Alain Alexanian, la vie en bio !
De notre correspondant Arnaud Curt
Depuis la fin des années 90, une certaine tranche de la population a adopté
un mode de vie bio. Mais, contrairement
à ce que l'on peut imaginer, les restaurateurs utilisent peu ce type de
produit et rechignent encore à mettre en avant sur leur cartes les légumes et
autres fruits. A contre courant, Alain Alexanian innove en créant un endroit
original dédié au bio et au commerce équitable.
A l'heure où la plupart des grands cuisiniers comme Alain Ducasse,
s'insurgent contre les critiques gastronomiques qui sont censés nuire à leurs
petites affaires, d'autres continuent à se préoccuper du palais de leurs
contemporains en essayant d'instaurer une nouvelle façon de manger avec un vrai
retour vers la terre. « Un cuisinier citadin n'existe pas » s'exclame le
restaurateur lyonnais Alain Alexanian, et ses propos sont justifiés. Elevé dans
un univers de senteurs et d'épices par sa grand-mère, survivante du génocide
arménien, qui prenait le temps de l'élever en lui inculquant les valeurs de la
table, il se plait à se remémorer ses dimanches mêlant effluves de poule au pot
et des recettes traditionnelles arméniennes. Ne pouvant l'aider dans ses devoirs
scolaires, les leçons tournaient autour du partage de la cuisine et de ses
ingrédients.
A l'âge de 10 ans, il comprit que son destin se situait derrière les fourneaux.
Puis à partir de 14 ans, il débuta son apprentissage dans un restaurant des
Echets avant de continuer sa route quelques kilomètres plus loin chez Alain
Chapel, l'inventeur de la nouvelle cuisine. Il partageait avec le
restaurateur de Mionnay la même vision de la gastronomie. 1978 fut placée sous
le signe de la femme puisqu'il travailla avec
Madame Castin, qui lui rappela ses premières impressions d'enfant. La
même année, il rencontre Véronique, celle qui deviendra son épouse et sa
plus proche collaboratrice. « Je suis imprégnée par les femmes, je ressens le
besoin de vivre à leur côté » assure le chef étoilé. Mais sa renommée
lyonnaise et nationale débuta rue des remparts d'Aynay où il donna ses lettres
de noblesse à l'établissement « Le poêlon d'or ». Sa renommé et les demandes
pressantes de ses nombreux clients l'obligèrent à s'installer dans son propre
établissement. Il trouva un petit local de bureau de comptabilité dans le
troisième arrondissement pour 0 F de pas de porte à condition de retaper
entièrement l'endroit. Ce qui donna naissance à « L'Alexandrin », le
restaurant étoilé au guide Michelin dont la réputation n'est plus à faire !
Son premier combat en faveur du bio consista à imposer un menu légumes. Cette
innovation séduit aujourd'hui plus de 30% de ses convives. Mais le déclic pour
s'investir dans la restauration rapide bio vient de Noémie sa fille de
11ans : « Toi qui prônes le goût et les saveurs, pourquoi ne crées-tu pas
quelque chose pour nous ? Ou veux-tu qu'on aille manger pour 5 ? » Il se
rendit vite compte que l'unique réponse tournait autour de Ronald Mac Donald et
de son univers jaune, bourré de cholestérol ! « J'aimerais que les gens
mangent sainement de bons produits et aillent au fast-food américain
occasionnellement pour que ça devienne une fête et non le contraire ». Une
fois l'idée de la restauration rapide écolo, fallait-il encore trouver
l'endroit. Il reçut une proposition pour le moins originale, s'implanter dans le
hall du centre hospitalier Saint-Luc, Saint-Joseph.
Il réussit à créer « A Point », un endroit qui fait oublier complètement le
reste du bâtiment avec un design épuré. Sa carte réunit près de 49 petits
producteurs de la région aux antipodes de
l'industrie agro-alimentaire et des gros financiers qu'il exècre. La démarche se
situe à l'opposé de celle de José Bové car il souhaite inviter les gens à
manger autrement sans les contraindre. Il aimerait réunir toutes les générations
dans son établissement où les étudiants des facultés toutes proches pourraient
côtoyer les personnes âgées du septième arrondissement autour d'un cocktail de
fruits pressés à la minute. « On peut changer le monde en buvant un café à 1 20 contribuant au commerce équitable ! » Son souhait le plus cher, outre
de développer son nouveau restaurant, serait d'être copié. Les félicitions de
ses confrères à l'instar de Pierre Troisgros pullulent , peut-être un signe
encouragent...
En tout cas, il pourra toujours compter sur sa fille avec qui il s'accorde deux
heures chaque soir après l'école autour de la cuisine et de ses produits.
Histoire d'in transmettre le plus riche des patrimoines...
A Point
20, quai Claude Bernard - 69007 Lyon
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