Jean-Charles
Foellner :
« J'ai donné un grand coup de balai ! »
La GLNF qui compte à Lyon 63 loges et 2700 membres a inauguré son nouveau
siège régional en présence du Grand maître de cette obédience maçonnique.
L'occasion d'en savoir plus sur la discrétion (voire le secret) qui entoure une
pratique spirituelle méconnue et controversée.
Qu'est-ce que
l'appartenance à la GLNF implique-t-elle dans la vie quotidienne ?
Elle implique une réalisation personnelle, de calquer sa
vie personnelle et professionnelle sur ce qu'on apprend dans la loge. Cette
relation qu'on a avec les autres permet, d'une part, de nous parfaire, d'autre
part de transposer à l'extérieur du temple ce que nous faisons dans la loge.
Qu'en est-il de
l'affairisme dont a souvent accusé la GLNF ?
Je pense d'abord que de l'affairisme il y en a de partout,
que ce soit dans notre obédience ou dans d'autres, il y en a toujours eu et il y
en aura certainement toujours. Depuis 5 ans j'ai donné un grand coup de balai.
Vous savez, cet affairisme se retrouve aussi bien dans les clubs de boules ou de
tennis et chez les juges ou les avocats. Ce n'est pas condensé dans la GLNF,
surtout pas dans la GLNF d'ailleurs. Mais on est beaucoup plus prudents
aujourd'hui quand on recrute quelqu'un.
Pourquoi les maçons de la
GLNF sont-ils plus discrets que ceux du Grand Orient ?
Peut-être sur la région, mais sur le plan national... c'est
ouvert! Nous on en parle, mais peut-être que les Lyonnais sont plus discrets que
d'autres. Quant à la GLNF, sa naissance même est liée a cette quête de
spiritualité, abandonnée un temps par nos frères du GO. Elle va rallier un
certain nombre de personnes dont la démarche maçonnique procède d'une recherche,
d'une dimension de l'individu. Elle est revendiquée aujourd'hui par d'autres
groupes puisque l'on parle d'une spiritualité laïque. Cette démarche est très
personnelle puisque c'est un travail sur soi. Le GO a conservé dans sa culture
sa volonté de transformer la société, revendication que nous n'avons pas. Ce qui
compte pour nous est la transformation de l'être en profondeur. L'horizon visé
est le même, la démarche est complètement différente. C'est cependant un même
regard sur la finalité de l'action.
La différence essentielle
avec les autres obédiences tient au fait que vous croyez en Dieu mais les
francs-maçons sont-ils toujours excommuniés?
Ah non! Même plus chez les autres obédiences et ce depuis
une cinquantaine d'années environ. Seul l'actuel pape le revendique encore car
cela l'arrange. Il se dit qu'au moins les catholiques n'iront pas en
franc-maçonnerie. Du temps du Père Riquet, il y avait une ouverture de la
papauté, elle y était très favorable. Après, cela s'est un peu durci.
Vous avez présenté vos
condoléances au Saint Siège lors du décès de Jean-Paul II. Dans quel état
d'esprit ?
Jean-Paul II était un personnage exemplaire. Il avait les
qualités universelles de clairvoyance, de courage. Ce sont elles qui ont été les
deux grands attraits du personnage. C'est une sorte de témoignage à
l'intelligence, à la valeur humaine et au discernement spirituel. C'est comme si
c'était un maçon qui rendait témoignage à un maçon qui l'était en fait dans son
cur en se conduisant comme il l'a fait: pas d'arrière pensée, ni pour se faire
valoir, ni pour s'attirer la sympathie.
Votre organisation a mis
en place une uvre d'Assistance Fraternelle pour aider les frères dans le
besoin. Est-ce de la solidarité sélective?
Nous avons plusieurs assistances, que nous appelons OAF,
créées en 1918 car après la guerre on avait pensé qu'il fallait faire du bien
autour de soi. Et cela a perduré jusqu'à il y a 15-20 ans. On a alors demandé à
avoir une ouverture sur les autres. L'OAF reste aujourd'hui là pour les veuves
et les orphelins de franc-maçons. Mais nous avons créé la fondation pour la
Promotion de l'homme, reconnue d'utilité publique. Nous avons également Hôpital
Assistance, créée en 1992, autre ONG d'utilité publique qui uvre aujourd'hui à
l'international.
On perd la qualité de
franc-maçon en présentant sa démission? Est-ce courant?
Il y a plusieurs sortes de démissions: certaines dues à des
situations familiales, à des divorces, etc... Mais il y a de la solidarité
là-dessus. Sauf quand certains esprits faibles pensent que, quand il y a
rupture, tout fout le camp.
On peut également être
exclu. Quels actes peuvent entraîner cette décision?
Soit la personne ne paie pas ses cotisations, soit elle ne
respecte pas la loi des francs-maçons. Ou alors elle s'est mal conduite. Dans ce
cas il y a un conseil de discipline et on le fout à la porte (problème
d'éthique, affairisme, condamnation en justice...). On dispose d'un Grand Tribunal
interne avec deux conseils disciplinaires: l'un provincial, l'autre national. Le
frère va être entendu, ne serait-ce que pour s'assurer que c'est vrai, qu'il n'y
a pas de calomnie. Le conseil provincial est composé au minimum de cinq membres.
Le blâme existe ou l'exclusion temporaire de 3 mois à 3 ans, ou l'exclusion
totale. L'appel reste envisageable. On peut aussi être blanchi.
L'inauguration
d'aujourd'hui s'apparente à une opération Portes Ouverte. Est-ce comme dans les
concessions auto, on va avoir des cadeaux, des remises sur l'adhésion?
Vous aurez droit à une coupe de champagne (rires). Le but du jeu étant en
l'occurrence ici de remercier le maire de Rillieux-la-Pape et le maire du Grand
Lyon, qui nous ont donné un grand coup de main. Et les frères qui ont
entièrement financé les 4 millions d'euros d'investissement.
Vous allez bientôt passer
la main en tant que Grand Maître. Quel est votre sentiment alors que vous êtes
sur le point de rendre votre tablier?
Ces années ont été très palpitantes et très fatigantes. A
mon arrivée, il y avait beaucoup de vieux messieurs qui venaient ici prendre une
seconde petite retraite. La Grande Maîtrise se fait par 3 ans renouvelables, et
quand je suis arrivé j'ai ramené la Grande Maîtrise à six ans maximum.
C'est-à-dire trois ans renouvelables une fois, et je me suis appliqué cette
règle. Je partirai en décembre 2007 et pour tout vous dire je suis très heureux
de partir parce que c'est fatigant. C'est vraiment un travail de tous les jours,
24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Cela nécessite beaucoup d'implication et
d'énergie sur le plan familial comme sur celui des affaires.
La lavallière est votre
marque de fabrique. Quelle sera celle de votre successeur?
(Rires)
Je n'en sais strictement rien, et pour tout vous dire je ne sais pas aujourd'hui
qui sera mon successeur. Je laisserai le soin de décider aux 300 et quelques
sénateurs qui se réuniront. Le candidat sera soumis au vote des 1350 loges, donc
2700 votants. Sachant qu'il existe un dauphin, proposé par le sortant
c'est-à-dire moi !
|