aimez bien dénoncer certaines choses, mais vous tombez parfois dans la facilité. Comme quand vous tapez sur le Pape, par exemple.

Hé, ce n'est pas facile ! On est quand même dans un pays catholique. Moi je trouve ça courageux.

 

On est surtout un pays démago ! Reconnaissez que vous voulez surtout faire hurler la bourgeoise du coin.

Non, ça la choque. Et ça fait rire grassement une tranche de la population qui me dit en voyant le saint Père trembler et “faire l'otarie” place Saint Pierre : « tiens on a pensé à vous on a vu le Pape » !

 

Vous vous vengez des heures de catéchisme qu'on vous forçait à faire quand vous étiez petit ?

Pas du tout je ne suis pas baptisé, je n'ai pas fait ma communion et je suis un anticlérical de base. Je suis athée, surtout. Mais que ce soit n'importe quelle religion, j'essaie d'équilibrer les vacheries.  Quand des gens me disent (il imite une voix de grand-mère) : «Ah! Vous n'allez pas faire ça avec un imam ou un rabbin», je réponds toujours que c'est parce que la religion catholique est dominante en France. Donnez-moi la voix du grand rabbin et je veux bien l'imiter !

 

Il y a pourtant une catégorie de personnes qu'on ne vous a pas souvent entendu critiquer, c'est une certaine presse. Toutes les icônes du prêt à penser comme PPDA ou autre.

J'en parle dans le nouveau spectacle, mais vous ne l'avez pas encore vu ! Les Pipo et Mario de l'information... Il y en un que j'aime bien, mais malheureusement il n'est pas assez connu. Je ris beaucoup en le voyant, mais pas au degré auquel il voudrait être perçu, c'est Vincent Delerm. Il y a quatre personnes qui font  la nouvelle génération post Trenet avec des musiques de manouche : Sanseverino, qui est pour moi tout ce qu'il y a de plus démago, Thomas Fersen, Benjamin Biolay et la couronne revient à Vincent Delerm.

 

 

En plus ma grand-mère l'adore ! Ce sont tout de même des phénomènes culturels, vous ne vous considérez pas comme tel également ?

On ne nous reçoit pas souvent dans les centres cul, les CAC ! (Centres d'Actions Culturelles). L'intouchable m'ennuie, comme pour les rappeurs. Aujourd'hui on ne peut pas se moquer des rappeurs car il y a des gens qui disent que celui qui n'aime pas les rappeurs n'aime pas les Arabes. C'est là que l'amalgame est aberrant. C'est un phénomène de mode comme vous le disiez tout à l'heure, et mon truc c'est de me moquer de ce qui est à la mode. Que ce soit Vincent Delerm, le rap ou le foot. Pendant la coupe du monde on a fait une émission et une chanson à ce sujet.

 

En fait vous ne tirez que sur des cibles faciles ?

Non, dans ce cas je me moquerai de Mireille Mathieu. Je suis tributaire de l'actualité. Je m'en sers et ça apporte de l'eau à mon moulin. Mais c'est vrai qu'il y a des choses qui m'énervent plus que d'autres. On annule les Francofolies de la Rochelle et les concerts de la Star Academy se produisent partout en France.

 

Vous en parlez aussi dans votre nouveau spectacle ?

Evidement !

 

Ce n'est pas plus facile de se moquer de la Starac que d'un rappeur ?

Ce n'est pas facile de se moquer de ce qu'on subit. C'est jouissif ! (Rires) La limite c'est que ça fasse rire. Je me suis moqué d'Amélie Poulain. Et là on s'aperçoit qu'il y a pas mal de gens qui n'ont pas osé dire qu'ils avaient trouvé ça chiant parce qu'ils avaient peur de n'avoir rien compris. Alors qu'entre nous, il n'y a pas grand chose à comprendre sur Amélie Poulain... l'andouille de Montmartre avec sa coupe au bol, son air niaiseux et  sa petite cuillère (Rires).

 

Comment choisissez-vous vos thèmes, par impulsion ?

Je ne choisi pas mes thèmes, ils viennent à moi...

 

D'accord mais il y a bien un moment ou vous devez sélectionner les thèmes qui viennent à vous ?

Oui, mais l'actu va très vite et je suis amené à changer des trucs en cours de route sur mon spectacle. Il y a eu une guerre entre temps donc j'ai fait une chanson sur la guerre à la manière de Renaud, il y a eu une grève des fonctionnaires, on en a aussi parlé.

 

Qu'essayez-vous de faire au juste, d'aider les gens à réfléchir ?

Je n'essaye rien du tout. Je m'amuse et j'espère que le public s'amuse avec moi.

 

Que vous le vouliez ou non, vous véhiculez un certain message qui est une alternative à la  “bien pensance”.

Je n'aime pas le terme  véhiculer  parce que Bruel m'a dit un jour : « tu ne peux pas véhiculer une image de moi comme ça ».  Donc j'emploie maintenant ce mot en faisant Patrick Bruel (il l'a fait pendant le spectacle NDLR). Ce que je dis là, je ne devrais pas, parce que couché sur le papier ça ferait donneur de leçon. Dans un article ça peut paraître très violent, alors que si c'est sur scène avec un sourire, une voix, c'est pas pareil. En plus on s'en fout de mon avis ! Pendant deux heures ça fait du bien aux gens que je dise du mal sur tout le monde, très bien, mais que j'aille dans la presse me répandre en disant que je n'aime pas un tel ou un tel...

 

C'est vrai que sorti de son contexte, ça n'a plus d'intérêt.

Il y a cinq ans avec Jean-Jacques Perroni, mon collègue avec qui je bosse, on disait : Canal +, la chaîne des beaufs qui croient qu'ils n'en sont pas. Tout le monde m'a demandé ce que j'avais contre Canal + qui était considérée  comme un concept novateur ; pour moi ce n'est que deux heures de création en clair entrecoupée de pub sur une chaîne cryptée. Le reste c'est des films, du foot et du cul. L'idée de l'Esprit Canal m'agace un peu.  A quelqu'un qui m'a demandé un jour ce que j'avais contre Canal, je lui ai répondu « je n'ai rien contre, je fais partie des 56 millions de français qui ne regardent pas ». Ca ne veut pas dire que c'est mieux de regarder TF1 !

 

Vous cherchez quand même un peu les failles des gens ?

Un peu ! Mais même inconsciemment. Je ne regarde pas la télé normalement ! Des reproches, j'en ai toujours eu. On m'a dit que j'étais homophobe parce que j'ai fait un sketch sur Delanoë. Il a fait un bouquin, il en parle. Je n'ai pas à me justifier sur ce que je fais. Que ce soit pour Patrick Bruel ou autre. Je suis sur scène, ça fait rire, il faut mettre ce que je dis dans un contexte d'humour. Et ça serait mettre dans un ghetto les gens que de ne pas s'en moquer. C'est valable pour les rappeurs, les homosexuels, etc.

 

En ayant cette attitude, vous n'avez pas l'impression qu'une partie de la population qui refuse le politiquement correct se retrouve en vous ?

Je ne sais pas ! Je suis très heureux de ce qui m'arrive, que les gens viennent rire de mes bêtises.

 

Comment s'est passée votre collaboration avec Johnny pour votre duo dans sa tournée des stades ?

Si on m'avait dit quand je suis parti de Lyon que je chanterais avec lui, je pense que je n'y aurais pas cru! C'est un rêve de gamin. Mais c'est vrai que j'ai vraiment eu des frissons, surtout le deuxième soir. C'est un grand pro, un grand chanteur et un vrai artiste, quelqu'un d'intelligent et de généreux. C'est du vrai spectacle.

 

Et pour finir, un mot sur Lyon ?

J'adore Lyon. En plus je suis du coin et c'est là que j'ai débuté. Je suis à chaque fois très ému de revenir sur scène ici. J'ai des très bons souvenirs, comme au Théâtre des Célestins ou une mamie est partie en claquant la porte suite à un sketch sur l'Eglise. On aurait voulu le faire exprès, on n'y serait pas arrivé !

 

 

Les premières fois de Laurent Gerra

1967 : Naissance le 29 décembre 1967 à 10h30 à Bourg en Bresse.

1987 : Premières scènes dans un théâtre de poche lyonnais alors qu'il est encore étudiant.

1989 : Première télé dans l'émission de Philippe Vorburger « Casino des As », diffusée sur TLM. 

1994 : Premier prime time Michel Drucker dans "Studio Gabriel".

1999 : Premier coup d'éclat : apparition TV juste avant les voeux du président de la république le 1er janvier 99. La presse du lendemain relate très faiblement le discours présidentiel officiel mais parle en long et en large de celui de Laurent Gerra.

2003 : Tournée des stades avec Johnny Hallyday.
 


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